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Je suis devenue professionnelle de la position étoile de mer pour réfléchir. Je pratique cette activité partout. Sur mon lit, normal. Sur le sol de ma salle de bain, ok. Au milieu du salon, les parents commencent à trouver ça ennuyeux. A cet instant je suis également dans cette position, à côté du bocal de Philibert. C'est la seule âme qui me supporte depuis tout ce temps. Je ne dirai pas qu'il me comprend, mais il apprécie ma compagnie. Peut-être parce que c'est désormais moi qui lui donne tout ses repas. Matin, gouter de l'avant-midi , midi, gouter de l'après-midi et soir.

Mes professeurs m'envoient mes cours directement a la maison depuis 2 semaines et 3 jours. Je ne suis pas allée au lycée depuis 1 mois et 6 jours. Max ne m'as pas parlé depuis 1 mois et 27 jours. Je ne supportais plus son regard tout les jours au lycée. Je ne supporte plus son regard tout les soirs vers la fenêtre de mon escalier. Et pourtant, j'attend là tout les soirs, à l'heure où il rentre. J'attend dans l'espoir d'un signe. Rien qu'un signe, pour que cette monotonie s'arrête.

J'y suis là. Assise dans l'escalier, devant la fenêtre. Il est 17h52 et il passe dans la rue. Comme tout les jours. Sans un coup d'oeil. Il s'arrête devant sa porte et cherche ses clefs. Il les trouve dans la poche avant de son sac à dos, comme tout les jours. Il ouvre sa porte mais il ne rentre pas tout de suite. Il se retourne. Il regarde vers moi. Puis il rentre et referme derrière lui, comme tout les jours.

Que puis-je faire ? Je soupire. Mon dos rencontre les marches de l'escalier. Pourquoi ce regard tout les jours ? Pourquoi ce regard mais aucun autre signe ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi. Ne peut-il pas simplement m'envoyer un message me disant clairement ses intentions ? Ses raisons pour me demander de l'aide sont-elles si compliquées ? Je sens mon cerveau surchauffer une fois de plus, comme chaque jours à cause de ce regard.

- My name... is ! Anna. And your name is Philibert.

Woaw, ce magnifique accent anglais est fait pour bruler mes oreilles au troisième degré. Je descend quelques marches de l'escalier et entrevoie le mini monstre devant l'aquarium. Je continue de descendre.

- You don't know your name is Anaïs ? Not Anna : Anaïs.

Elle me regarde avec des yeux ronds, comme ceux d'un poisson mort. Mais qui serait vivant.

- Ça veut dire que tu t'appelles Anaïs pas Anna.

- Mais Anna c'est mieux en anglais.

- Tu n'es pas anglaise.

Ça y est. Elle boude. Ses joues se gonflent et rougissent avec ses oreilles. Elle sert les fesses, ce qui lui donne une démarche expérimentale. Et elle monte jusqu'à sa chambre, en prennant soin de me « bousculer » sur le chemin. Mais avec sa taille et son poids d'enfant ça ne marche pas aussi bien qu'elle le voudrait. Je me tourne vers Philibert, la seule figure amicale qu'il me reste, le seul lien social que je m'efforce de garder.

- Tu vois comme elle me traite ?

Je me retiens de rire en croyant déceler de la compassion dans ses yeux de poulpes. Il ne comprend même pas ce que je lui dis. J'envoie quand même un bisou volant à l'octopode. Je reste ainsi à avoir une discussion, à sens unique, avec notre animal de compagnie pendant un moment. Ce moment est le plus sociable que je vis depuis un bon mois.

Vr vr vrrrrrrr

Ah. Mon téléphone vibre. Je le retourne. « Charlotte » s'affiche à l'écran. Une discussion inutile à laquelle je ne prendrai pas part est désormais finie. Je repose mon téléphone dans sa position initiale. Quelques instants plus tard, il vibre de nouveau. Puis encore une fois, et d'autres encore. Il a bougé de 6,5 cm à cause, d'en tout, neuf vibrations. J'ai été ajouté à une conversation de groupe.

Une trentaine de minutes plus tard, plus aucune vibration. Je retourne délicatement mon téléphone pour voir un peu ce qu'il s'est dit. En observant les noms associés à ces messages non lus, je vois un numéro inconnu. C'est le seul que j'ouvre.

« Salut, appelles-moi ou viens. Fais ce que tu veux. Max »

Ok. Inspire. Expire. Inspiration... Expiration... Tu aspires puis tu envoies jusqu'au plafond. C'est bien Lys, continue come ça ne meurs pas par asphyxie. Ok. J'y vais ? J'y vais pas ? J'irai, juste pour lui montrer que je l'ai pas oublié. Non, je n'irai pas il va peut-être penser jenesaisquoi, je vais juste l'appeler. Ou alors je ne l'appelle pas ? Non non non et non. Je l'appelle demain en mode « Oh, désolée je n'avais pas vu ton message à cause de cette conversation de groupe. » C'est un peu trop cramé en fait. Au pire, ça fait... Je regarde l'heure du message puis l'heure actuelle. Ok, ça fait 17 minutes. Si j'attend environ une heure puis que je l'appelle, ça le fait. Je lance un minuteur de 56 minutes sur mon téléphone, comme ça je n'oublierais pas mais ça ne fera pas une heure précise qui me ferait démasquée.

Quand le minuteur me signale que je l'ai enclanché 56 minutes auparavant, je recommence mes inspirations suivies d'expirations puis je clique sur le bouton Appeler. Une première sonnerie retentit, puis une seconde suivie d'une troisième puis d'une quatrième. Quand la cinquième arrive j'ai perdu espoir. Le répondeur prend sa place. Je raccroche. Je soupire. Je balance mon téléphone au fond du canapé et recommence à y faire l'étoile de mer.

- Idiot.

- Tu as dit quelque chose ? cri Laurainne à travers la cuisine

Je lui réponds par un long « Nan » puis enfonce ma tête dans un oreiller. Ce Max est un vrai idiot.

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