CHAPITRE 7


Alors que le cœur de Rozen menace de s'arrêter, les lasers se désactivent brusquement. Elle écarquille les yeux en espérant avoir mal entendu.

— Retourne-toi, renchérit Atlas.

Rozen blêmit et se précipite vers une pile de trésors afin de s'y cacher. La porte est verrouillée et il s'agit du seul et unique accès pour quitter les lieux. Elle n'a donc pas d'autre choix que de s'échapper par cette porte.

— Des gardes t'attendent devant l'entrée. Tu n'as aucun moyen de t'échapper d'ici, poursuit-il.

Rozen reste muette comme une carpe. Son cœur tambourine dans sa cage thoracique avec tant de hargne que ça lui fait mal. Jusqu'alors, elle n'a jamais été prise au piège de cette manière. Les missions qu'elle a accomplies ont toujours été faciles et sans véritable danger. Rozen lève la tête et découvre avec effroi qu'Atlas Raylend se tient là, adossé contre un mur, les yeux rivés vers elle. C'est la première fois qu'elle le voit d'aussi près. De cette distance, elle peut percevoir ses cheveux qui tombent en mèches sur son front et son regard perçant.

Alors qu'elle s'apprête à se lever pour courir en direction de la porte, un grognement bestial surgit derrière son dos. Le loup n'est qu'à quelques centimètres de sa tête. Et il montre ses crocs. Rozen sursaute de peur.

— Haku. Attrape, ordonne Atlas.

Par pur réflexe, Rozen se met à courir dans toute la pièce afin de semer le loup blanc. Elle lui balance un tas d'objets à la figure en espérant le ralentir dans sa course, en vain. Malgré tous ses efforts, Haku parvient à la rattraper au bout de quelques minutes. Rozen capitule en levant les bras, faisant ainsi reculer le loup blanc. Il la fixe avec ses yeux gris, comme s'il attendait quelque chose.

— Si tu essayes de t'enfuir une nouvelle fois, Haku t'arrachera le bras, affirme Atlas d'un ton menaçant. Approche. Je n'ai pas l'intention de te tuer pour le moment.

Rozen cache sa lame dans sa poche et s'approche de son ennemi avec le cœur palpitant à toute allure.

Atlas est un homme d'une beauté presque irréelle. Son visage angulaire est encadré par une cascade de cheveux d'ébène, tombant en ondulations parfaites autour de son visage. Ses yeux sont d'un bleu saphir remarquable. Mais ce qui attire le plus l'attention de Rozen, ce sont ses tatouages. Ils arpentent le long de ses bras musclés, dessinant des motifs complexes et mystérieux. Des dragons majestueux s'enroulent autour de ses avant-bras, leurs écailles semblent frémir sous la lumière. Rozen finit par détourner son regard pour se focaliser sur ses pieds. 

Le temps d'un instant, sa vie défile devant ses yeux, car elle sait qu'elle n'a aucune chance de s'échapper face à cet homme.

Elle songe alors au suicide, à la façon dont elle mettrait un terme à son existence. Elle sait que si elle ne le fait pas maintenant, Eve serait capable de s'infiltrer dans sa cellule pour lui planter un couteau en plein cœur. Depuis qu'elle est petite, Rozen a toujours su que les révolutionnaires seraient la cause de sa mort, elle n'a jamais imaginé les choses autrement. Elle s'est toujours dit que d'une manière ou d'une autre, le Karma la rattraperait et qu'elle serait punie pour tous les crimes qu'elle a commis.

— Comment est-ce que tu as réussi à venir ici ? demande Atlas. Si tu réponds correctement, peut-être que je te laisserai en vie.

La fleuriste ne bouge pas d'un poil. Son regard est toujours rivé vers le sol. Elle sait qu'elle doit mourir pour le bien des révolutionnaires. 

Dans une situation aussi critique, elle pense à son père en se demandant comment il aurait réagi en apprenant sa mort. Serait-il triste ou bien indifférent face à la nouvelle ? Garderait-il un bon souvenir d'elle ? Est-ce qu'une larme coulerait le long de sa joue ? Des tas de questions la tourmentent.

La jeune femme hésite un instant avant de retirer son masque. Ainsi, elle pourra elle-même se trancher la gorge.

Avec le souffle haletant, elle saisit la lame dans sa poche.

— Rozen ? s'étonne Atlas en se détachant du mur.

La fleuriste lève les yeux vers lui.

Son rythme cardiaque s'affole, elle a l'impression de vivre un rêve, que rien de tout ça n'est réel. Pour elle, c'est impensable qu'Atlas Raylend puisse connaître son véritable nom, d'autant plus qu'elle a changé d'apparence physique pour brouiller les pistes.

— Je ne m'appelle pas Rozen, ment-elle.

Atlas s'approche d'elle pour la scruter davantage. Son air sérieux laisse désormais place à de l'étonnement et de l'incompréhension.

— Je sais que tu es Rozen, la fille de Kaios, assure-t-il sans la moindre hésitation. Qu'est-ce que tu fous là ?

La jeune femme est prise au dépourvu, elle ne pensait pas qu'il serait aussi sûr de ses paroles. Elle reste complètement bouche bée. Atlas n'est pas censé la connaître. Ils ne se sont jamais rencontrés. Pourtant, le regard intense qu'il pose sur elle semble suggérer le contraire.

— Je... euh, quoi ? bafouille-t-elle.

— Mais, t'étais censée être une fleuriste, non ? Pourquoi est-ce qu'on t'a envoyé ici ?

Rozen ouvre la bouche, mais la referme aussitôt. Elle est tellement sous le choc qu'elle en perd l'usage de ses cordes vocales. Les questions fusent dans sa tête. La situation a pris une tournure inattendue. Elle range sa lame dans sa poche et retire la capuche de sa tête.

— On est censés se connaître ? le questionne-t-elle en essayant de comprendre.

— Non.

Évidemment, la fleuriste est encore plus perdue qu'elle ne l'était déjà. Elle se demande alors s'il s'agit d'un test organisé par son père, mais elle réalise vite qu'Atlas ne voudrait jamais s'allier à un membre des révolutionnaires, et encore moins à Kaios.

— Ton père sait que tu es en mission ici ? reprend Atlas.

— Pas vraiment, non.

À l'entente de sa réponse, Atlas passe une main dans ses cheveux et crache un juron. Rozen ne sait pas comment réagir face à une telle situation ; Sylas ne l'a jamais préparée à une telle éventualité. Doit-elle se suicider ou procéder à la suite de la mission ? Tout est flou.

— Et à quoi ta mission consiste exactement ? Je suis quasiment certain que tu ne fais pas partie des candidats au concours.

— Je... Je n'ai pas le droit de le dire... c'est confidentiel.

— Sérieusement, Rozen ? souffle-t-il, ennuyé.

— Désolée.

La fleuriste se pince les lèvres d'un air coupable tandis qu'Atlas lui dit :

— Tu veux voler ma montre, c'est ça ?

— Peut-être, murmure-t-elle.

— Ma montre dépasse de ta poche.

— Oh, merde !

Elle s'empresse de remettre la montre dans sa poche comme si de rien n'était. Atlas la fixe un instant, frustré. Il s'est suffisamment renseigné sur Rozen pour savoir qu'elle n'a pas le profil pour des missions de rang A ou S. Elle a de nombreux talents dans l'art du vol, mais ce n'est pas suffisant pour tromper des personnes comme la famille Raylend.

— Comment est-ce qu'on a pu t'envoyer sur une mission aussi difficile ? T'as le niveau d'une novice, remarque-t-il.

— Non, c'est faux ! Je suis expérimentée ! J'ai toujours réussi mes missions. Si tu n'avais pas été là, j'aurais pu voler cette montre sans problème ! réplique-t-elle.

— Tu crois vraiment que c'est aussi simple de pénétrer dans une salle aux trésors ? Cet endroit est un piège. Il a été conçu uniquement pour traquer les voleurs dans ton genre. Aucun des objets ici n'est authentique. La montre que tu caches dans ta poche n'est qu'une copie.

— Ah...

La déception se lit sur le visage de Rozen. Elle a rarement connu un échec aussi cuisant.

— Est-ce qu'il y a d'autres révolutionnaires avec toi ? l'interroge-t-il.

— Ce n'est pas vraiment le genre d'infos que j'ai le droit de partager, répond-elle avec assurance.

Atlas sort son arme à feu et la pointe dans sa direction. Habituée, Rozen ne vacille pas d'un millimètre. Chez les révolutionnaires, c'est monnaie courante d'être menacé avec une arme. Elle a fini par s'y faire.

— Dis-le-moi ou je te tire dessus, menace-t-il.

— Il va falloir que je me suicide dans tous les cas, alors fais-le. J'ai une préférence pour une balle dans la tête. Il paraît que c'est moins douloureux.

D'un geste lent, elle appuie sur la pointe de son arme afin de la diriger sur son front. Atlas, qui a déjà été témoin du suicide de Max, sait qu'elle ne bluffe pas.

— Quoi ? s'étonne Atlas en retirant son arme.

— Si tu ne me tues pas, je le ferai, déclare-t-elle d'une voix ferme, tentant de paraître la plus confiante possible.

Malgré sa peur, Rozen est prête à honorer ses engagements. Il n'y a plus de retour en arrière possible désormais.

— Pourquoi est-ce que tu ferais ça ? demande Atlas.

— Parce que j'ai échoué à la mission.

— Et tu es prête à te suicider pour ça ?

Rozen ne répond pas, mais son visage exprime bien plus que des milliers de mots.

Lorsqu'Atlas prononce ces paroles à voix haute, elle réalise soudain à quel point son choix est ridicule. Cette mission n'a aucune importance pour elle ; tout ce qu'elle veut, c'est vivre. Les révolutionnaires lui ont privé de son adolescence, de ses relations amoureuses, de ses amis, et maintenant, elle risque d'être privée de sa propre vie.

— Je n'ai pas le choix... Je... marmonne-t-elle.

Atlas fronce les sourcils, ses yeux plantés dans les siens. Elle y perçoit un mélange d'incompréhension et d'énervement.

— Ton père est Kaios, tu as forcément le choix.

— Je suis sa fille adoptive, le rectifie-t-elle. Je ne suis pas sa vraie fille, et je ne le serai jamais.

Durant toute son adolescence, Rozen a grandi en nourrissant l'espoir que son père adoptif puisse l'aimer comme sa propre fille, mais cela n'a jamais été le cas. Elle s'est toujours sentie comme un fardeau, un enfant non désiré. Le simple fait de dire à haute voix qu'elle ne sera jamais la véritable fille de Kaios a eu l'effet d'un coup de poignard dans le ventre.

Sa voix se brise, et ça, Atlas le remarque bien. Il n'a pas de mal à percevoir la souffrance qu'elle ressent à cet instant. Atlas fixe intensément Rozen, scrutant chaque expression sur son visage, comme s'il cherchait à déchiffrer les secrets enfouis dans les tréfonds de son âme.

— Si je comprends bien, ta mission est uniquement de voler ma montre, c'est bien ça ? demande-t-il d'un ton accusateur.

Rozen sent son cœur battre plus fort sous le poids de son regard perçant, mais elle garde son calme et acquiesce. Atlas se rapproche d'elle, réduisant encore plus la distance entre eux. Il reprend la parole avec une voix basse, chargée d'une tension palpable :

— Alors j'ai peut-être quelque chose à te proposer.

En règle générale, Atlas ne fait aucun compromis avec les membres des révolutionnaires. Il ne leur accorde aucune pitié, aucune rédemption. La haine qu'il ressent à leur égard n'a jamais cessé de s'accentuer ; Atlas leur en veut toujours pour les crimes qu'ils ont commis.

La première fois qu'Atlas a découvert que Kaios a une fille, son premier réflexe a été d'engager Xercès Ashtrays, un tueur à gages réputé à Ravenstein, pour l'éliminer dans son sommeil. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Le tueur à gages a éprouvé de la pitié pour Rozen et a choisi de décliner la mission.

Ainsi, pendant près d'un an, Atlas a déployé des espions pour en apprendre davantage sur elle. C'est de cette façon qu'il a pu recueillir certains détails de sa vie.

Avant d'être adoptée par le chef des révolutionnaires, Rozen a assisté aux violences conjugales de ses parents. Malgré les multiples plaintes déposées à la police, sa mère a fini par succomber à ses blessures et son père s'est donné la mort avant son procès. À onze ans, Rozen est devenue orpheline. Elle a ensuite été adoptée par Kaios, dont le vrai nom est Stephen Petrovas. Très vite, elle rejoint les rangs de la sanguinaire armée des révolutionnaires pour y enchaîner des missions pour novices. Elle a finalement démissionné pour ouvrir sa propre boutique de fleurs.

Et c'est à travers les rapports fournis par ses espions qu'Atlas a pu suivre le quotidien ennuyant de la jeune fleuriste et réaliser qu'elle n'est pas comme Kaios.

— Je te donne ma montre, et en échange, tu me donnes le nom du traître qui se cache chez moi, suggére-t-il. Tu auras réussi ta mission et j'aurai les infos que je veux, tout le monde est content, qu'est-ce que tu en dis ?

Son souffle se fige dans sa poitrine, laissant ses poumons vides pendant quelques instants. Rozen peine à assimiler le fait qu'Atlas Raylend, le seul et l'unique, lui propose un tel marché. Il faut dire que les révolutionnaires et la famille Raylend ont des relations assez chaotiques.

C'est une opportunité en or, une chance qui ne se présente qu'une fois dans une vie. Aucun autre révolutionnaire ne pourrait imaginer qu'elle fasse équipe avec Atlas. Cet échange lui offre une chance inouïe d'accomplir sa mission sans avoir à mettre fin à ses jours.

Des émotions contradictoires s'entremêlent : stupéfaction, euphorie, optimisme, puis de la déception.

Comme une claque violente, Rozen réalise qu'elle ne connait pas le nom du traître. Elle a beau se creuser les méninges, rien ne lui vient en tête. Aucun nom n'a été mentionné dans les documents qui lui ont été fournis.

— J'aurai bien aimé, mais... commence-t-elle à dire en se raclant la gorge. Je ne connais pas l'identité du traître.

Atlas marque un long silence. La sensation d'amertume le submerge. Il aurait dû s'attendre à une telle déception venant d'une révolutionnaire. Pourtant, pendant une fraction de seconde, Atlas a pensé que Rozen serait différente, qu'elle serait une alliée de taille. D'un geste brusque, Atlas retire la sécurité de son revolver et le pointe sur le front de Rozen. La jeune femme sursaute :

— Attends !

— Tu voulais te suicider, non ? grogne-t-il.

Rozen secoue la tête en faisant de grands gestes pour qu'il range son arme à feu.

— On peut faire un autre échange ! Je te dirai tout ce que je sais sur les révolutionnaires, absolument tout !

Évidemment, Rozen n'est pas autorisée à délivrer des informations aussi compromettantes, mais elle est prête à prendre ce risque. Les révolutionnaires lui ont tellement gâché la vie qu'elle ne ressens pas la moindre loyauté envers eux. Alors qu'Atlas s'apprête à répondre, la porte s'ouvre, laissant apparaître le mythique Zhai Raylend.

dites-moi ce que vous en pensez. :) 💙

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