CHAPITRE 4
Le jour J est arrivé. Les mains tremblantes d'Rozen et son cœur qui tambourine contre sa cage thoracique témoignent de son stress grandissant. Un mélange d'excitation et d'angoisse s'engouffre dans ses entrailles dès l'instant où l'équipe de stylisme a fini de la relooker de la tête aux pieds. Lorsqu'elle se voit enfin dans le miroir, un juron s'échappe aussitôt de ses lèvres :
— Oh, putain.
Jusqu'alors, Rozen ne s'est jamais teint les cheveux. La plupart du temps, pour ses missions, elle se contente de porter une perruque. Elle arbore désormais des cheveux blonds, contrastant follement avec le brun de ses cheveux naturels, ornés d'une frange et de belles boucles bien dessinées. Ses yeux marrons sont embellis par des lentilles Hazel et partiellement dissimulés sous une paire de lunettes. Sa peau blanche est parsemée de fausses taches de rousseur. Elle est vêtue d'une robe noire qui lui arrive jusqu'aux chevilles accompagnée d'un tablier blanc.
— Vous aimez ? demande la styliste des révolutionnaires.
— Oui, beaucoup ! J'arrive à peine à me reconnaître.
— Tant mieux alors, c'est le but !
Une autre styliste s'approche de la fleuriste pour lui tendre une valise.
— À l'intérieur, nous avons mis des sous-vêtements à votre taille, des pyjamas de rechange, un shampoing anti-jaunissement pour vos cheveux blonds, vos papiers d'identité, des serviettes hygiéniques, un album photo avec votre fausse famille et des soins de beauté accompagnés d'une fiche explicative pour les utiliser correctement.
— Un album photo avec ma fausse famille ?
— Exact. Notre équipe de graphistes a pris soin de vous ajouter sur certaines photos. Rien n'a été laissé au hasard.
Alors qu'Rozen s'apprête à prendre la parole, Sylas débarque dans le salon de coiffure. Lorsqu'il aperçoit les cheveux blonds de la fleuriste, son cerveau a du mal à assimiler ce nouveau look. Il reste silencieux un instant avant de prendre la parole :
— Petrovas, grouille-toi ! Tu vas être virée dès ton premier jour !
— Oui, attends ! J'arrive !
Elle attrape sa valise et rajuste le tablier de sa robe avant de s'avancer vers la voiture qui l'attend au bout de la rue, située dans l'angle mort des caméras de surveillance. Sylas se tient à ses côtés et communique avec les membres de son escouade grâce à une oreillette. Évidemment, son stress est marqué par les battements de son cœur qui n'arrêtent pas d'augmenter.
Aujourd'hui est un jour spécial pour Rozen, mais aussi pour les révolutionnaires. Le lancement de la mission de rang A ou S est toujours une source d'angoisse pour tout le monde, car c'est souvent à ce moment-là que tout se joue. La mise en place de l'infiltration doit être parfaite pour optimiser les chances de réussite, c'est une étape cruciale à ne pas rater.
— Tiens, les clés de la voiture et ton nouveau portable, déclare Sylas en s'arrêtant devant une voiture de type citadine qui n'attire pas les regards. Tu as bien noté l'adresse des Raylend ?
— Oui !
— Tu te souviens de toutes les étapes à suivre ?
— Oui !
— Tu sais... Tu peux toujours changer d'avis, ce n'est pas trop tard. Tout le monde t'en voudra, mais pas moi.
En temps normal, Rozen aurait probablement grogné à son égard. Cependant, lorsqu'elle réalise qu'il s'agit peut-être de leur dernière conversation, elle se ravise aussitôt. Elle s'approche pour lui tapoter amicalement le dos :
— Promis, je t'achèterai plein de viennoiseries dès que j'aurai fini la mission.
— Tu as intérêt à respecter cette promesse.
Elle sourit à sa remarque avant d'ouvrir la portière du véhicule pour s'y installer sur le siège du conducteur. Bien qu'elle tente de garder une expression neutre, son cœur s'emballe dans sa poitrine et menace d'exploser à tout instant.
— N'oublie pas de rester loin d'Atlas, reprend-il alors qu'elle lance le moteur du véhicule.
— Je ferai de mon mieux ! Allez, faut que j'y aille, on se voit à mon exfiltration ! Tu vas me manquer, Ollister !
La fleuriste lui fait signe de la main, et le révolutionnaire fait de même. Lorsqu'elle disparaît de sa ligne de mire, Sylas s'assoit au bord du trottoir pour s'entremêler les cheveux et marmonner à voix basse :
— Tu vas me manquer aussi, Petrovas.
Une larme perle le long de sa joue pendant qu'Rozen, de son côté, se prépare à commencer la mission la plus importante de sa vie.
La route jusqu'à la maison des Raylend est assez longue à cause du trafic, elle s'y attendait forcément. Elle avait donc préparé des exercices de respiration pour se calmer et une playlist musicale pour détendre l'atmosphère. Plus le temps passe, plus son cœur bat vite. Lorsqu'elle arrive à destination, Rozen s'arrête devant un immense portail surveillé par une vingtaine de sentinelles. Certains ont été membres des forces spéciales tandis que d'autres ont été des mercenaires reconnus dans le monde entier pour leur efficacité. Ce sont tous, sans exception, de véritables machines à tuer.
Rozen a eu l'occasion d'analyser leur profil avec soin, elle sait donc à quoi s'attendre si elle ose s'en prendre à l'un d'eux. Heureusement, sa mission ne consiste pas à massacrer les gardes du corps des Raylend.
— Sortez du véhicule. Tout de suite, ordonne Ivan, le chef de la sécurité, ancien tueur à gage et membre d'une unité spéciale.
La fleuriste s'exécute aussitôt. Elle sort du véhicule, les mains derrière la tête, et commence à jouer le rôle d'une femme apeurée. Son visage est tiré par la peur et par l'incompréhension, elle tente d'être la plus crédible possible. Lorsqu'elle voit une arme pointée sur elle, Rozen émet un faux sursaut. Étant donné que la famille Raylend contrôle les médias et les forces de l'ordre de Ravenstein, leurs gardes savent qu'ils ne risquent aucune poursuite judiciaire ou scandale dans la presse.
— Quel est votre nom et que faites-vous ici ? vocifère Ivan.
— Je... Je m'appelle Kim Omaris... Je suis la remplaçante d'Adeline et... aujourd'hui, c'est mon premier jour de travail. S'il vous plaît, ne tirez pas, bégaye-t-elle avec un air affolé.
— Fouillez le véhicule, maintenant.
Sans plus attendre, trois hommes se mettent à examiner la voiture de façon très méticuleuse. Heureusement, les révolutionnaires se sont perfectionnés dans l'art de la création d'identités. À l'intérieur de cette vieille voiture, ils ne trouvent rien d'intéressant : des photos de famille, les papiers en règle du véhicule, des restes de biscuits, des sacs de courses, une valise dépourvue d'armes, un tas de tickets de caisse et de bric-à-brac inutiles. Le moindre détail a été pensé pour la rendre crédible.
— Rien à signaler, chef.
— C'est bien la remplaçante d'Adeline, remarque un garde en chuchotant à l'oreille d'Ivan.
— Procédez tout de même à la fouille au corps. Samira, viens là.
Une femme grande et élancée s'avance vers Rozen pour vérifier qu'elle n'est en possession d'aucune arme. Pour cela, elle passe un détecteur de métaux et palpe son corps, espérant trouver un objet tranchant ou une arme à feu. Évidemment, Rozen n'a rien de tout ça. Samira recule donc d'un pas et fait un signe de tête à son chef pour lui signaler que tout est ok.
— Très bien ! Dans ce cas, que quelqu'un prévienne Donnah de sa présence, affirme-t-il tandis qu'un garde se place près d'Rozen pour connecter son portable à leur base de données.
Ainsi, en ayant accès à son portable, les agents de sécurité de la famille Raylend auront accès à toutes ses recherches, toutes ses applications, tous ses messages. Cette pratique est illégale, mais nécessaire pour la sécurité de la famille Raylend. Rozen fait mine de ne rien voir ; elle sait très bien qu'ils sont en train de copier son portable, et cela lui est égal puisque cela fait partie du plan. Durant toute la mission, elle recevra des messages venant de sa fausse famille. L'intérêt est de la rendre fiable aux yeux de tous.
Au bout de quelques minutes, une dame apparaît à travers le portail :
— Vous devez être Kim, n'est-ce pas ?
— Oui, c'est exact.
— Suivez-moi, ma chère.
Rozen secoue la tête et attrape sa valise pendant que les gardes ouvrent le portail, aussi grand qu'impressionnant. D'après les rumeurs qui tournent autour des Raylend, leur forteresse de 10 000 m² est comparable à une œuvre d'art, une création unique valant plusieurs milliards de dollars. Aucune propriété ne peut rivaliser avec la beauté de cet endroit. La demeure s'élève majestueusement au sommet d'une colline. Les jardins s'étendent à perte de vue, un véritable paradis terrestre où la nature se mêle à l'artifice avec une harmonie parfaite. Des allées bordées de fleurs multicolores serpentent à travers des pelouses verdoyantes, menant à des bosquets ombragés et à des fontaines élégantes. Des statues gracieuses ornent les parterres de fleurs, tandis que des arbres majestueux offrent un refuge aux oiseaux chanteurs et aux écureuils espiègles. Au centre du jardin, un étang tranquille étincelle sous les rayons du soleil, abritant des poissons chatoyants et des nymphéas en fleurs. Des bancs de pierre invitent à la contemplation, tandis que des gloriettes couvertes de vigne offrent un refuge romantique pour les amoureux.
Les murs de la maison sont faits de pierres anciennes, ornés de détails sculptés à la main qui racontent l'histoire de plusieurs générations de la famille Raylend. Les fenêtres, grandes et élégantes, laissent entrer la lumière du soleil et offrent une vue imprenable sur les vastes jardins environnants.
À l'intérieur, chaque pièce est un chef-d'œuvre d'architecture et de design. Les sols en marbre poli reflètent la lumière chaleureuse des lustres en cristal suspendus au plafond, créant une atmosphère de luxe et d'opulence. Les murs sont ornés de tableaux de maîtres, de tapisseries anciennes et de sculptures rares, témoignant du raffinement des goûts des Raylend.
Le salon principal est un espace grandiose, avec des hauts plafonds voûtés et des colonnes de marbre qui soutiennent délicatement la structure. Au centre de la pièce, un immense lustre en cristal scintille de mille feux, éclairant les riches tapis orientaux qui recouvrent le sol. Des canapés somptueux invitent à la détente, tandis que des œuvres d'art précieuses ornent les murs, apportant une touche de couleur et de vivacité à l'ensemble.
La bibliothèque est un sanctuaire de savoir et de culture, où les murs sont tapissés d'étagères remplies de livres anciens et rares. Des fauteuils en cuir confortables invitent à la lecture, tandis qu'une cheminée en marbre crée une ambiance chaleureuse et accueillante. Des bustes de grands penseurs et des globes terrestres ornent les étagères.
Dans l'ensemble, la forteresse des Raylend se résume à un havre de paix doté d'une sécurité qui surpasse largement celle des chefs d'états.
— Je m'appelle Donnah et je suis l'intendante, se présente la femme en s'avançant dans le jardin.
Rozen tente de suivre son rythme en trainant sa valise à bout de bras. Elle ne peut pas s'empêcher d'admirer la splendeur des lieux. Rares sont les personnes autorisées à s'y rendre. Les Raylend n'ont pas pour habitude d'accueillir beaucoup de monde.
— Durant ces cinq semaines, vous remplacerez Adeline dans le nettoyage, le rangement et l'entretien des chambres. Chaque semaine, vous aurez un programme et une liste de choses à faire, vos collègues vous formeront sur le terrain. Est-ce que c'est bien clair ?
Donnah est une femme qui n'a pas beaucoup de patience. Elle n'aime pas les esprits lents, et Rozen le sait. Elle s'est renseignée sur toutes les personnes travaillant de près ou de loin avec la famille Raylend. Ainsi, elle sait que Donnah n'a pas toujours été une intendante. Elle a été la gouvernante d'Atlas, elle le connaît donc mieux que quiconque.
— Oui, c'est bien clair !
— Je pense qu'il est également important de préciser que vous devez être invisible, bien que cela aille de soi. Lorsque vous verrez les maîtres de maison, veillez à ne pas croiser leur chemin.
— Très bien, c'est noté.
Les deux femmes marchent encore quelques minutes dans les jardins paradisiaques des Raylend avant de se rendre dans une des parties de la maison réservée aux domestiques.
Contrairement à ce qu'Rozen avait imaginé, les lieux sont splendides. La lumière qui passe par les immenses baies vitrées met en évidence une décoration digne d'un catalogue. La fleuriste eut le souffle coupé pendant de longues minutes. Elle s'avance derrière Donnah en admirant chaque détail. Lorsqu'elles arrivent dans un grand salon rond menant à plusieurs portes, l'intendante se tourne vers la voleuse.
— Voici la pièce que vous partagerez avec les autres domestiques. Durant vos temps de pause, vous avez uniquement accès au jardin de Vénus. N'allez pas plus loin si vous tenez à la vie. Les autres jardins sont réservés aux maîtres de maison.
— D'accord !
— Vos collègues sont en train de manger, elles vous donneront vos missions à leur retour.
Une fois de plus, Rozen acquiesce pendant que Donnah lui donne toutes les informations nécessaires :
— Votre chambre est la numéro sept, près de la bibliothèque. Veillez à la garder intacte pour le retour d'Adeline.
Rozen hoche la tête sous le regard désintéressé de Donnah. L'intendante quitte la pièce sans un mot tandis que la fleuriste s'oriente en direction de sa nouvelle chambre. Elle n'attend pas une minute de plus pour disposer ses affaires, elle y découvre ainsi les fausses photos de famille et des bijoux gravés avec le nom de personnes qu'elle ne connaît pas. L'adrénaline qui était montée dans ses veines se dissipe peu à peu, Rozen sort de sa chambre et s'installe sur le canapé central avec un livre à la main. Elle prépare minutieusement sa posture pour l'arrivée de ses collègues qui seront de véritables atouts pour sa mission.
Étape n°1 : entrer dans la chambre d'Atlas Raylend.
Pour s'y faire, elle a déjà quelques idées en tête.
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