Chapitre premier : Promenade dans le Jardin Royal
Je cueillis une rose dans la paume de ma main.
Mes yeux graves la fixèrent pendant des interminables minutes, interrogèrent chacun de ses plis, se perdant dans ses tons écarlates en abandonnant tout espoir de trouver une réponse. Lentement, mon regard remonta, se planta sur le dos courbé de la reine, sur ses longs cheveux blancs et sa robe rouge vin. J'entendais un sourire fleurir dans sa voix, je la vis virevolter et me fixer, les pupilles brillantes. Ses joues rosirent et elle se répandit en un rire insouciant, feignant l'innocence, faisant appel à une naïveté forcée afin de mieux enterrer le problème qui pesait lourd sur nos têtes. Elle me tendit doucement la main, tendit le doigt et pointa la fleur que je serrais dans un poing peiné.
― Tu aimes les roses, Lucy ?, articula-t-elle avec une douceur infinie.
Je penchais la tête, la secouais et soupirais, enfouis sous une couche d'indifférence tous les souvenirs que faisaient ressortir le parfum sucré de cette plante. Et je me surpris à sourire, à sourire devant le regard encore brillant et noyé par une joie irréelle, je souris devant ces traits encore tous ronds, devant cette tête courbée par le poids trop lourd d'une couronne et je ris, laissais échapper un rire de mélancolie.
Ma gorge était serrée, serrée, serrée par un fil invisible.
― Pas vraiment, murmurais-je au soleil radiant.
Le vent se leva.
Il soufflait, soufflait fort et brutalement, sifflait à nos oreilles, nous hurlait de nous ressaisir et de cesser ce moment de béatitude. Le vent soufflait, faisant voler les feuilles, emportant les pétales roses, cachant derrière des épais nuages l'astre qui veillait sur nous. Ma jupe volaa, mes cheveux quittèrent mes épaules et pendant un court instant, ma vision se transforma en or.
Mirajane émit un sifflement aigu.
Sa tête était penchée, elle fixait le ciel d'un air songeur, une moue d'inquiétude s'installant paisiblement sur son visage enfantin tandis que l'atmosphère glissait, changeait de chaussures et se transformait, prenait une forme réelle et un poids insoutenable, écrasant nos pauvres figures sur ce pavé instable. Le jardin devint tout d'un coup silencieux, et tout n'était plus qu'ombre et menace, nuit et terreur, les troncs d'arbres devinrent des spectres noirs qui attendaient avec une attention malsaine qu'on quitte le palais, qu'on s'aventure sur un terrain trop dangereux, trop inconnu. Quant aux roses, des pétales étaient éparpillées sur le sol, elles n'étaient plus que des gouttes de sang s'enfonçant dans la terre nourricière et nous servaient d'avertissement, nous menaçaient par un silence troublant.
― Qu'est-ce que je vais faire ?, chuchota Mirajane en s'affaissant sur un banc blanc.
Ses jupes faisant une flaque sobre autour de son corps tout tremblant.
― Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire ?, souffla la reine en enlevant sa couronne dans un mouvement repli de lassitude.
Ses paupières se plissèrent, se courbèrent et se fermèrent, cachèrent derrière cette fine pellicule de peau son regard assombri par une vague d'angoisse soudaine. Toute trace de rire avait disparu, son sourire fut vite effacé et remplacé par des lèvres blanches, tout bonheur était devenu un rêve lointain et inatteignable, une illusion qu'on a cassé sans grand ménagement. Et on resta ainsi, figées et immobiles, parfaitement conscientes par le poids de nos responsabilités, écrasées par des imprévus et des problèmes qui, du jour au lendemain ont décidé de former une chaine solide venue s'attacher autour de notre cou. On resta ainsi, la gorge serrée et entravée, la tête remplie par des mots et des mots qui refusaient de sortir, trop effrayés par le mur qu'ils finiraient par heurter en osant l'aventure et on se fixa, hésitantes, embarrassées, un échange muet circulant dans l'air.
― Tu es silencieuse, aujourd'hui, me fit remarquer le monarque. Tu as une idée, je me trompe ?
Mon menton se baissa, ma gorge déglutit, mon cœur se serra et ma bouche, cette bouche agaçante qui ne cesse jamais de remuer frémit doucement, fit apparaitre devant nos yeux inquiets des mots inatteignables. Elle fit éclater le silence comme s'il n'était qu'une simple et vulgaire bulle d'oxygène.
― Je veux vous quitter, chuchotais-je. Je vais me rendre au royaume voisin le plus tôt possible et... et ...
Elle ne dit rien.
Elle ne dit rien, ne fit rien, cessa de bouger, se transforma en une statue de glace au regard inébranlable. Elle ne dit rien, ne dit même pas un seul mot pour tenter de me dissuader ou d'en savoir plus, ne leva pas le petit doigt alors que je continuais de trépigner d'inquiétude. Il n'y eut pas de réaction, il n'y eut rien, rien du tout et ce fut tellement étrange, c'était comme si le temps avait cessé sa course éternelle et nous a piégé dans une cage qu'on ne pourrait jamais détruire. Je tentais de respirer, je tentais d'inspirer profondément, d'interdire à ce cœur malade sa fuite incertaine et de ne pas baisser les yeux, de ne pas détourner mes pupilles sombres de cette accusation que je voyais brûler sur le visage de la reine. Et c'était long et angoissant, long et frustrant, long et fatiguant, d'attendre qu'une réponse fuse enfin de sa bouche pétrifiée.
― Pourquoi ?, demanda enfin la reine d'une voix enrouée.
J'hésitais.
J'hésitais et je cachais mon visage embrasé, mes joues soufflant la culpabilité, fis une croix sur toutes mes pensées, toutes les images qui ne cessaient d'apparaître dans mon esprit, comme pour mieux me troubler et je souris. Je souris, feins un sourire pâle et pathétique, un sourire tremblant qui ne saurait convaincre personne à ma reine, saisis un ton enjoué par la main et me dépêchais d'affirmer :
― J'ai des vieilles connaissances siégeant à sa cour. Grâce à elles, je pourrais obtenir une entrevue avec leur roi et tenter...
― Tenter quoi ? De le dissuader ? Comme si c'était possible ! lâcha Mirajane en fusillant du regard le parterre de fleurs. Lucy, cet homme est un monstre, c'est un roi sanguinaire qui n'a fait que conquérir depuis le début de son règne ! Il est monté au pouvoir grâce à un coup d'état en faisant au peuple des promesses qu'il s'est dépêché d'oublier une fois assis sur le trône. Le jour de son couronnement, il a pendu les anciens monarques ! Pendu, Lucy, pendu ! Comme des vulgaires voleurs, tu te rends compte ? Et maintenant, tu viens me dire que tu veux tenter la diplomatie ? J'en rirais bien, si ce n'était pas aussi triste !
Je soufflais, le visage cramoisi et le regard déviant. La honte me serrait le ventre, la honte me serrait la gorge et mon cœur ne cessait de ralentir sa course, affaibli, paralysé par ces informations soudaines. J'eus le souffle coupé, ma voix mourut, se perdit quelque part dans ma bouche et je me figeais, cachant derrière mon dos courbé cette paire de mains affolées, plissant les yeux. Mes doutes, mes pires craintes, toutes ces voix qui n'ont cessé de m'harceler depuis des jours et des jours se révélèrent justes. Natsu était devenu un tyran.
Mes jambes frémirent, tremblèrent et ne manquèrent de se dérober sous mon poids. Je me sentis pâlir, tout d'un coup et je manquais d'air, je manquais cruellement d'air, mes poumons s'agitant, mon esprit s'agitant, courant dans tous les sens en faisant taire cette vérité douloureuse. Non, c'était impossible. Non, je n'y croyais pas, pas une seconde, pas une seule seconde.
Natsu était devenu un tyran.
Je refusais de le croire. Et c'était pour ça, pour cette raison stupide et pourtant tellement importante que je devais me rendre dans ce pays ennemi, affronté le regard de sang du roi afin de le confirmer. Parce qu'il y avait toujours l'espoir, toujours cette infime étincelle d'espoir qui s'affirmait et brillait dans la noirceur de mes pensées, cette étincelle qui continuait de me faire vivre en me chuchotant à l'oreilles des affirmations mensongères. « Il y a une explication logique », chantait-elle. « Il peut très bien s'agir d'un autre personnage », continuait-elle.
― Lucy, je t'interdis de le faire, vociféra Mirajane. C'est un ordre que je te donne, un ordre en tant que reine, et je le fais pour ton bien. Pour te protéger.
« Pour te garder près de moi le plus longtemps possible», lis-je dans ses traits graves.
Ces mots étaient faux, et on le savait toutes les deux.
J'étais son oiseau, après tout. Un oiseau qu'on garde en cage pour profiter de sa voix, un guide dont on ne peut se passer. Elle comptait sur moi, elle se reposait sur mon dos constamment, j'étais son excellente conseillère, après tout. Malgré les regards haineux, malgré les mots méprisants qu'on lui jetait pour avoir osé prendre une ancienne dame de compagne, une femme, une fille de bourgeoise, même pas une noble, pour m'avoir assigné un rôle si important et m'avoir dotée de chaines qui m'entravent les poignets. Elle avait besoin de moi et cette pensée, cette possibilité de me perdre de vue pendant un moment incertain l'effrayait, elle avait besoin de mon don pour pouvoir régner.
Pendant un long moment, j'avais joué son jeu. Pendant trois ans, plus précisément, je me suis contentée d'être sa fidèle, son amie, je lui ai prêté mes portes et mes clés, mes esprits, je lui ai prêté toute la sagesse qui accompagnait mon pouvoir et j'ai fermé les yeux devant son manque d'indépendance. Mais à présent, je ne pouvais plus me contenter d'être un simple sujet, je ne pouvais plus vivre dans son ombre oppressante, je ne pouvais plus être à ses côtés indéfiniment.
Je me devais de rendre une visite au roi ennemi.
Afin d'être sûre, afin de confirmer mes soupçons.
Je voulais savoir si c'était bel et bien Natsu qui nous a déclaré la guerre.
― Je suis désolée. Je vais oublier cette idée stupide, mentis-je à la reine.
Sans le moindre scrupule.
Mot d'auteure : Alors voici le chapitre premier ! Chapitre dont je ne suis pas très très très fière (et qui est très très court), on va dire xD Le hic, avec cette fiction, c'est que j'ai tellement d'idées et de passages que je veux écrire que quand je dois décrire une scène qui ne me plaît pas vraiment ou m'ennuie, je manque d'inspiration. Donc je suis désolée de sa qualité qui laisse peut-être à désirer, je vais peut-être le reprendre plus tard.
Hum hum. Sinon. Que pensez-vous de la relation qu'entretiennent Mirajane et Lucy ? Et pensez-vous que c'est bel et bien Natsu, la roi sanguinaire ? Si oui, qu'est-ce qui a bien pu arriver pour le transformer à ce point ? D'un autre côté, on a cinq ans qui ont passé. Cinq ans !
Dans cette deuxième partie de l'histoire, Lucy est consciente de son don. Et je sais que vous mourrez tous d'impatience face à ce suspense insoutenable ; c'est donc pour cette raison que j'ai la joie de vous apprendre que la vérité éclatera au prochain chapitre ! Soit dit en passant, le prochain chapitre sera de loin plus intéressant que celui-ci xP
En tout cas. J'ai hâte de lire vos impressions et je tiens à m'excuser pour ma très longue absence (pour ceux qui auraient remarqué !).
À la prochaine !
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