2 - Ligne de vie
L'homme se concentre sur son écran.
Le logiciel s'ouvre en téléchargeant les visuels des caméras grâce auxquelles il veille sur son entreprise, la plus grande de la ville et des environs, spécialisée en bâtiment et réaménagement immobilier. Philippe Dorchester en est le seul Président-Directeur Général, le PDG. Le mandat de la compagnie : acheter de vieux immeubles ou parcelles de terrains pour des bouchées de pain et après une revitalisation du tout, revendre ou louer à un prix d'or les lieux.
Ses doigts qui pianotaient mécaniquement sur le clavier s'épuisent de chaque côté de l'appareil. Ses yeux fixent les images sans les voir. Fatigué, il se perd dans ses idées et ses souvenirs, l'heure tardive l'emportant dans ses méandres.
L'entreprise fondée par son grand-père est maintenant entre ses mains et il compte bien la faire fructifier. Ses buts : richesse, réussite et rendement. Ses trois R, comme il se plaît à dire. Pour l'entreprise Dorchester, c'est un changement de cap depuis la mort de son père — un être trop altruiste selon Philippe. Au lieu de s'encombrer de considérations patrimoniales et sociales, il vise le succès, simple, vite et bien. Ceci, en surfant sur l'image d'une entreprise familiale bien ancrée dans son milieu. Il viendra un jour prochain où il sera un homme reconnu davantage pour son talent de businessman doué d'une intuition infaillible. Il pourra alors donner sa couleur personnelle : une couleur franche et sèche, directe et inaltérable. Mais il se doit d'être patient.
Un peu surpris de ce choix, c'est à lui que son père a légué l'entreprise. Pas à son crétin de frère aîné, pourtant aussi généreux que le paternel — surtout envers lui-même ! — ni à leur mère, trop insouciante et volage. C'est donc Philippe Dorchester qui est le patron. Il gère, il fait ce qu'il veut. Sans attache, il ne s'encombre de personne.
Il a ainsi divorcé de l'héritière de la célèbre, mais infortunée, famille Sandoza, six mois avant la mort de son père.
«Tu l'as tué !» lui a un jour reproché sa mère... « Il tenait tant à cette union. »
Oui, c'était un bon mariage. Mais, la nouvelle épouse ne lui apportait rien côté prestige et fortune. Seulement des armoiries d'une vieille famille royale d'Espagne. À quoi bon ?
Lucia était superbe, une des plus belle femme du jet set de la ville, mais, comme sa propre mère : insipide et coulante comme de la guimauve ramollie. Il était malheureux en mariage, rarement présent auprès de son épouse. Il a ainsi très vite réalisé qu'il fuyait le domicile conjugal. Il s'en était confié à son père qui en avait été bien déçu mais réaliste. L'attaque foudroyante du cancer l'avait changé, il réalisait que la vision de son fils ne pourrait être comme la sienne et qu'il devait, bon gré mal gré, s'en remettre à lui en entier, car il ne serait bientôt plus là.
C'était vers la fin des traitements de chimiothérapie de Dorchester Père, un échec finalement. Tant de souffrances et de faux espoirs. Rien à faire. L'homme, amaigri et décharné, avait bien tenté de comprendre les motivations de son héritier. Lors d'une des dernières visites de son benjamin à l'unité des soins palliatifs, il lui avait soupiré d'un ton amer : «Mon grand, il n'y a pas que le business dans la vie.». Ce que Philippe avait tenté de l'en dissuader, parlant de rendement et de fructification de l'héritage familial. Il serait un bon dirigeant mais le père devait accepter le fait qu'il ne marcherait pas exactement dans ses pas.
Ce fut leur dernière discussion.
Cependant, un an après la mort de son père, la destin a failli réussir à changer l'opinion du jeune homme en la personne de Marie-Jeanne dans sa vie.
Marie-Jeanne...
Tout a été soudain, impromptu, innatendu, du début à la fin. Un surprenant détour de la Vie.
L'esprit de Philippe divague sur des yeux de mer et des cheveux de nuit, sur des étreintes passionnées, sur des mois de bonheur, sur un destin qui s'aligne enfin pour du mieux avec même un enfant imprévu, mais désiré, à venir...
Puis, ce fut une fausse manœuvre d'une voiture sur le pont et... le choc !
La Vie lui a tout repris.
Tout.
Fini les illusions, les rêves et les atermoiements.
Rien ne viendra plus jamais d'Elle.
Ce n'est qu'une menteuse, une scélérate, une hypocrite.
Il ne lui fera plus jamais confiance.
"Richesse, Réussite et Rendement" : voilà son leitmotiv. Rien d'autre n'est vrai.
Ni souhaitable.
***
Bonjour bonsoir :)
Deuxième vendredi de publications.
Et Voilà ! Vous en connaissez un peu plus sur Philipppe.
Comment appréciez-vous ce personnage ? Un peu dark non ?
Mais on peut comprendre avec le trajet de vie qui est révélé ici. Enfin, un peu... C'est un homme tourmenté et déçu de la Vie.
Maintenant que les présentations sont faites, on se retrouvera au prochain chapitre, là on verra le début de l'intrigue... enfin un petit début.
À vendredi prochain !
Gaïa;)
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