3- L'Intrus

Un léger timbre sonore du logiciel de surveillance le fait sortir de ses souvenirs.

Alors qu'il essuie d'un mouvement las ses yeux humides, les traits de Philippe reprennent leur masque de plomb.  L'écran de son ordinateur portable affiche trois postes de surveillance de chantiers : un pour l'agrandissement de l'hôpital de la ville en une aile de services privées en oncologie, parcelle de l'héritage de son père ; un second pour un projet luxueux de condos sur la rive ouest du fleuve ; un dernier pour la réfection d'un bâtiment très ancien du Centre-ville, ancienne gare de trains, abandonnée depuis l'arrivée des métros il y a 50 ans.

Sur chaque chantier, les signaux de caméras permettent de surveiller l'avancement des travaux et la circulation des employés. Très utile en ce moment, alors que les syndicats des métallurgistes menacent d'initier des mouvements de grève générale.  Ils sont surtout présents et actifs dans le chantier des condos, ce qui ne fait pas plaisir aux richissimes futurs proprio de ces lieux. Mais ce chantier, c'est surtout Sandra qui s'en occupe.  Sa collègue est une perle rare dans la négociation et les ententes avec les spécialistes du bâtiment.  Philippe est bien heureux de cet arrangement, pouvant se consacrer davantage sur l'hôpital et la gare.

Le projet de la Gare est une idée plus personnelle.  L'héritier Dorchester veut en faire un complexe de boutiques huppées et luxueuses.  Cependant pour y parvenir, il a dû se plier aux exigences de la ville en termes de protection du patrimoine.  Il a du présenter un plan qui  conservera certains attraits historiques de ce vieux bâtiment.  Il trouve ces critères un peu exagérés mais cela fera bonne figure et les richissimes clients, qui y viendront, apprécieront le concept.

Les lieux sont actuellement insalubres et ouverts aux quatre vents.  Condamnés depuis plus de dix ans, les pigeons et les rats en sont les seuls occupants.  Il y a bien eu un groupe de junkies qu'il a du évincer avec l'aide de la police.  Après cet épisode, les travaux ont pu commencer mais placer des caméras a été son premier geste afin de surveiller les lieux.  En cas de pépins, il a une ligne directe avec le commissaire du poste de quartier qui enverra une patrouille.  Vive la modernité !

Sous ses yeux fatigués, les caméras déroulent les images des projets : l'Hôpital, les condos puis la gare.  Pour cette dernière, il aperçoit les murs, remplis de tag, les vieilles boiseries usées et patinées par le temps, les sculptures de plâtres et les vitraux colorés, qui ont étonnamment réussis à survivre aux affronts des années et des squatteurs.  Ces-derniers sont les pires : prenant place sans permission, utilisant les biens publics à leur convenance, effrontés et profiteurs.  Tous des paresseux et des drogués !  Ce sont surtout pour eux, que le riche fils Dorchester surveille ses propriétés grâce aux caméras tous les soirs.

Alors qu'il achève son café avec un claquement de langue, une ombre dans le coin droit de l'une des caméras attire son regard...  Une silhouette pale s'engouffre dans le chantier de la Gare.  Rapidement, il fait le zoom et il aperçoit en effet un intrus qui se glisse dans la vieille salle d'attente arrondie.  Suivant l'alcove, l'ombre disparaît du champ visuel.  Alors que Philippe actionne une autre caméra, il perd sa cible.

— Où es-tu mon salaud ?

Il repasse en revue toutes les caméras des lieux mais ne retrouve pas trace de l'envahisseur.  Au bout d'une vingtaine de minutes de recherche, il en vient même à douter de ce qu'il a vu.  Aurait-il rêver ?

Exténué, il referme l'ordi d'un geste sec : demain, il ira sur place pour vérifier les lieux par lui-même.

Prenant son cellulaire, il envoie un bref message d'excuse à sa mère qui ne daigne même pas lui répondre, alors qu'il sait pertinemment qu'elle n'est jamais bien loin de son petit écran.  Il jette un œil sur l'affichage : Minuit !  Elle est sûrement trop occupée avec ses amis et ses sangsues adorées, toutes imbues de vertues sociales et bénévoles.  Pour elle, cette heure tardive n'est que l'apothéose de ces soirées qu'elle affectionne tant : celles où elle s'amuse à se regarder briller dans les yeux des autres.

Désabusé, il se réfugie dans son lit où il s'effondre et ne tarde pas à tomber dans un sommeil sans rêves.

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Un troisième chapitre qui tourne autour de la carrière du personnage de Philippe.

Il s'y consacre, il n'a que la réussite en tête !  Voilà pourquoi il réagit si vivement.

Un ombre dans son chantier !    Qui est-ce ?    Ou qu'est-ce ?

Quel affront !


Un grand Merci pour votre présence.  C'est une Histoire qui n'en est qu'à ses débuts.  En souhaitant qu'elle vous plaise.

On se revoit dans une semaine !

Gaïa;)



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