Chapitre 2
Le mercredi 23 décembre 2020
Sa voix est rauque et étouffée comme s'il avait passé sa vie avec une cigarette au bec. Je distingue une forte odeur d'alcool dans son haleine. Je frissonne de dégoût de l'avoir aussi près de moi. Sortant de la maisonnette, je me retourne pour voir à qui j'ai affaire. Je le détaille de la tête aux pieds avec un dédain sûrement beaucoup trop évident sur mon visage. Sa peau foncée est rougie par le froid. Ses vêtements sales m'indiquent qu'il est dans la rue depuis un bon moment déjà. Ses joues creuses rongées de l'intérieur me font peur. Ça lui donne un effet surréaliste. Ses yeux sont ronds comme des billes et en mydriase. Déstabilisée, je m'éloigne le plus loin possible de lui en continuant mon chemin. Je rétorque.
- Je me cache du froid, comme vous d'ailleurs.
Inquiète parce qu'il me suit que je le veuille ou non, je me contente d'utiliser ces simples mots en guise de politesse espérant qu'il me laisse tranquille. Malheureusement, pour moi, il accélère le pas et ricane.
- Ne t'en va pas, je n'en ai pas fini avec toi.
Sa voix rauque est beaucoup trop proche de moi. Je me mets à courir, mais je ne cours pas aussi vite que je le voudrais à cause de cette neige. De temps à autre, je jette des regards discrets derrière moi et ça me motive à continuer. J'ai tellement chaud. Mes bottes sont tellement lourdes que j'ai l'impression de courir de moins en moins vite. Je panique, il se rapproche dangereusement. Il est tout près.
- Laissez-moi tranquille !
Je crie à pleins poumons même si l'air froid me brûle de l'intérieur. Il ne m'écoute pas et je suis à bout de force. Cherchant quelque chose pour me défendre, je ne trouve absolument rien. Tout est couvert de cette épaisse neige. Je le sens m'encercler de ses bras répugnants. L'odeur de sa sueur est omniprésente lorsqu'il me plaque contre le sol.
- Sois sage et je ne te ferai aucun mal.
Les larmes obstruent ma vision tandis qu'il me sert de plus en plus fort jusqu'à ce que je n'aie plus d'énergie pour me débattre. Je n'ai aucune envie de me laisser faire et visiblement, je ne fais pas le poids. Il me fait pivoter pour que je sois face à face avec lui et s'installe sur moi. Mon ventre se contracte pour pouvoir supporter sa masse corporelle.
- Je ne veux pas...
Je me devais de dire que je ne voulais pas. Une fois que le non est dit, c'est considéré comme un viol de mon intimité et des actes non consentants. Je m'imagine le renverser au sol et réussir à me sauver, mais je suis réaliste. Les fins heureuses ne sont que dans les films. Un preux chevalier venu d'une autre dimension viendrait à mon secours sur son magnifique cheval blanc. Malheureusement pour moi, je suis dans la vie réelle et les chevaliers n'existent plus depuis longtemps.
- Ne m'oblige pas à te faire du mal.
Comme pour confirmer mes peurs, il sort un couteau souillé de je ne sais quoi de sa poche. Mes boutons de manteau mitraillent dans tous les sens lorsqu'il les arrache avec force. Il passe sa lame sous le tissu de mon chandail bleu minuit et le coupe avec une facilité déconcertante. J'ai envie de crier, hurler, manifester mon désaccord. Je n'ai pas la force de résister. Je sens le froid des flocons sur mes seins nus. J'aimerais pouvoir me cacher, mais je n'en fais rien. Je déteste son regard. Il me regarde comme si j'étais un morceau de viande. Je déteste ce qu'il me fait. Je le déteste.
- Tu es si belle.
Les larmes coulent abondamment sur mon visage. J'appréhende la suite. Gardant toujours le couteau dans ses mains, il caresse mes seins sans douceur. Je me contente de fixer le ciel pour tenter de me changer les idées et m'empêcher d'enlever ses sales pattes de sur moi.
- J'ai tellement envie de toi.
En temps normal, je serais totalement dégoûtée, mais je suis profondément trop apeurée pour penser ne serait-ce qu'un instant à ce qu'il peut bien avoir l'air sous ses airs de crades. Suis-je faible si je me laisse faire pour survivre ?
- Tu bouges et c'en est fini pour toi, compris ?
C'en est trop pour moi lorsqu'il déboutonne mon jean pour me le retirer. Je profite de ce moment d'inattention pour lui voler son couteau et me reculer de lui.
- Je vous ai dit de me laisser tranquille.
Ses yeux sont exorbités de colère. Plus il avance vers moi, plus je recule. Le couteau devant moi, je le menace en le promenant de gauche à droite pour me créer un périmètre de sécurité.
- Sale garce, tu es qu'une allumeuse.
Les dents serrées, avançant à pas déterminés, il me retire le couteau des mains avec une aisance impressionnante. Il me pousse contre une bâtisse. Son couteau déposé froidement sur ma gorge, je prends de petites inspirations pour ne pas risquer qu'il me coupe par maladresse. De sa main libre, il baisse mon jean puis le sien. Je fixe une cheminée dont s'échappe la fumée pour ressentir le moins possible ni la douleur qu'il me fait, ni le plaisir qu'il me procure, et ce, malgré moi. Ses coups de bassin féroces me soulèvent de terre et me ramènent au sol. Je n'ose même pas regarder son visage. Je veux être capable d'oublier ce cauchemar lorsque ce sera fini.
- Vous êtes malades !
La voix d'une femme que je n'avais pas vue résonne dans ma tête et me sort de ma transe. Mon agresseur prend peur d'avoir été pris en plein acte. Il se retire de moi avec dégoût. Comme si ça ne suffisait pas à mon calvaire, il me poignarde dans le ventre à un point où je ne calcule plus les coups. Ma tête se frappe contre la tôle à chaque nouvel assaut. Je me sens me vider de mon sang et je tombe au sol d'épuisement. C'est à ce moment que mon agresseur prend la fuite avec mon sac à dos. Dire que je pensais déjà avoir tout perdu...
Je sens le sang s'échapper de mes plaies. La neige autour de moi devient de plus en plus rouge. Ma vision se trouble. Me rappelant la femme, je regarde dans sa direction. Elle n'est plus là. Je la comprends d'avoir fui. Je ne lui en veux pas, je n'aurais sûrement même pas eu le courage d'intervenir. J'observe le ciel d'un noir si profond ainsi que ces milliers de petits flocons de neige. Dans quelques minutes, je volerai avec eux. Je ne m'imaginais pas mourir si jeune. Ces douleurs atroces me font perdre la tête. J'avais déjà eu mal dans ma vie. J'ai dû me relever de nombreuses fois, mais jamais je n'avais senti ma peau se fendre et mon sang... Ce liquide chaud qui imbibe ma peau et mon chandail. Maman serait fâchée, pour ma part, ce n'est que du tissu.
Épuisée, je tente maladroitement de me lever et je tombe aussitôt. Je ne veux pas mourir en pleine ruelle. Oh que non ! Eva ne mourra pas dans un endroit aussi macabre et lugubre. C'est peut-être ce que je méritais ? La fin à tous mes problèmes?
- Aidez-moi ! Je vous en supplie !
Personne ne m'aidera, je dois être réaliste et me débrouiller par moi-même. Je me relève encore une fois et cette fois, je ne tombe pas même si mon corps chavire d'un côté comme de l'autre, comme le tictac d'une horloge. Je me tiens le ventre d'une main et la tête de l'autre. Je me soutiens avec tout ce que je trouve sur mon chemin pour ne pas tomber. Je marche depuis un moment quand j'arrive devant ma maison.
Je crie à l'aide en continuant d'avancer dans la petite rue entourée de bois. Je continue de crier en ayant l'impression d'avoir du sang qui me remonte dans la gorge. Je me courbe pour en vomir ce qui me fait tomber par terre. J'essaie de me relever, mais c'est désormais impossible. Je me contente de crier sans arrêt jusqu'à ce que ma vision se déforme pour devenir un grand trou noir.
- Papa...
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