Chapitre 40


Krusla écrasa l'agacement qui naissait de sa poitrine et sourit comme s'il tentait de convaincre une petite fille innocente de quatre ans :

-Voyons... Je ne te veux pas de mal... Je veux juste savoir ce qui s'est passé... Est-ce que j'ai l'air méchant ?

-Ou... oui, avoua le garçon après une vague hésitation.

Krusla sentit apparaitre des traits noirs sur sa tête. Comment ça ? Lui, le héros preste et splendide, méchant ? Ce n'est pas possible. Ce garçon doit souffrir de problèmes optiques...

-Bon... As-tu vu des personnes du palais depuis ?

-Oui... lâcha le roturier. Monsieur Albert.

Krusla sursauta. Mais qu'entend-il ! Une réponse à sa question ! Inutile, mais une réponse tout de même !

-Quand ? Sais-tu où il est à présent ?

-Chez moi, monsieur.

Le garçon le dévisagea longuement et soudain, son regard se fit brillant, et ses yeux larmoyants. Krusla vit parfaitement ses yeux rivés sur sa bourse et soupira en lui lançant une pièce d'or. Le garçon l'examina et l'enroba dans son mouchoir morveux comme un précieux trésor. Puis, il la rangea et sourit jusqu'aux oreilles.

-Suivez-moi, m'sieur.

Krusla soupira à ce changement radical d'attitude et le suivit dans sa course effrénée sans aucune difficulté. Puis, après avoir repéré la direction, il le souleva par le col et le porta à travers le ciel.

...

Un amas de tissu couvrant quelques tiges de fer. Voilà la demeure d'un garçon vivant seul avec sa mère. Visiblement, cette dernière était absente.

-C'est ici, m'sieur, chuchota-t-il en cognant doucement une tige de fer contre une autre, comme s'il avait peur de déranger l'hôte de son propre habitat.

Une voix masculine dont la douceur trahissait un trait vif souffla :

-Entre, petit. Qui amènes-tu ?

Le cœur de Krusla fit un bond en entendant cette voix, non parce qu'elle avait su déceler sa présente, mais par ce grain... Il rit d'un air moqueur :

-Comment serais-ce possible ? Il n'avait rien a faire là. Non... père ?

Le garçon souleva la toile boueuse d'une tige de fer, et les regards se croisèrent. Le rouquin se raidit. Ce n'était pas les traits vigoureux, comme taillés au couteau de son père, mais un visage d'une blancheur comparable au sien, le regard profond et un nez délicat ; mais ces lèvres qui autrefois fleurissaient sur cette neige éclatante trahirent une histoire inexistante autrefois.

L'homme également, reconnut ce frère qu'il avait aimé, puis tant haït. Non, il ne peut pas pardonner à celui qui lui a tout volé, celui qui a fait de lui le faible qu'il est maintenant. Pourtant, le voir aujourd'hui, métamorphosé, éveilla en lui un sentiment confus et indescriptible.

De longues secondes de silence pesèrent sur leurs épaules. Le garçon ne sut pas supporter la présence de deux Estres bien supérieurs à lui. De grosses gouttes de sueur caressèrent sur cou. Aurait-il –encore- fait une bêtise en amenant cet inconnu ici ? C'est Krusla qui rompit ce silence en premier. En ces longues années, il avait appris a laisser sa fierté. Après avoir avancé à une distance ni près ni loin, il se demanda quelles salutations il devait dire, mais les mots sortirent seuls :

-Cela fait long temps, Reyan ! T'es-tu trouvé une amoureuse ?

Pendant que le garçon hésitait à l'assommer à coups de marteau, Reyan avait perdu ses yeux saphir dans l'azur d ciel.

...

Dans un jardin plus éblouissant que ceux des songes, le léger vent printanier dépliait délicatement les pétales couronnait la roseraie multicolore et déversant quelques pétales à son passage dans les cheveux d'or d'un petit garçon vêtu de chemise à volants et de manteau délicatement brodé. De loin, en voyant un tel petit personnage aux épaules tremblantes dans une atmosphère si féerique, n'importe qu'elle jeune fille se serait assuré qu'il riait de bon cœur. Erreur, le petit prince sanglotait en poussant des cris de rage aigus. Assises à côté de lui, les servantes essuyaient ses larmes avec un visage d'adoratrices attendries. Mais pas moyen de le calmer. Personne de comprenait pourquoi est-ce qu'il pleurait, lui, le prince favori du roi. Sans doute, Reyan lui-même était le sel à savoir...le seul, sauf lui.

-Hé ! Arrête ! Je ne peux même plus faire ma sieste ! lança une voix enfantine du haut d'un arbre.

Tandis que les suivantes s'indignaient de ce ton de voix bien trop familier, Reyan cessa soudain ses cris, et marmonna d'une voix presque inaudible :

-C'est trop, trop injuste que tu dois partir ! Pourquoi tu peux pas rester ! Papa est méchant ...

La voix rit doucement, et un garçon aux cheveux d'une rousseur éblouissante atterrit devant lui.

-La cuisinière a dit que le jour où tu auras une amoureuse, tu n'auras plus besoin de moi !

...

Krusla ferma douloureusement ses yeux. Il dévisagea son petit frère. Lui, il devait se souvenir de tous leurs moments passés ensemble... alors qu'il avait tout oublié. Tout oublié pour ne pas se sentir coupable.

-Rey...

-Non ! coupa son frère, dont le visage traçant une beauté maladive laissa apparaitre la résignation. Je ne veux pas entendre. Ce qui est fait est fait, je n'oublierais pas les fois où j'échangeais mes jouets avec père pour que nous puissions nous voir. Je n'oublierais non plus tout ce que tu as fait pour moi. Ne te sens plus coupable, tu ne peux plus rien changer.

Krusla baissa les yeux. Ses souvenirs s'éclaircissaient, à présent. Leur fraternité, bien plus solide que celui avec Alexandr, son aîné, qui était envahi de leçons d'escrime. Comment avait-il pu transformer un lien d'une telle beauté en ressentiment par jalousie pour l'attention que portait son père à ses frères ?

Il fixa son petit frère, et soupira :

-Que puis-je faire ?

-Rien, tu peux partir, nous sommes quittes.

Les mots de Krusla furent refoulés sur le coin de sa bouche. Il savait qu'il n'avait plus rien à faire ici. Il se retourna alors, ignorant le regard stupéfait du garçonnet et sortit.

-Tu ne prends même pas les nouvelles de père ? Qui s'est inquiété nuit et jour d'un sale ingrat ? Son sort t'importe peu, à présent, hein ? Ne put s'empêcher de crier Reyan à qui cette « indifférence » arracha tout sang froid.

Mais il ne devina pas que sa phrase suscita en son frère une joie mêlée de soulagement.

-Quoi ? Il est vivant ? Père... est vivant ?

-Tu es sourd ? Ou bien tu ne veux plus nous voir ? Souffla le blond en levant ses yeux océan au ciel.

Aucun des deux ne se rendit compte que leur fraternité passée ébourgeonnait de nouveau, même s'il faudra bien du temps pour effacer leurs rancunes.

-Où est-il ? Questionna Krusla dans un élan de joie.

Il n'osa pourtant pas prendre des nouvelles d'Alexandr, car il se rappelait de la jalousie de ce petit garçon pleurnichard envers son grand frère.

Reyan lui lança un regard complexe avant de lâcher :

-Suis-moi...

Il se leva, prit maladroitement son pied sur un bâton qui trainait parterre ; et avant que son frère glousse comme une oie, sortit sans dire mot.

Ce dernier ne se rendit compte de rien, quand Zelriasfer sentit l'appel de Zellan. Il allait avertir Krusla, quand il se rendit compte que ce dernier était tellement absorbé par ses retrouvailles qu'il ne lui portait aucune attention.

« Es-tu un membre de sa famille, Zelriasfer ? Es-tu la personne qu'il aime, ou qui restera toujours à tes côtés ? Est-ce raisonnable de tant défendre une personne qui tire profit de toi, quitte à t'éloigner de moi ? », avait questionné Zellan lors de leur dernière rencontre, avec son expression noble mais confiante.

Il était sûr dans sa réponse, mais maintenant, le doute commençait à germer. A présent, le frêle garçon d'autrefois n'a plus besoin de lui... Zelriasfer froissa l'une de ses pages dans le sac du jeune homme tel un mouvement nerveux et les lettres gravées s'envolèrent du papier chamois tel un nuage de poussière noire qui se glissa dans le nez de Reyan, qui éternua.

-Pff... rit Krusla en voyant sa tête écarlate et le regard stupéfait du garçon de rue qui l'observa avec stupéfaction taquiner le héro de ses yeux d'adolescent.

-Essaie d'être discret, la prochaine fois, le lorgna son petit frère du coin des yeux.

Il posa une main sur sa poitrine, sentant une légère douleur. Décidément, ces blessures n'étaient pas prêtes à cicatriser ! Personne ne vit que Zelriasfer tordit une ligne en un demi-sourire, un peu étrange.

« Apprends, maître, qu'il faut toujours rester vigilent.... »

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