CHAPITRE 12
Alors qu'Atlas et Haku s'avancent tranquillement dans les couloirs de la forteresse, Rozen et Sylas tentent de les rattraper tant bien que mal.
En raison de la situation rocambolesque dans laquelle ils se trouvent, ces deux-là profitent de ce moment pour échanger à voix basse :
— Allez, avoue. Tu as couché avec Atlas ? demande Sylas.
— Quoi ? Non ! répond Rozen, brusquée.
— Promis je ne le dirai à personne ! De toute façon, je n'ai personne à qui le dire, rétorque-t-il.
La fleuriste lui lance un regard assassin. Elle rêve de l'étrangler sur-le-champ, mais elle se retient pour ne pas attirer l'attention du jeune héritier. Ce qu'elle ignore, c'est qu'Atlas écoute déjà toute leur conversation. Il se tient à une distance assez grande pour passer inaperçu, mais assez proche pour capter leurs murmures.
— Si tu n'as pas couché avec lui, alors pourquoi est-ce qu'il est aussi gentil avec nous ? Il devrait essayer de nous trancher la gorge. Ça n'a aucun sens ! Tu es la fille adoptive du chef des révolutionnaires et je suis le fils unique du bras-droit. On devrait être ses principales cibles à abattre !
Rozen hausse les épaules.
— Peut-être qu'il pense qu'on est son seul espoir pour retrouver le traître... suggère-t-elle.
— Il y a d'autres moyens que de s'allier à nous. Il pourrait torturer des révolutionnaires, utiliser des espions, ou même diffuser des menaces publiques. Pourquoi est-ce qu'il nous a choisi, nous, alors qu'on pourrait le trahir à tout moment ?
— Arrête avec toutes tes questions et parle plus doucement, murmure-t-elle en lui faisant les gros yeux.
Atlas s'arrête soudain devant une porte et toque à plusieurs reprises. Un homme, petit et mince, apparaît alors avec les yeux plissés par la fatigue. Il est vêtu d'un pyjama trop grand pour lui, d'une paire de lunettes avec des verres exorbitants et des pantoufles en forme de vaches.
— M. Raylend ? Vous venez pour un code rouge ? s'étonne-t-il en sursautant. Je... Je n'ai pas reçu d'alerte ! Je suis désolé ! Je...
— Non, ce n'est pas pour ça que je viens, rectifie Atlas. J'ai besoin de votre aide.
— Bien sûr, tout ce que vous voudrez ! Que dois-je faire ?
L'homme est confiant de ses compétentes. Il faut dire que Dr Olsen n'est pas n'importe qui ; c'est l'un des meilleurs dans sa discipline. Il est célèbre dans le monde entier pour ses recherches, mais tout particulièrement pour son remède contre le cancer, sauvant ainsi des millions de vies chaque année. Dr Olsen a été engagé pour être le médecin personnel de la famille Raylend.
Sans lui, Zhai aurait dû mourir depuis bien longtemps.
— J'aurai besoin que vous le mettiez dans une mort cérébrale, annonce Atlas en désignant le capitaine.
— Mais... bafouille le médecin.
— Quoi ?! sursaute la fleuriste.
— Je le savais ! Il veut me buter depuis le début ! s'écrit Sylas.
Avant qu'Atlas n'ait le temps de réagir, Rozen le plaque brusquement contre le mur et enfonce son avant-bras contre ses omoplates. La mâchoire d'Atlas se crispe face à ce geste. Il dévisage Rozen d'un regard brûlant, presque menaçant, tandis qu'une tempête d'émotions gronde en lui.
Rozen, de son côté, est imperturbable. Elle sort une lame dissimulée dans sa botte et la place sous la gorge d'Atlas. Leurs visages sont si proches que le souffle chaud de la fleuriste vient effleurer délicatement son cou.
— Sylas, court ! Je le tiens ! lui assure-t-elle avec détermination.
Une grimace s'affiche aussitôt sur le visage du capitaine :
— T'es complètement folle, vocifère le capitaine. Relâche-le tout de suite !
— Laisse-moi gérer et va-t'en ! Dis à Kaios que je vais bien.
— Il va te tuer ! Dépêche-toi de le relâcher !
— Mais non, il ne va pas me tuer !
Atlas profite du fait que Rozen soit focalisée sur Sylas pour tourner la situation à son avantage. Il attrape la lame par la force et le place ensuite sous la gorge de la fleuriste.
Pendant ce temps, le médecin les observe avec attention. Il est tellement obnubilé par les évènements qu'il n'ose pas intervenir par peur de gâcher la tension qui s'est créée entre les trois. Son regard se pose ensuite sur Haku, immobile à ses côtés. Le loup blanc grogne et attend patiemment un ordre de son maître.
— Ah, oui ? Je ne vais pas te tuer ? souffle Atlas, sa voix glaciale résonnant dans la pièce. Et qu'est-ce qui te fait dire ça ?
La lame froide de la dague se presse contre la peau de Rozen. Ce mouvement envoie alors une vague de frisson le long de sa colonne vertébrale. Elle tente de garder son sang-froid, mais ses yeux écarquillés trahissent la panique qui monte en elle.
— Tu aurais pu me tuer une centaine de fois. Mais tu ne l'as pas fait, déclare-t-elle avec les yeux rivées dans les siens. Tu as besoin de moi.
— Tu n'es pas si bête, finalement.
Rozen le fusille du regard, ses lèvres serrées en une fine ligne.
— Je suis bien plus intelligente que toi, réplique-t-elle, chaque syllabe claquant comme un coup de fouet.
— Ce n'est pas ce que disent mes espions.
— Ils sont aussi incompétents que toi, c'est pour ça.
Afin de briser la tension qui s'est immiscée entre eux, Sylas attrape Rozen par les épaules pour qu'elle s'éloigne un maximum du jeune héritier. Il n'a pas envie qu'Atlas finisse par changer d'avis et décide, sur un coup de tête, de trancher la gorge de la fleuriste.
— Petrovas, va falloir que tu apprennes à fermer ta gueule, gronde Sylas.
— Est-ce que ça t'arrive de parler gentiment ?
— Oui, de temps en temps, mais pas avec toi.
Rozen roule des yeux, ennuyée, avant de se concentrer sur Atlas. L'atmosphère est devenue nettement moins tendue. Le trio se regarde, en silence. Jusqu'à ce que le jeune héritier décide de prendre la parole pour s'adresser au médecin :
— Est-ce qu'il serait possible de préparer le bloc opératoire dès ce soir ? J'ai besoin que la chirurgie se fasse au plus vite.
— Ce soir ? Eh bien, euh... oui.
— J'y comprends rien. Pourquoi est-ce que tu veux préparer un bloc opératoire ? s'exclame Rozen, troublée.
— Parce que Sylas va se faire opérer, répond Atlas.
— Ah bon ? Depuis quand ?
Atlas prend une grande inspiration et explique la procédure que le Dr Olsen a conçue pour retirer la puce d'un révolutionnaire sans abîmer le cerveau. En théorie, la désactivation d'une puce ne peut se produire qu'à la mort de l'hôte. Retirer la puce manuellement n'est donc pas envisageable puisqu'elle exploserait. Mettre le cerveau dans un état proche d'une mort cérébrale résoudrait ainsi le problème, c'est une procédure impossible, mais réalisable entre les mains expertes du Dr Olsen.
Les yeux de Rozen se tournent vers Sylas qui reste sous le choc. Depuis tout ce temps, Atlas ne voulait pas se débarrasser de Sylas. Au contraire : son objectif était de le sauver pour en faire un allié.
— Attends, donc tu es en train de me sauver la vie ? s'étonne Sylas.
— Oui, on peut dire ça.
— Désolé de t'avoir traité de fils de pute.
— Tu ne m'as jamais dit ça, rétorque Atlas.
— Ah... alors j'ai dû le penser très fort.
La mâchoire contractée, Atlas serre les poings si fort que ses phalanges en palissent. Il tente de contrôler la frustration immense de ne pas pouvoir étriper Sylas.
— Je vous prie de me suivre. Le bloc opératoire se situe dans la partie Ouest de la forteresse. Il serait plus raisonnable pour vous de s'y rendre sans perdre de temps, déclare le médecin en s'adressant au capitaine.
Sylas acquiesce. Il n'a peur de rien. Peu importe si cette chirurgie comporte des risques, Sylas est prêt à les prendre. Il marche donc jusqu'au bloc opératoire avec un esprit léger et serein.
En comparaison, Rozen est en stress totale. Elle a du mal à assimiler tout ce qu'il se passe. La situation a prit une tournure qu'elle n'aurait jamais pu prévoir.
— Où est-ce que tu vas ? demande Atlas.
— On ne les suit pas ? s'étonne Rozen en s'arrêtant dans sa lancée.
— Non, déclare-t-il avant de reprendre. Enfin, sauf si tu veux te faire enlever une puce de ta cervelle.
Elle déglutit et fait marche arrière pour revenir sur ses pas. Atlas se tient désormais à un mètre d'elle.
— Combien de temps est-ce que cela prend pour que la puce soit retirée ? le questionne-t-elle.
— Dr Olsen doit d'abord lui faire un examen de santé pour déterminer les bonnes doses d'anesthésie. Ensuite, la chirurgie prendra plusieurs heures. Il sera placé dans un coma artificiel pendant quelques semaines. Tu pourras lui rendre visite demain si tu veux.
— Est-ce qu'il y a des risques que ça échoue ?
— Toutes les chirurgies comportent des risques.
L'inquiétude de Rozen se voit sur son visage. Elle déglutit et acquiesce mollement la tête. Atlas poursuit :
— Mais Dr Olsen est le meilleur médecin du pays, donc il n'échoue que très rarement.
Une vague de soulagement envahit le cœur de la fleuriste. Son stress diminue petit à petit. Elle a l'impression de pouvoir respirer de nouveau :
— Je crois que je n'ai jamais eu l'occasion de le dire, mais... merci pour tout ce que tu as fait pour nous. Je te revaudrai ça. Demande-moi tout ce que tu veux, et je le ferai !
— Ah oui ? lance Atlas en arquant un sourcil.
Rozen répond avec un hochement positif de la tête. Le jeune héritier s'approche et lui tend sa lame :
— N'essaye plus jamais de me mettre un couteau sous la gorge.
— D'accord ! Je n'essayerai plus de te tuer.
— J'espère bien.
La fleuriste attrape sa lame afin de la ranger dans sa botte. Atlas la regarde un instant, en silence, avant de se tourner pour rejoindre sa chambre. Rozen le dévisage et s'empresse de marcher rapidement pour arriver à sa hauteur :
— Eh ! Où est-ce que tu vas ?
— Je vais me coucher, répond-il avec le regard droit devant lui.
— Déjà ?
— Je dois me lever tôt pour rencontrer tous les candidats du concours.
Atlas accélère le pas, mais la fleuriste parvient à augmenter son rythme pour rester à ses côtés.
— On pourrait continuer à discuter ! Finalement, je t'aime bien, déclare-t-elle en souriant, mais il ne lui adresse aucun regard.
— Et moi, je ne t'aime pas.
— Ça arrivera avec le temps, tu verras.
— Non, merci.
Une nouvelle fois, Atlas accélère le pas. Toutefois, cela n'a aucun effet pour Rozen. Elle parvient à marcher aussi vite que lui. Le jeune héritier n'a pas d'autre choix que d'accepter son sort. La forteresse des Raylend est si grande que le chemin pour arriver jusqu'à sa chambre s'annonce très long.
— Tu as déjà des prétendants favoris pour ton concours ? Certains ont déjà réussi à te faire rire ? demande-t-elle.
— Pourquoi ça t'intéresse ?
— Parce que c'est intéressant. Ce n'est pas tous les jours qu'on donne cent millions de dollars pour un rire !
Le fait que ces deux-là se promènent ensemble attirent la curiosité de tous les gardes qu'ils croisent. Certains sont si surpris qu'ils n'en croient pas leur yeux. D'habitude, Atlas ne parle pas aux domestiques. Alors, forcément, le fait qu'il se promène avec l'une d'elles, à une heure tardive, suscite de vives réactions.
— Est-ce que je peux essayer de te faire deux ou trois blagues ? propose Rozen.
— Non, n'essaye même pas.
— T'es pas marrant.
— Personne n'a dit que je l'étais, grogne-t-il.
— Je peux t'apprendre à être drôle, plaisante-t-elle.
— Comment ? Toi-même, tu ne l'es pas.
— Ça, c'était méchant.
— Tant mieux alors.
Bien qu'elle le fusille du regard, la fleuriste n'est pas du tout vexée par les remarques d'Atlas. Au contraire, elle se réjouit. Pendant de longtemps années, Rozen a entendu de nombreuses rumeurs à son sujet.
La plus connue d'entre elles est qu'il ne parle jamais. Ainsi, le simple fait qu'il réponde à ses questions lui procure une grande joie.
— J'ai entendu dire qu'après les premières sélections, une partie du concours se déroulera à la montagne, est-ce que c'est vrai ? demande-t-elle.
— Si je te réponds, est-ce que tu arrêteras de me parler ?
— Peut-être, sourit-t-elle.
— Oui, la première partie du concours se fera à la montagne.
— Trop bien ! Est-ce que je peux venir ?
— C'est prévu, oui.
Sa réponse est inattendu. Rozen s'attendait évidemment à un refus. Elle s'arrête de marcher pour le regard droit dans les yeux :
— Vraiment ?
— Tu iras partout où que j'irai. Tu es mon otage pour Kaios, vois-le comme une sorte de kidnapping.
— D'accord ! Ça me va, répond-elle en continuant à marcher comme si de rien n'était.
Atlas se tourne vers elle, perturbé. Il la regarde comme si elle était un extraterrestre. Aucune de ses réparties n'a de sens à ses yeux. Jusqu'alors, Atlas n'avait jamais rencontré aussi étrange que Rozen.
Lorsque le jeune héritier arrive jusqu'à sa chambre, la fleuriste lui sourit :
— On se rejoint encore dans le jardin royal demain ?
Il ouvre la bouche, mais aucun son ne sort de sa bouche. Il se contente donc de répondre par un simple hochement de tête pour montrer son approbation.
— Parfait alors, à demain soir ! Encore merci pour Sylas !
Rozen fait une petite danse de joie avant de regagner ses quartiers.
Pendant ce temps, Atlas reste immobile devant sa porte, se demandant, l'espace d'un instant, si son cœur a toujours battu aussi vite.
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