Chapitre 10

-    « Itachi ? Puis-je entrer ? ». La voix apaisante de Sayuri permit à l'aîné des Uchiwa de revenir à la réalité, lui qui somnolait sur le fauteuil à cause du traitement intraveineux. Itachi était fatigué, et dormait plus de dix heures par nuit depuis le diagnostic de son cancer, en plus de deux siestes quotidiennes d'environ une heure et demie chacune le matin et l'après-midi.

Selon la volonté de l'héritier des Uchiwa, seule sa famille était informée de son état. Le clan ignorait la santé d'Itachi, qui s'était même résolu à cacher la vérité à Shisui et Obito. Il ne voulait surtout pas être réduit à son statut de malade, et détestait plus que tout les regards bienveillants et compatissants. Il savait également qu'il ressortirait vainqueur de ce combat, peu importe sa durée, son intensité et ses conséquences.

En effet, Itachi souffrait de maux de tête fréquents, perdait des poignées de cheveux, était amaigri et victime de toux grasses violentes où il pouvait cracher de petites quantités de sang. Cependant, l'un des symptômes qui supportait le moins était cette sensation permanente de manquer de sommeil. Il luttait pour à chaque fois ne pas s'endormir à l'endroit où il s'asseyait.

Or, la chimiothérapie était violente, malgré son efficacité avec la radiothérapie. Globules blanc et rouge, métastase, traitements ciblés, tumeur... Itachi baignait dans ce monde depuis un deux mois. Pourtant, les chances de guérison étaient positives, et Itachi considérait ainsi ce moment de vie comme une épreuve à réussir. Il essayait de ne se concentrer que sur les évolutions, dont de partager le plus de son temps et créer toujours plus de souvenirs avec ses compagnons d'armes qui étaient ses amis, ses frères en réalité.

-    « Sayuri... », répondit Itachi avec une voix peu audible, mais il possédait encore assez de force pour se lever et marcher en s'aidant de la perche à perfusion vers la porte pour finalement ouvrir à Sayuri qui l'attendait avec un bouquet de fleurs composé d'arômes, de gerberas, d'œillets, d'orchidées et de roses. Ils préférèrent longuement se dévisager et sourire de leur situation, plutôt de s'effondrer en larmes en s'apitoyant sur leurs sorts.

De fait, Sayuri et Itachi étaient mal coiffés, recroquevillés sur eux-mêmes et vêtus de joggings aussi moches que confortables, d'un pull large pour elle et d'un t-shirt délavé pour lui. Leur teint était plus blanchâtre que pâle, leur bouche pâteuse, et des cernes inhabituelles creusaient leurs yeux. Enfin, ils supportaient des vagues de frissons pour elle et des bouffées de chaleur pour lui. Néanmoins, Sayuri et Itachi sentaient bons car ils soumettaient chaque matin à l'équipe médicale cette exigence de se laver et de se parfumer.

-    « Bonjour Itachi. ». Sayuri articula difficilement ces deux mots, alors qu'elle s'était préparée durant la majorité de la nuit à construire des discours. En effet, même si elle souhaitait reprocher à Itachi son manque de transparence, elle comprit très rapidement qu'elle ne pouvait être en colère contre l'aîné des Uchiwa. De fait, Itachi possédait depuis tout petit un besoin de protéger ses proches et Sayuri réalisa qu'elle n'était pas en capacité de le réprimander.

Sayuri et Itachi se regardèrent un instant, jusqu'à ce qu'ils s'étreignent longuement. Ils ne s'étaient pas serrés dans les bras depuis des années, notamment parce que Sayuri savait que l'héritier des Uchiwa était mal à l'aise avec les démonstrations affectives. Toutefois, elle aimait être rassurée par les mains de Shisui qui effleuraient les siennes, les accolades de Kakashi et les gestes tactiles d'Obito. En effet, Sayuri et Obito se saluaient souvent par une bise, et étaient les deux shinobis dont les entraînements au combat rapproché étaient leurs favoris.

Sayuri respira une longue bouffée de l'odeur naturelle d'Itachi, comme si elle désirait se souvenir de ce parfum jusqu'à son dernier souffle. Elle prêtait aussi une attention particulière à la respiration discrète d'Itachi, dont elle sentait le corps de son ami se détendre sous son étreinte. Elle appréciait également le fait de toucher cet homme, puisque sa présence physique la rassurait, tout simplement. Quant à Itachi, il posa finalement son menton dans le creux de la clavicule de Sayuri. Ils restèrent un long moment silencieux, jusqu'à ce qu'Itachi brise le silence.

-    « Bonjour Sayuri. Comment te sens-tu ? Ta blessure est-elle douloureuse ? », répondit Itachi avec ce calme olympien qui le définissait si bien. Bien qu'il était le plus gravement malade des deux, l'aîné des Uchiwa continuait à se préoccuper de la santé de ses amis avant la sienne.

-    « Itachi... Physiquement, je vais bien car la plaie commence à cicatriser. », dit-elle en bougeant prudemment son bras. Cependant, Sayuri regrettait la fragilité de la suture et surtout le manque de force qui l'empêchait de frapper Itachi au cœur. De fait, elle se retenait de ne pas lui sauter dessus pour lui cracher toute sa rancœur. Sayuri réunit alors tout le courage qu'elle ressentait, pour exprimer ses ressentis : « Pourquoi ce silence sur ton état de santé ? Quand ta confiance en nous s'est-elle affaiblie ? ». Sayuri était en proie à des contradictions et à des doutes, que chacun pouvait toutefois comprendre.

-    Je craignais que cette maladie laisse des traces indélébiles sur notre amitié, et je ne voulais pas que votre regard change. Je souhaitais rester celui que vous connaissez, et pas une victime supplémentaire du cancer. ». Alors qu'Itachi s'était préparé à de nombreux reproches pouvant provenir de ses amis, il redoutait une seule confrontation, celle avec Sayuri. En effet, l'héritier des Uchiwa craignait le manque de compromis, de diplomatie et de tolérance de Sayuri envers ses interlocuteurs quand ils lui mentaient. De fait, la ninja accomplie détestait les cachotteries, mais se tut pourtant face au courroux d'Itachi : « Regarde-moi Sayuri : je suis faible. Je ne ressens plus aucune énergie, j'ai perdu des kilos et des muscles, et je suis essoufflé juste en me levant d'un fauteuil. Comment pourrais-tu encore m'aimer dans ces conditions ? ».

-    « Tu resteras toujours le garçon attentionné, empathique gentil et respectueux à mes yeux, même si je sens monter cette envie de jeter tes carnets, des dossiers et des trousses par la fenêtre. Tu travailles encore pour le Hokage bien que tu sois au bout de tes forces Itachi ! Pour quelle raison es-tu encore en service ? », demanda Sayuri en changeant l'ancien bouquet du vase par ses nouvelles fleurs fraîches et odorantes.

-    « J'anticipe les répercussions que provoquerait mon départ des Forces Spéciales. », annonça Itachi en scrutant la réaction de Sayuri. Alors qu'il s'attendait à ce qu'elle hausse au moins l'un de ses sourcils ou qu'elle écarquille ses yeux de stupeur, Sayuri ne manifesta aucune joie ni aucune hostilité quant au projet de celui qu'elle considérait comme son frère. « Je m'attendais à toutes les réponses, exceptée celle-ci. », déclara-t-il en s'installant à côté d'elle qui s'était assise en tailleur sur son lit.

-    « Tu sais très bien mon avis quant à cette section, et que je continuerai à t'encourager dans tes plans de carrière. Je suppose que ta maladie représente en partie l'élément déclencheur de ce désir de changement de vie ? », l'interrogea-t-elle bien que Sayuri connaissait déjà les motivations de son compagnon d'armes.

-    « Partiellement, en effet. Sache qu'Obito ne fut pas le seul impacté de ta dissertation Sayuri. Réalises-tu que ta description de moi correspondait à un shinobi espion qui acceptait la haine de son frère et le bannissement de son village ? Que tu as imaginé le suicide de Shisui, la trahison d'Obito et le côté sombre de Kakashi ? ». Itachi se trouvait dans ce mal-être, parce qu'il n'était pas en capacité d'imaginer un quotidien radicalement différent de celui qu'il vivait et qu'il aimait.

-    « Cette rédaction était un exercice Itachi. Comme vous, je me suis penchée sur toutes les possibilités et je me suis tournée vers le pire scénario. Combien de fois t'es-tu d'ailleurs tourné vers moi en me reprochant d'être négative, même si je te rétorquais que j'étais réaliste ? ».

Sayuri et Shisui réglaient leurs comptes, tout en étant parfaitement conscient que Shisui dissimulait sa présence de dessous la fenêtre de la chambre. Les conversations, même privées de l'équipe, ne restaient en tout cas secrètes jamais bien longtemps.

-    « À quel moment t'es-tu dit que si la technique d'illusion n'avait pas pu être utilisée par Shisui, l'amour de ta vie serait mort, l'un des amis les plus fidèles aurait massacré son clan (dont ses parents et sa future épouse) et Sasuke serait devenu invivable ? C'est pourquoi je me suis décidé à démissionner des Forces Spéciales Sayuri, puisque je ne voulais pas que Minato, les responsables de la section, les instructeurs de l'Académie et surtout vous gardiez dans un coin de votre tête ce soupçon que je pourrais devenir un monstre. », conclut Itachi en étant conscient que son torse se gonflait et se libérait d'une quantité beaucoup trop importante d'air.

-    « Ton explication possède ce mérite d'être claire. Penses-tu à d'autres requêtes ou reproches lorsque tu me vois ? », l'interrogea-t-elle en portant néanmoins une attention particulière au souffle d'Itachi. Sayuri s'approcha alors de lui, et décida de poser précautieusement et de façon délicate la paume de sa main droite sur le pectoral de l'aîné des Uchiwa.

-    « Non, bien que j'aimerais que tu me pardonnes ce moment d'égarement. », l'implora-t-il presque en se rapprochant d'elle. Itachi regrettait à présent de s'être emporté devant celle qui s'était toujours tenue à ses côtés, peu importe les circonstances.

-    « Tu es déjà tout pardonné mon cher Itachi. », le rassura-t-elle en déplaçant sa main vers la joue gauche d'Itachi. « Refermons ce chapitre si tu le veux bien, parce que je pense que notre attention doit être concentrée sur notre guérison, ta convalescence et ma rééducation. ».

De l'endroit où il se trouvait, Shisui entendit que Sayuri se levait, déposait un baiser sur la joue droite d'Itachi et se dirigeait vers la porte. Cependant, elle dissimula sa présence lorsqu'elle atteignit le couloir dans un seul but : celui d'effrayer Shisui et de lui reprocher sa piètre technique de dissimulation...

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