Troisième partie
[La partie suivante est une scène explicite homosexuelle, si ce contenu vous met mal à l'aise, je vous conseille de vous abstenir. Pour les autres, je vous souhaite une excellente lecture !]
La sirène entraîna sa proie dans un monde qui aurait sans doute dû avoir raison d'elle. Elle était pourtant bien vivante lorsque son corps heurta le fond. Un cri silencieux franchit ses lèvres sous le choc, le sable amortissant une chute vertigineuse. La vue d'Airelle s'habituait à l'obscurité, là où la lumière des astres ne parviendrait à régner. Des perles nacrées s'échappaient de sa bouche au rythme d'une respiration haletante. Ce qui avait débuté à la surface tendait à se répéter dans les profondeurs de l'océan. Rien ni personne ne saurait mettre un terme à ce jeu de séduction mortel.
—Eh bien ? Le voyage n'a-t-il pas été à ton goût ?
Airelle opina faiblement, incapable d'opérer le moindre mouvement tant le regard de Cléore l'épinglait au fond. Un regard intransigeant et ravageur. Elle ne pourrait échapper à son contrôle, consciente qu'elle ne regagnerait pas la surface en vie. Sa vie entière reposait sur les épaules de la prédatrice, l'état hypnotique dans lequel sa victime se trouvait lui permettait de le réaliser. Elle n'était qu'un cadavre en sursis, désirant sa ravisseuse plus que de raison.
Sa queue écaillée de cette dernière ne captait plus la lumière, mais semblait produire ses propres lueurs vertes et bleues dans cette immensité sombre. Tout ceci disparut en un instant pour laisser place à de longues jambes galbées, une illusion d'humanité plaisante aux yeux de la créature.
Celle-ci rejoignit sa captive pour la surplomber. Sa peau lisse effleura celle de cette dernière dans une caresse impudique, presque osée. Une tentation à laquelle elles cédèrent toutes deux dans un baiser. Un baiser qui les ravagea, unissant la créature marine et la simple humaine à l'esprit embrumé.
Cléore dominait leur étreinte avec une prestance singulière. Ses lèvres cherchaient à soumettre, à imposer leur volonté quoi qu'il en coûte. Un rapport de force déséquilibré lui valut la victoire, et les mains timides d'Airelle trouvèrent pour la première fois le chemin de la peau nue. Elle retraça les mystères de son anatomie avec une gourmandise qu'elle ne s'avouerait jamais, se délectant de cette douceur irréelle.
La sirène ne laissait aucun répit à la jeune vacancière. Qu'importe son inexpérience, elle réclamait son dû ! Elle ignorait qu'elle se perdait elle-même au détour d'un reflet mal reproduit. L'être venu d'ailleurs se voulait cruel, sans moindre pitié pour l'espèce humaine. Réalisait-elle seulement à quel point cette étreinte lui était plaisante ? Les soupirs que l'océan rendait muets étaient aussi les siens.
—À bien y réfléchir, je crois que je vais te garder sous l'eau, souffla Cléore, avant de s'humecter les lèvres à la manière d'une prédatrice. La surface ne te mérite pas.
—Pitié... gémit Airelle, que cette idée terrorisait au-delà des mots.
La créature sourit. L'heure n'était pas à un tel débat. Ce corps qui attirait son regard méritait toute son attention, et elle entendait bien remplir cette tâche avec la dextérité de son espèce. Ses doigts se coulèrent bientôt sur les courbes tendres, sur la chair sensible, pour y tirer des réactions purement humaines. Un gémissement silencieux de perles nacrées.
Cléore parcourut la gorge offerte de ses lèvres avant d'atteindre la naissance de la poitrine menue. Des formes de femme qu'elle honorait comme il se devait. Airelle rendait ces caresses avec moins d'ardeur, mais mue d'une touchante dévotion. Ses mains glissèrent jusqu'à saisir les hanches pleines de la sirène, descendant à l'endroit où une queue de poisson trônait d'ordinaire.
Malgré la perte de son attribut, l'être conservait toute sa particularité dans son regard sans fond et dans les nageoires minuscules qui s'hérissaient sur l'extérieur de son avant-bras. Ses doigts palmés fendaient l'eau pour trouver le chemin de plaisirs interdits et inconnus. Ils s'égarèrent en dessous de son nombril et taquinèrent le haut de sa toison dans le seul but de voir la captive se languir de tout son soûl.
Un jeu de regards, une approbation muette qui n'avait pourtant pas lieu d'être, et Cléore franchit la limite avec une tendresse qu'elle ne se connaissait pas. Cela se passait de toute parole, les gestes se suffisaient à eux-mêmes. La sirène déposa un doigt contre l'intimité d'Airelle qui frémit, les yeux écarquillés face à cette indécence calculée.
L'être pouvait sentir l'excitation de l'adolescente contre sa peau, comme en écho à son propre désir. Son index se fraya un passage dans l'antre inviolée pour la marquer à jamais de son empreinte. Le corps d'Airelle s'arcbouta comme si Cléore en connaissait le moindre secret. Une étreinte qui se prolongea, les lèvres de la vacancière cherchèrent celles voisines pour y goûter cette saveur saline qui affolait ses sens.
Peu à peu, elle parvint à rendre les gestes que la sirène lui prodiguait. Avec moins assurance, bien sûr, et avant que son propre plaisir ne vienne prendre le dessus sur la volonté. Alors elle se perdit dans la contemplation de l'infini, son regard ancré sur l'objet de cette attraction irrésistible. Les yeux mi-clos, l'être ravagé par cet acte de débauche qui aurait dû la répugner, Arielle était totalement à la merci de sa ravisseuse.
La volupté la submergea. Un éclat de lumière dans l'obscurité des profondeurs. Un morceau d'infini offert au commun des mortels. Une myriade de perles nacrées jaillit de ses lèvres.
Airelle haleta encore un court instant avant de se laisser couler entre les bras protecteurs de la créature. Celle-ci se permit un sourire sincère, de ceux qui ne franchissaient jamais le seuil de sa pensée. La vulnérabilité de sa victime aurait dû lui octroyer le temps de l'achever, de lui ôter la vie sans que rien ni personne n'en soit témoin. Elle s'y refusa, incapable de s'y résigner. Le cœur au bord des lèvres, la sirène perdait de sa superbe et de sa nature de prédateur.
Lorsqu'Airelle retrouva ses esprits une poignée de secondes plus tard, elle se blottit contre le corps de la créature sans se douter des sombres pensées qu'elle nourrissait. Elle lui rendit avec générosité ce qui lui avait été offert. Des caresses qui s'attardèrent sur les seins fermes recouverts de petites écailles brillantes, et sur le sexe étonnamment similaire au sien entre ses cuisses. Cléore oublia ses funestes désirs au profit du contact grisant que l'humaine lui portait. Ces ébats passionnés et délicieux dans les méandres océaniques.
Ses genoux posés sur le sable, obnubilée par ces gâteries mutuelles, elle accompagna sa victime dans sa jouissance jusqu'à en perdre la raison.
—C-Cléore... balbutia Airelle, alors que son corps se confondait dans le bien-être, allant jusqu'à oublier où il gisait.
—N'aie crainte pour ta vie, la somma l'intéressée, mi-tendre mi-amère. Je ne compte pas y attenter.
—Je ne crains rien.
Son air apaisé, à l'image d'une dévotion insolite, alerta la sirène. Non... Elle ne pouvait pas sacrifier cette malheureuse humaine au nom d'un sentiment aussi égoïste. Elle se reprit dans l'instant, le regard rivé sur la jeune vacancière. Elle lui souffla un long baiser au goût pénible des adieux avant que le corps d'Airelle ne mollisse entre ses mains. Son abandon était sans doute à l'image du sourire qui se glissa contre ses lèvres lorsqu'elle perdit connaissance dans les bras de sa ravisseuse. Elle sombrait dans un sommeil lourd, et Cléore se pencha pour murmurer :
—Puisses-tu un jour me pardonner ceci.
La créature ne put se détacher des traits détendus de l'adolescence. Une candeur folle la caractérisait désormais, comme le poids des années et son impérissable jeunesse. Une fleur à l'aube de sa vie au petit matin. Le visage de Cléore se fendit d'un rictus peiné. Les cheveux sombres de l'être formaient un halo autour de son minois endormi, un spectacle sans pareil.
Enfin, la prédatrice se résigna à mettre un terme à sa contemplation secrète. Elle tira le corps inerte sur son sillage, sa queue remplaçant les jambes pour regagner la surface en seulement quelques mouvements. Le cœur au bord des lèves, Cléore inspira une première bouffée d'air tout en taisant la douleur que ce geste fit naître. Le sacrifice s'avérait nécessaire, elle s'en persuadait de son mieux.
La sirène déposa finalement Airelle sur la plage déserte. La tête de celle-ci roula de côté alors que la créature glissait des algues comme rempart à son affolante nudité. Elle se faisait violence, ses yeux miroitant à la lueur lunaire. L'être caressa une dernière fois la joue ronde du dos de sa main avant de repartir vers le large sans un regard en arrière, consciente qu'elle céderait à la moindre tentation. Luttant de toutes ses forces, elle se promit de consulter l'oracle au sujet de cette fille au corps de femme et qui n'avait jamais connu la mer. Elle plongea rejoindre les profondeurs, déchirant les eaux pour y regagner sa place. L'océan tairait ses secrets.
Demain, Airelle se réveillerait de son long sommeil. Décontenancée, elle porterait un regard sur l'Atlantique en éveil où les pêcheurs traquaient déjà avidement chaque poisson. Mais la vacancière ne saurait oublier ce souvenir délectable, presque un songe tant il lui paraissait irréel. Celui de cette escapade interdite à l'exquise saveur saline.
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