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Un long soupir s'échappe de ce qu'il me semble être le fin fond de mes entrailles. Cela fait environ 30 minutes que les voisins sont rentrés chez eux, et une grosse heure que j'ai du m'expliquer avec le fils. D'ailleurs, maintenant je connais son nom : Maxence, mais apparemment on l'appelle Max. Je ne suis pas vraiment intéressée par sa vie, mais au moins je sais son nom complet.

Je laisse mon corps s'effondrer sur mon lit. Le tissus de la couette se froisse sous moi, je prend le temps d'apprécier cette sensation. Mon cerveau me rappelle que dans 30 minutes, si ce n'est plus, je vais devoir bouger. C'est comme une limace, ou un animal semblable, que je me glisse sous la couette.

Trois gros quart d'heure plus tard, mon horloge interne me tire de la somnolence. Je m'extirpe de mes draps et me redresse sur mes deux pieds. Le monde clignote à travers mes paupières, je finis par retomber sur mon lit défait. Je reste assise, affalée sur moi-même, les cinq minutes qu'il me faut pour revoir normalement. Une fois les alentours clairs, je me tourne vers le petit boitier qui me sert de réveil ; il indique que je suis "en retard". Mais je ne le suis pas, en réalité, parce que je m'en fiche de ce "rendez-vous". S'il m'attend, tant pis pour lui il n'avait qu'à me dire qu'il me parlerait au lycée.

Doucement, je réenfile une paire de chaussettes et un haut non-froissé. Puis je sors de ma chambre, je traverse le couloir en sautant tout les trois mètres. Quand j'arrive en haut de l'escalier, je l'aperçois qui regarde ma maison depuis sa chambre. C'est soupirante que je saute à nouveau jusqu'au placard à chaussures. J'enfile une paire de basket sans trop y prêter attention, je vérifie quand même que ce ne sont pas celles de Laurainne.

Je ne m'approche pas plus de la porte, le plancher grince fort dans ce coin. Il a dû trop prendre la pluie ou quelque chose comme ça. Je vérifie que mon téléphone est dans ma poche et que personne n'est dans les alentours. Un ronflement, étouffé par les murs, se fraye un chemin jusqu'à mes oreilles. Je me permet donc de croire que je peux sauter sans problème, ce que je fais sans attendre.

Je découvre une pièce au mur sombre, bleu marine certainement mais la lumière très jaune m'empêche de le définir. A ma gauche, une fenêtre. Ou plutôt la fenêtre par laquelle le voisin regardait ma maison il y a quelques minutes à peine. C'est étrange d'être de l'autre côté de la rue, de voir ma maison d'ici. Elle paraît plus grande, plus imposante. Elle me ferait presque peur si je ne savais pas qui elle abrite.

- Ta maison est vraiment ce qu'il y a de plus intéressant ici ?

Je me retourne. Mon voisin se trouve là, assis sur une chaise de bureau, face à moi. A cet instant précis, je sais qu'il n'a jamais été ce "gentil voisin qui ne dit rien". C'est juste un psychopathe.

- C'est la seule chose qui mérite de l'intérêt.

Une sorte de sourire étrange se forme sur son visage après ma réponse. Sous ses yeux, la peau remonte légèrement et se plisse. On dirait un dessin mal fait, un de ses filles qui reproduisent leur chanteur préféré sur des bouts de papiers.

- Tu veux pas me dire pourquoi je suis là sinon ?

Il ne me répond pas, j'attend quelques instants. Ma patience semble disparaître en sa présence, c'est étrange. Je finis donc rapidement d'attendre.

- Bin je repars alors, t'as rien d'autre à savoir que ce que je t'ai dit avant.

- Non tu restes.

Malgré moi, je ris jaune. Pourquoi ce taré qui n'a rien à me dire voudrait-il que je reste ? Il croit visiblement que je vais lui obéir. Comme je ne le connais pas cela doit être réciproque.

- Essaye d'être plus convainquant une prochaine fois.

Je vais vers la fenêtre, exaspérée de cet effort inutile que d'être venue. Dans ma grande sympathie, je lui offre de lever ma main au-dessus de mon épaule, pour lui dire au revoir. Je saute en arrivant devant la fenêtre.

Quand je rouvre les yeux, je n'ai étrangement pas bougé. Je sens une pression sur mon poignet. Je me retourne rapidement et jette un regard noir à ce qui me retient.

- Lâche-moi immédiatement.

Je le retiens de lui cracher au visage, car malgré tout je reste une personne polie.

- Je t'ai dit que tu restais, tu veux pas écouter ?

- Écouter quoi ? Le silence ? Non merci j'ai autre chose à faire. Dormir par exemple.

Je me jure intérieurement de me retenir de toutes sortes de méchanceté. Je crois que je vais briser une promesse aujourd'hui. Je bouge brutalement mon bras qu'il tient. Cet idiot ne lâche pas. Je recommence cinq ou six fois sans réussite. Je soupire bruyamment.

- Si tu veux parler fait le sinon ?

- Aide-moi.

Je reste sidérée. Ce mec ose me demander de l'aider alors dans cette situation ? Si la situation me le permettait j'aurai déjà explosé de rire. Au lieu de ça, je répond seulement avec ironie.

- Et t'aider à quoi, si c'est pas indiscret ?

- À fuir.

Décidément ce gars ne sait pas faire des phrases claires.

- Fuir quoi ?

- Ici.

J'ai réellement très fortement envie de lui envoyer ma main sur son visage.

- T'es assez grand pour le faire tout seul je crois.

Je retire enfin mon bras de son emprise et me dépêche de sauter jusqu'à chez moi. J'atterri directement sur mon lit. Je me laisse tomber dessus. Mon plafond est soudainement un centre d'intérêt passionnant. Je reste quelques heures ainsi sans dormir à cogiter sur ce qu'il vient de se passer. Je ne comprend décidément pas ce voisin.

Quand mon réveil sonne, j'ai dormi à peine une heure. Ce que je redoute maintenant le plus c'est de le croiser au lycée. Je prie pour qu'il m'ignore, comme toujours, comme avant. Mais je ne peux pas croire qu'il le fera. Alors je me prépare à partir, lentement, comme chaque jour. C'est la boule au ventre que je pars de chez moi un peu plus tard.

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