Chapitre 45
-Le sort de ta sœur te préoccupe tant que cela ? Tu sais bien ce qu'elle t'a volé, n'est-ce pas ? L'amour de tes parents, et maintenant de la personne que tu aimes ? Et tu te sens encore prête à la sauver ? Personne ne t'en voudra, si...
-Laisses-la partir, coupa violemment Floralyn.
Ses lèvres mordues lui firent ressentir le goût métallique du sang dans son palais, elle effleura le thé de ses lèvres pour faire passer l'odeur.
Weskovin fit mine d'être surpris par sa brutalité, et exagéra un bond en arrière, comme s'il venait de voir un monstre géant et poilu prêt à lui sauter dessus.
-Quelle humeur, ma chère amie ! se désola-t-il en souriant sans-cœur.
Il décela cette panique qui fila dans les prunelles de la jeune fille, et en profita pour se rapprocher d'elle.
-Je l'ai libérée, ton petit compagnon ne tardera pas à la trouver...
Floralyn leva les yeux vers lui, légèrement surprise, et lui versa une tasse de thé qu'elle posa sur un plateau en porcelaine.
-Alors sois bien sage... de plus... n'oublie pas que tu as été entre mes mains pendant un moment...
Les mains de la princesse se crispèrent. Car elle se doutait bien que Weskovin avait implanté quelque chose dans son corps, qui l'avait affaiblie au point de s'évanouir devant le campement du roi de Roënster.
-Krusla ? Ton petit compagnon ? Oh, il est encore intact, répéta Weskovin, n'entendant pas de réponse.
La jeune fille fut étonnamment sensible au mot encore.
-Pourquoi cette expression désagréable ? Cela fait partir de notre contrat. Lui, contre elle.
-Comment ? Tu voulais l'œil Écarlate...
-Oui, mais pas du tien...
Les cils tremblants de ses yeux fins trahirent son excitation. Floralyn serra ses poings aux articulations délicates.
« C'est toi qui m'y as obligé. »
Elle fit tourner ses eisthones, prête à se battre, mais soudain, son corps se raidit, et Weskovin la rattrapa dans ses bras.
-Où vas-tu, Floralyn ? Il n'est pas poli de se lever sans prévenir...rit-il.
-Quand... qu'est-ce que tu m'as fait avaler ?!
L'homme la posa contre la tête du lit, et plaisanta avec légèreté :
-Tu ne veux pas me lâcher ?
Floralyn ne répondit pas. Soudain, elle fit sauter son fleuret dégainé sur son pied, et, d'un bras, poussa l'arme dans le dos de Weskovin, jusqu'au bout. Ce dernier se raidit, et se laissa pousser un juron : elle était folle de les embrocher tous les deux ? Elle n'accordait pas d'importance à sa vie ?
Mais ces questions se bloquèrent sur ses lèvres, et il demanda :
-Comment ? Je n'ai rien senti venir... murmura-t-il en se rendant compte que ses eisthones semblaient collées avec de la glue. Du poison ? D'où vient-il ?
Impossible ! Il avait tout vérifié !
Floralyn rit d'une voix rauque, en toussant le sang qui sortait de sa gorge. C'était son secret, que même Krusla ne savait, et pourquoi elle avait décidé de planter son fleuret dans leurs deux corps sans aucune hésitation : la veille, elle avait bu « le Rêve Eternel » pas le poison le plus puissant, mais qui avait le pouvoir de transformer son corps... en une arme.
-La tasse que tu as bue, était la mienne, elle contenait mon sang... empoisonné.
-Petite folle ! Cria-t-il en jetant l'arme. Mais... crois-tu qu'un Estre comme moi puisse mourir si facilement ? Ha, ha... quelle innocence ! Ton petit compagnon n'y pourra rien sans toi. Sans toi, son Écarlate n'est pas entier... donnes-moi le remède, c'est votre seule chance !
Floralyn se força à ne pas écouter ses paroles bien trop convaincantes.
Mais tout à coup, il se tira du fleuret, n'hésitant pas à élargir sa blessure ainsi que celle de Floralyn. Un jeune homme qu'il dissimulait dans son dos le poursuivit à l'autre coin de la pièce, afin de l'éloigner de Floralyn.
Cette dernière jeta un œil vers Wensraël, qui, comme prévu, n'avait pas le dessus. E lle fut surprise par la puissance de son adversaire, qui ne lui paraissait pas si redoutable autrefois, et se rendit compte qu'elle était comique à se croire forte, comme une fourmi qi ne pensait pas qu'un géant avait une tête à défaut de la voir.
Soudain, des bruits de pas lui vinrent. Ceux de Krusla, qui respiraient légèreté et agilité, même dans la précipitation. Elle jeta un œil sur sa robe déchirée, tira l'un des rideaux du lit, et se recouvrit, en même temps que cette blessure effrayante qui semblait la trancher en deux.
A peine que l'épais velours lui tombe sur l'épaule qu'apparut le garçon de ses esprits, ébouriffé, dont l'épée dégainée créait un tas de sang sur le sol.
-Alexia ? Demanda-t-elle.
Krusla la dévisagea un instant. Alors, elle savait depuis le début... mais il était content qu'elle ait réalisé ce pacte, car ils n'auraient jamais pu laisser Alexia aux mains de quiconque.
-Elle arrive.
Ils hochèrent la tête simultanément, et Krusla se mêla dans la bataille pour prêter main forte à son camarade. Ils se rendirent alors compte de la véritable puissance du roi de Liore. Même empoisonné, et dont une blessure sanguinolente trempait sa chemise encore immaculée quelques minutes auparavant, il ripostait avec force et sans trop de peine. Krusla fronça les sourcils en utilisant les courants d'air pour chasser le sang qui coulait dans ses yeux. Il n'était pas fait pour les longues batailles, son Ecarlate n'est pas entier... Ils avaient déjà surestimé Weskovin, mais visiblement, ils l'avaient sous-estimé ;
Floralyn tenta de se lever, mais avec tout le sang qu'elle avait perdu, et le temps de refroidissement, elle se rendit compte que le poison, même avec le remède qui ne pouvait que retarder l'échéance et qui ne faisait plus trop d'effet à force de le prendre toutes les heures, la rendait à présent impuissante. Elle savait qu'elle avait déjà fait beaucoup, mais à ses yeux... pas assez... pas assez ! Pas assez ! Elle ne pouvait pas se contenter de cela ! Alors, elle mordit son doigt, et traça autour d'elle un cercle orné de symboles précis et enchevêtrés. Krusla venait de recevoir une autre réserve d'eisthones de Zelriasfer, et le partagea avec Wensraël. Ils étaient au bout de leur force. Floralyn dessinait à présent avec ses deux mains et tous ses doigts avec une coordination prodigieuse. Le cercle commençait à émettre une lumière d'un écarlate ensorcelant.
Mais le soulagement, au contraire, ne fleurissait pas sur son visage. Au contraire, il palissait de plus en plus.
« Je n'ai plus de sang... »
Soudain, elle vit le sang qu'elle avait versé en se poignardant.
« Arrêtes ! », ordonna une silhouette devenue presque transparente.
La jeune fille leva ses yeux, qui s'embrumèrent.
-Zellan...murmura-t-elle sur le bout des lèvres, le souffle coupé.
« Si tu fais cela, même Melwis ne pourra te sauver ! »
Il enflamma ses eisthones, quitte à perdre encore une précieuse durée de vie qui lui étaient chère à présent. Mais il était trop loin... beaucoup trop loin !
-Veilles sur Krus, d'accord ? C'est la personne que j'aime.
Et elle but tout le sang étendu sur le sol sans rien laisser. Tout sur teint refléta un rose maladif, mais les symboles s'illuminèrent de plus en plus.
...
Un bruit métallique l'extirpa de ses pensées.
-Hé, gamine ! l'appela un jeune garçon qui devait être de son âge.
Il avait soigneusement dissimulé sa tête sous une grande capuche noire, à moitié déchirée. Accroupit à son aise, le dos contre un immeuble, il fit un sourire inquiétant.
-Ta jument marche sur mon dard, poursuivit-il.
Florys remarqua alors qu'il avait répandit parterre une dizaine de dards et de poignards.
-Excuse-moi ! s'écria-t-elle, feignant la candeur d'une petite fille. Je n'avais pas vu !
Elle allait presser le pas de sa monture quand il lui barra la route, malheureusement trop étroite pour la laisser passer, ou lui permettre de faire demi-tour.
-Ton lame est aussi précieuse que ta vie, c'est ce que disent ceux qui savent la manier. Ta jument a donné un coup à mon dard. Mon dard te donnera un coup, lui aussi.
Sa démarche était beaucoup trop souple pour n'être qu'un de ces gamins qui volent les passants.
<<Il ne doit pas être aussi simple qu'il laisse paraître. >>
...
Il l'examina de la tête aux pieds, et s'écria :
-La fillette de la rue !
Florys fronça les sourcils.
-Je ne suis pas une fillette !protesta-t-elle.
-Mais oui, grande fille...
...
-Tu as dormi deux jours de plus que moi, la railla-t-il.
...
Quand elle était seule, il était là.
Quand elle était triste, il était là.
Quand elle riait, il était là.
Quand elle a besoin de lui, il est toujours là
Gaiement, généreusement, imperceptiblement... Tous les bons souvenirs que lui arrachaient des sourires étaient remplis de sa silhouette fine et élancée d'adolescent, qui souriait à cette fillette capricieuse qu'elle refusait de reconnaître.
« Nous ne sommes pas nés ensemble, mais nous cheminerons ensemble !», avait-il dit en jours en riant.
« C'est tout que je peux te donner, gros idiot... A présent notre chemin est terminé, déjà... je n'ai pas pu admirer chaque brin d'herbe qui ont filés sous nos pas... à présent, c'est trop tard.»
Au plein cœur de l'affrontement, Krusla entendit quelques débris de mots lui parvenir, de cette voix cristalline naturellement rieuse reconnaissable entre mille.
-Veilles ... Krus...ord ? La pers... que j'aime.
Son cœur ne manqua pas un bond : il faillit cesser de battre.
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