Chapitre 12

Je me trouve dans mon immense salon, lumineux grâce à la grande baie-vitrée qui donne une vue imprenable sur la mer, et moderne avec sa décoration claire et épurée. Je me sens vraiment bien ici. Pas pour le fait que ma maison soit immense, que je nage dans les liasses de billets. Non. C'est bien parce que je suis ici avec ma femme et que l'environnement ici est parfait. Des conditions de vie parfaites, pour une vie parfaite, alors... Que craindre et que demander de plus, n'est-ce pas ?

Soudain, une odeur alléchante vient caresser mes narines. En parlant de ma femme, Ava, est dans la cuisine et quelque chose me dit que je vais me régaler ce midi. Cela fait 5 ans que nous sommes ensemble, et je l'aime comme au premier jour. J'ai 37 ans et, non... Ava n'est pas ma première femme. Charlotte était celle avec qui j'avais tout vécu. Nous nous étions rencontrés en temps qu'étudiant, nous étions jeunes et fous. Trop jeunes. Trop fous. Charlotte est morte le 23 juillet 2003. Nous avions 23 ans. Et c'est ce jour où j'ai tout perdu.

Une belle bagnole. Une route droite. Une voiture trop lente pour moi. Un poids lourd en face, sur l'autre voie. Un choc, très grand. Des tonneaux, beaucoup de tonneaux, trop de tonneaux. Mes jambes écrabouillées sous un tas de métal difforme. Sur ma droite, une pure boucherie.

Je ferme fort les yeux, ils se remplissent de larmes, mais je refuse de les faire couler. Lorsque je rouvre mes paupières, mes pupilles tombent sur mon fauteuil roulant, là, devant moi. Mes fesses, elles, sont posées sur un fauteuil en cuir.

Ce jour-là j'avais perdu ma mobilité de mes deux jambes. Mais j'avais surtout perdu la femme de ma vie. Je la vois encore, hantant mon esprit, même après tant d'années. Ses boucles d'un châtain à la fois foncé et passant au doré roussâtre lorsqu'elle était sous les rayons du soleil. Son teint semblable à de la porcelaine. Ses fines taches de rousseur. Ses yeux chocolat, à les croquer. Et son sourire... Le sourire d'une femme fait tomber la plupart des hommes, mais celui de Charlotte, il pouvait faire tomber n'importe quel homme. C'était son seul défaut, sa beauté ensorcelante en faisait tomber plus d'un. Mais c'était moi qu'elle avait rattrapé avant de chuter.

Je soupire un grand coup, sourit malgré moi et tente de me changer les idées. Je pose le roman policier que je tenais entre mes mains, et attrapa, sur l'accoudoir du fauteuil, le journal de ce matin : The Sidney Morning Herald. Et apparemment, les nouvelles ne sont pas très bonnes.

En gros titre, en lettre capitale :

« SÉRIE D'ÉTRANGES DISPARITIONS NON-ÉXPLIQUÉES DEPUIS LE DÉBUT DE LA SEMAINE, LA POLICE S'INQUIÈTE ».

Mes lunettes sans monture en bas de mon nez, je fronce les sourcils sur l'article écrit en petit caractère, qui encadre la photo d'entête, les portraits de trois personnes, parfaitement inconnues pour moi. Le paragraphe indique :

« Les agents de l'Integral Investigation de la capitale cogitent. Ces trois disparitions recensées en moins d'une semaine les inquiète. En effet, les trois victimes se sont volatilisées et ont un lien qui n'est pas à négliger : leur boulot. Ces trois personnes travaillent dans les mêmes bureaux, d'une même entreprise. Deux employés et le patron même. Ce lien vient à deviner qu'ils ont été kidnappés, et pas par « n'importe qui », nous précise l'inspecteur Connor. Mais aucun indice ne permet aux forces de l'ordre d'avancer. Les proches des victimes ont alors suggéré une récompense pour celui ou celle qui fournirait des informations sur la disparition de ces trois personnes, et peut-être retrouvé l'individu derrière tout ça. [...] »

J'abaisse le journal et enlève mes lunettes de vue avant de soupirer un bon coup. Malgré que ces visages ne soient inconnus, je ne peux m'empêcher de me sentir attrister. Contrairement à certaines plus grandes fortunes du monde, je ne suis pas quelqu'un sans cœur et sans émotion, qui ne pense qu'à jeter leur argent par les fenêtres et prendre la grosse tête avec leurs belles baraques, bateaux, etc... Moi, je suis juste tombé dans une famille qui gagnait sa croûte comme tout le monde et moi, j'ai seulement gagné le gros lot à la loterie, rien d'autre.

- Chéri ? À table, c'est chaud ! proclama Ava en passant sa tête à travers le pas de la porte du salon.

Pendantle repas, nous parlons de tout et de rien. Elle me raconte sa conversationtéléphonique avec sa meilleure amie, dont la chienne, Gabi, avait mis au mondela veille au soir 9 petits bergers australiens. Je crois qu'elle veut qu'on enadopte un. Elle ne me le dit pas, mais prend beaucoup de plaisir à décrire leurs yeux et leur caractèresi gentil. Je ricane, elle sait très bien que c'est impossible avec mon état,quoiqu'un compagnon dans la maison pour m'aider à faire quelques bricoles,pourquoi pas.

- Et au fait, le type à qui tu as vendu, enfin, offert l'ancien parking sous-terrain, tu sais ce qu'il devient ? finit-elle par me demander après dix minutes sur le même sujet.

Je relève mon regard sur elle. Mon expression se fige. Je n'ai pas eu de nouvelle de lui depuis qu'il a débuté les travaux. Puis soudain, l'article de journal refait surface dans mon esprit. Disparitions non-expliquées... Et s'il s'était fait enlevé, lui aussi ?

- Nathan ?

O mon Dieu, j'espère que je me trompe, très sincèrement. Ce type est vraiment extraordinaire, alors s'il s'est fait enlever, je jure de le retrouver et d'aider la police à sa recherche.

- Chéri ? Ça va ?

- Il faut que je l'appelle, je n'ai plus aucune nouvelle. J'espère qu'il ne lui ai rien arrivé.

Je termine rapidement mon repas, tâche au passage ma chemise, et finit par me diriger vers le salon, où j'attrape mon téléphone et compose son numéro, que j'ai évidemment gardé après notre première rencontre. Les bip sonnent et font écho dans l'appareil. Une. Deux. Trois. Quatre sonneries. Puis un répondeur. Je laisse rapidement un message : « Jake, c'est Nathan. Je commence à m'inquiéter pour vous, je me fais peut-être du souci pour rien, vous êtes peut-être très occupé. En tout cas rappelez-moi, j'aimerai avoir de vos nouvelles et des nouvelles de votre projet. »

Je raccroche. Il faut que je passe chez lui. Quand j'ai posté l'annonce, lorsqu'il m'a contacté par message, je lui ai demandé son adresse personnelle. Je l'ai gardé sur un post-it où cas nous garderions contact. Il faut que j'aille voir.

Ava, pas très loin à mes côtés, se demande ce que je fais :

- Écoute, peut-être qu'il est débordé de travail Nathan... dit-elle les bras croisés, le regard confus.

- Ou peut-être qu'il est en danger au moment où nous nous parlons. Emmène-moi à cette adresse, chérie s'il te plaît, j'ai besoin de me rassurer.

Je lui tends le petit carré de papier coloré et pars déjà vers la porte d'entrée, puis rapidement elle me suit. Une fois à l'extérieur, j'ouvre vite ma voiture et me glisse sur le siège passager. Ava claque la portière côté conducteur et tourne la clé avant de quitter mon domicile.

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