14- Le Vol
Sans faire de bruit, elle se lève et commence à explorer les lieux. Dans le roucoulement des pigeons et le bruit du vent qui s'immisce dans le bâtiment désert, elle arpente ce qui semble être une ancienne gare abandonnée. Cette fois-ci, elle a la sensation du plancher sous ses pieds, de ses planches vieilles et vermoulues. Son odorat perçoit aussi, dans l'air poussiéreux, des effluves empestant les fiantes de pigeons, l'humidité qui gonfle les planches et la moisissure qui ronge les coins sombres. Dans la noirceur restreinte, ses yeux la guident le long des murs, là où la solidité semble meilleure. Les fenêtres basses sont borgnes, calfeutrées par des planches de bois. Seuls les vitraux en hauteur ont surprenamment survécu au passage du temps et des vandales.
Au fond de la pièce, elle découvre un accès : une porte de vieux bois verni à double ventaux, entrouverte dans la pénombre. Une serrure rouillée... des pas d'homme sont visibles dans la poussière.
Voilà d'où vient son patient.
Il avait les clefs.
Or, c'est un lieu privé. En serait-il le propriétaire ou en a-t-il dérobé les clefs ?
Même vieille et délabrée, la gare doit avoir une certaine valeur.
Il n'a pas la dégaine de posséder ces lieux.
Un voleur ?
Elle s'engage dans le couloir derrière la porte et remarque une pancarte qui signale que les intrus seront passibles de poursuite en justice. Les lieux sont identifiés comme appartenant à l'International Dorchester & son. Dans la tête de Kalia, ce nom sonne comme une menace instantanément et ne lui dit rien qui vaille.
Ils sont intrus ici, ils doivent quitter avant le lever du jour.
Forte de cette décision, elle revient vers l'homme qui somnole toujours. Son pas se fait pressé et moins prudent. Par mégarde, son poids compresse le vieux plancher qui grince. Une planche cède soudain à son passage et elle se sent tomber avec effroi. Dans un vacarme effroyable, qui fait se disperser les oiseaux dans les combles, un trou se forme autour d'elle et elle sent le vide sous ses pieds. Elle lâche un cri qui résonne dans la poussière et tente de s'agripper dans le vide.
Elle ferme les yeux, attendant avec dépit la douleur du choc.
Rien.
Surprise, elle ouvre les yeux pour constater que ses pieds sont suspendus dans les airs et que son corps flotte au-dessus du trou dans le plancher. Lentement, alors qu'elle fixe le plancher sain un peu plus loin, elle se sens flotter horizontalement pour s'y poser sans effort. Avec un soupir, elle examine derrière elle l'amplitude de la crevasse et constate qu'au fond un amas de roches et planches acérées l'auraient accueillies pour lui transpercer le corps : la mort assurée.
« Mais je suis déjà morte ! » se raisonne-t-elle.
Elle ne peut pas soigner une plaie mais elle sait « voler ».
Elle reprend contenance en entendant une voix qui l'appelle :
— Kalia ? Vous allez bien ?
— Oui, oui... je suis maladroite c'est tout.
Elle se rapproche de l'homme qui se soulève en position assise.
Il se souvient de mon nom.
— Ce bruit ?
Nerveusement, un peu à bout de souffle, elle empoigne l'homme par les aisselles pour l'inviter à se mettre debout. Elle sait voler mais ne peut réduire la loi de la gravitation : son compagnon pèse une tonne !
En soufflant un bon coup, elle redouble ses efforts pour l'aider à se redresser :
— Oui, un bien grand bruit. Trop grand. Nous devons quitter ce lieu. C'est privé. Le soleil se lèvera bientôt.
— Mais où voulez-vous aller ? réplique-t-il. On pourrait demander de l'aide aux propriétaires ?
— Si je me fie à mon intuition, nous ne devons pas rester ici car les proprio n'aimeraient pas trouver deux SDF ici.
— SDF ?
— Oui... enfin je crois que c'est ce que nous sommes... non ?
Elle reprend le foulard de laine rouge pour en envelopper le cou et la tête de l'homme, empochant, dans le même mouvement, la tuque souillée de sang.
Elle endosse ensuite son sac, gardant en main le trousseau de clefs. Sans rouspéter davantage, le blessé solidement à l'épaule de la jeune femme.
— Vous pesez comme du plomb !
— Désolé Kalia. Je peux marcher seul... je crois.
— Non non, restez appuyé sur moi. Je suis plus forte que je ne le parais.
En un mouvement d'orgueil, il se détache d'elle par orgueil, mais un étourdissement le fait valser sur place et il se raccroche rapidement au bras tendu.
— Voilà qui est plus sage.
Elle le conduit vers la porte du fond, en évitant soigneusement le trou béant dans le centre de la pièce. La poussière y surnage encore.
— C'était cela votre maladresse ? ricane-t-il tout bas.
— En effet, soupire-t-elle, revoyant ses pieds flottant dans le vide.
Ils claudiquent puis s'engagent dans le couloir. Kalia se retourne pour fermer à clefs la double porte grinçante.
— Comment avez-vous eu ces clefs ?
— C'est à vous de me dire, répond l'ange en les lui tendant.
— Vraiment ?
— Soit vous êtes antiquaire, soit pickpocket, répond Kalia avec un petit sourire.
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Bonjour les angelots !
J'ai eu moi aussi une perte de mémoire temporelle. On mettra ça sur la canicule de bienvenue que nous a gracieusement offert l'été 2018 !
Mais voilà un nouveau chapitre juste pour vous. J'espère qu'il va vous plaire. Je devrais être plus régulière pendant les périodes des vacances, sauf dans les périodes de petites escapades impromptues dans les environs.
J'ai inscrit « Sauve-Garde-Âme » aux Wattys 2018... on ne sait jamais !
On se revoit bientôt !
Gaïa;)
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