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Je me suis installée en tailleur au sol, entre les jambes d'Angel qui est lui-même assis au bord du lit, occupé à tracer une raie centrale dans mes cheveux à l'aide de mon peigne à queue.
J'ignore si c'est l'émotion de savoir que nous partons demain, pourtant, je n'ai pas réussi à le faire aujourd'hui. Il y avait toujours un côté plus gros que l'autre ou alors, le trait n'était droit. Enfin bref, un carnage.
Et comme l'idiote que je suis, j'ai demandé à mon colocataire de m'aider. Pour ma défense, j'étais au bord des larmes. Lorsque mes cheveux ne coopèrent pas, je deviens très émotive.
Je crois qu'en dépit de tout ce que nous avons trafiqué, c'est l'une des choses les plus intimes qui se soit passée entre lui et moi.
— Est-ce que tu as aussi fait un stage chez un coiffeur ? je m'enquiers, à moitié sérieuse. Peut-être avant, ou après celui à Foot Locker. Non, je demande parce que tu as l'air de savoir ce que tu fais.
Même si je ne peux pas me retourner afin de le regarder, je l'entends souffler du nez. Depuis le fameux épisode dans la ruelle des artistes, c'est ce qu'il m'offre de plus proche d'un rire.
— Je sais que tu es connue pour être une idiote mais il ne faut pas être doté de capacités hors du commun ou d'une expérience délirante pour réussir à séparer des cheveux en deux parts égales, assure Angel d'une voix monocorde.
Je lève les yeux au ciel, plus ou moins agacée.
— Pour une fois que je te fais un compliment, tu es encore obligé d'être un imbécile !
Angel me libère sans rien ajouter. Je vais dans la salle de bain en soupirant pour inspecter son travail.
Franchement, quelque part, ça m'agace que ce type sache tout bien faire !
Ravalant ma jalousie mal placée, je m'attelle à nouer mes cheveux en deux chignons bas. Une fois que je suis satisfaite du résultat, je retourne dans la chambre. Angel n'a pas bougé du matelas et il pose les yeux sur moi à l'instant où je franchis le seuil de la salle d'eau.
— J'ai une sœur, lâche-t-il sans rompre le contact visuel.
Je fronce les sourcils, perdue.
— Quoi ?
— Tu m'as demandé si j'avais fait un stage chez un coiffeur, reprend mon colocataire. La réponse est non. Mais j'ai une sœur, alors je suis habitué aux histoires de cheveux et tout ce qui va avec. Du moins, je l'étais.
Je ne peux que le fixer en retour. Des millions de questions me viennent en tête, comme par exemple, pourquoi est-ce qu'elle n'est jamais venue lui rendre visite dans l'appartement ou encore, pourquoi il n'avait jamais parlé d'elle avant.
Je conçois, nous n'étions pas les meilleurs amis du monde mais il aurait pu la mentionner au détour d'une conversation pleines d'insultes. Je lui ai parlé de Diego après tout -dans un contexte un peu discutable mais quand même !-.
Pourtant, s'il y a bien une chose que je sais de lui, c'est qu'il est capable de se refermer en deux secondes. C'est pourquoi, j'opte pour une pointe d'humour. Comme toujours.
— Si tu me dis que tes parents l'ont nommée Angelina, je me casse le crâne, lancé-je.
Mon colocataire secoue la tête d'un air consterné, toutefois, un nouveau soufflement du nez lui échappe.
— Elle s'appelle Lia, avoue-t-il après un court silence.
Lia De Los Santos.
J'aurais bien été la rechercher sur les réseaux sociaux mais si elle est aussi secrète que son frère, ça ne m'avancera pas à grand chose.
— Je parie que tu es l'aîné, malgré moi, ma voix est bien moins confiante que tout à l'heure. Tu as tout à fait une attitude d'aîné. Tu sais, être chiant, pas très drôle, toujours sur les nerfs, très...
— Oui, je confirme, je suis l'aîné, Angel m'interrompt avant que je ne puisse déballer d'autres charmants adjectifs à son sujet.
Prise d'un élan, je lui tapote la tête pour seule réponse. Il a attaché un bandana rouge sur ses cheveux et le bas de ses mèches brunes lui caresse joliment la nuque.
Comme à son habitude, il est bien trop beau pour être réel.
— Ne refais plus jamais ça, articule-t-il toutefois.
Je secoue la tête d'un air penaud, espérant masquer la surprise que je ressens moi-même après un tel geste audacieux.
— Oh ça va, De Los Santos, roucoulé-je. Tu as toi-aussi joué dans mes cheveux. Tu sais l'égalité homme/femme et tout le tralala.
— Tu m'as pratiquement supplié de t'aider.
Bon, un point pour lui.
J'enfile mes chaussures ouvertes.
— J'ai envie de te dire que nous ne sommes plus à ça près, non ? lancé-je ensuite.
Il fronce les sourcils. À vrai dire, je suis étonnée d'avoir lâché cette phrase avec tant de sérénité, moi qui adore faire comme s'il ne se tramait jamais rien entre lui et moi.
Mais je suis de bonne humeur. C'est mon dernier jour au Mexique et je le passe aux côtés d'un homme que je n'aurais pu imaginer seulement dans mes rêves. Même si c'est le plus gros connard du monde.
Nous n'avons pas de programme particulier aujourd'hui, cependant, je ne m'en fais pas. Il y a des choses intéressantes à faire à tous les coins de rue dans ce magnifique pays.
Du moins, pour moi, une jeune adulte intenable et quelque peu immature sur les bords.
Une fois dans la chaleur estivale mexicaine, je fais un tour sur moi-même. Le glaçon qui marche à mes côtés ne relève pas mon soupir théâtral. Cet endroit va vachement me manquer.
Nous arpentons les rues durant toute la matinée. Je saoule Angel en rentrant dans chaque épicerie devant laquelle nous passons. Pour cause, mon idée de ramener une bouteille de tequila a persisté jusqu'à maintenant et lorsque je la mène enfin à bien, je la range dans mon sac à dos, tout sourire.
Il est quatorze heures et quelques. Mon estomac me le signale vivement. Si bien que mon colocataire finit par me montrer l'écran de son téléphone.
Il est allumé sur la page Google d'un restaurant qui a l'air vraiment sympa. Enfin, sympa s'il ne se trouvait pas à une heure d'ici.
— Je suis assez étonnée que tu aies pris cette initiative mais je ne possède pas le quart des capacités de Jésus Christ, assuré-je. Si je marche encore trente minutes dans cet état, tu vas rentrer dans ce resto avec mon putain de cadavre !
Angel souffle du nez puis pointe le vélo électrique situé à quelques mètres de nous. Face à mon froncement de sourcils, il s'abaisse à ma hauteur.
— Je sais que tu es une grosse feignasse mais je ne pensais pas que tu avais aussi peur de monter à vélo.., souffle-t-il de son ton plat si exaspérant.
Je suis consciente qu'il me provoque pour obtenir ce qu'il veut. Cette technique est vieille comme le monde. Pourtant, mon aversion pour lui et son arrogance l'est aussi. Je plisse les yeux.
— Combien de temps ça prend sur des roulettes ? lâché-je.
— Vingt-cinq minutes.
Mon colocataire lit sa victoire dans mon regard car je n'ai même pas le temps de vraiment réaliser qu'il n'y a qu'un seul vélo et que nous sommes deux. Il a déjà entré ses coordonnées de paiement.
— Si nous arrivons en moins de trente minutes, je ne serais pas débité, Angel me tire sans vergogne. Dépêche-toi de monter, Henson.
Monter où ? Sur sa tête ?
Comme je le fixe avec incompréhension, le jeune homme soupire lourdement, s'assoit sur la selle puis m'invite à placer mes pieds des deux côtés de la roue arrière.
Bien, Monsieur s'attend à ce que je me tienne debout sur ce putain de truc avec pour seule assurance vie ma prise sur ses épaules ?
La blague de l'année.
— Alors là, je pense que tu rêves ! j'assène avec véhémence. Pourquoi est-ce que je ne peux pas pédaler ?
Angel se masse l'arête du nez.
— On risquerait d'arriver là-bas demain et je perdrais au moins un milliard de dollars.
Je croise les bras sur ma poitrine.
— Il fallait y penser avant, Monsieur Elon Musk, j'ironise. Quoique, j'avoue que ce serait dommage que tu n'aies plus d'argent pour rentrer dans ton pays !
Vu son expression sombre, mes blagues douteuses à propos de ses origines ne lui avaient pas manqué.
— Si tu ne montes pas sur ce putain de vélo, je te laisse en plan ici et tu te débrouilleras toute seule avec ta faim.
Son ton implacable -et le fait que je le connaisse plutôt bien maintenant, lui et ses tendances psychopathes- m'assure qu'il ne ment pas. Je lorgne une dernière fois notre bolide insolite.
Sincèrement, ça pourrait être marrant. Et je ne suis plus à une connerie près.
Je soupire un grand coup, histoire qu'il comprenne à quel point je le déteste, puis finis par obéir. J'ai à peine le temps de trouver mon équilibre que cet enfoiré commence à pédaler. Même si la piste cyclable est assez large, chaque voiture qui passe à côté de nous m'effraie.
— Ralentis, connard ! ne puis-je m'empêcher de crier.
Pour seule réponse, Angel accélère un peu plus. Je resserre ma prise sur ses épaules en grimaçant. Le vent me fouette le visage. Le paysage urbain défile.
Au bout de plusieurs minutes qui me semblent interminables, je parviens à me détendre. J'arrête de me concentrer sur mes pieds afin de conserver mon équilibre.
C'est dément !
Je ne pensais pas qu'un rabat-joie comme Angel aurait pu avoir une idée aussi amusante.
Pour des raisons évidentes, je ne lui avouerais pas à quel point je prends mon pied mais un petit sourire se peint sur mon visage.
Ça.
Ça, c'est la liberté.
Une fois que nous arrivons au fameux restaurant -dans les temps en plus, assez impressionnant-, je détaille mon colocataire pendant qu'il demande à l'un des serveurs une table pour deux.
Ce mec appartient à une autre planète. Il devrait suer comme un porc après avoir pédalé sous un soleil aussi chaud. Pourtant non, Monsieur semble aussi frais qu'avant cette petite escapade. Moi, je dois avoir la tête d'une folle avec le vent que je me suis pris en pleine gueule et tout le reste.
Lorsque nous nous asseyons finalement sur la terrasse, je tire légèrement sur mes cheveux, histoire de redonner une forme acceptable à mes deux chignons.
— Ça va mes baby hairs ? je demande en essayant d'apercevoir mon reflet dans le dos de la cuillère.
— Je suis certain que ce serait plus facile avec la caméra de ton téléphone, Angel me reluque comme si j'étais la plus grande demeurée de la terre. Mais oui ça va. Tu n'es pas plus horrible que tu ne l'étais avant de partir.
Le téléphone, putain, pourquoi je n'y ai pas pensé ? C'est tout de suite plus pratique qu'un stupide couvert.
— Ah ah ah, très drôle, ironisé-je après avoir ouvert l'application Appareil Photo.
Je vérifie la décence de ma coiffure puis me surprends à appuyer sur le bouton qui permet de retourner la caméra. Mon colocataire fronce les sourcils au moment où un petit Clic retentit. J'ouvre de grands yeux, horrifiée.
Bien sûr, ce portable à la con n'était pas sur silencieux.
— Est-ce que tu viens de me prendre en photo, là ? m'interroge Angel avec un sérieux terrifiant.
Je mobilise mes cours de théâtre du collège. Je crois que c'est la chose la plus rentable que j'ai entrepris durant ma vie.
— Quoi ? Bien sûr que non ! Pourquoi est-ce que j'infligerai ta sale gueule à mon téléphone ? Il risquerait de refuser de s'allumer à nouveau après un tel traumatisme.
Pour appuyer mes propos, je fais mine de vomir. Comme d'habitude, ce connard n'est pas sensible à ma comédie. Il se contente d'approcher sa grande main de mon portable.
Sans réfléchir, je le devance et glisse l'appareil dans mon soutien-gorge. Je ne sais pas comment il arrive à y rester au vu de la taille risible de mes nichons mais pour le coup, ça fonctionne.
À en juger par l'expression d'Angel, il n'avait jamais eu l'occasion de faire face à quelqu'un d'aussi barré que moi. Quoique le connaissant, il utiliserait plutôt le terme "idiote".
— Si tu n'as rien à te reprocher, est-ce que je peux savoir pourquoi tu viens de faire ça ?
Passée la surprise, son ton plat caractéristique et son bon sens astronomique reviennent au galop. J'évite sa question en me saisissant de la carte du menu et en la levant entre nous. Angel souffle du nez -cette fois-ci, c'est totalement négatif-, cependant, il n'ajoute rien.
Pour être honnête, je ne comprends pas grand-chose à ce que je lis.
Oui, j'ai pris une photo de lui.
Pourquoi ? Je n'en sais fichtrement rien.
Je ne l'ai aperçue que furtivement avant de devoir mettre mon téléphone à "l'abri", toutefois, c'était suffisant pour voir que cet enfoiré est magnifique dessus. En dépit de son air si renfermé, de son désintérêt pour le monde entier, il est magnifique.
Son naturel se compose de tout ceci et n'en ressort que plus époustouflant encore.
Je me gifle mentalement. Je raconte n'importe quoi.
Angel est beau. Certes, je le sais depuis le début. C'est un super bon coup. Ok, pourquoi pas.
Par ailleurs, ça ne m'octroie pas le droit de commencer à fabuler à propos de lui, de sa beauté ou de je-ne-sais quelle autre connerie à son sujet.
Je suis en couple, bordel !
Oh mon dieu, je suis en couple.
Je parle tous les jours à Logan mais je fais tellement d'autres trucs ensuite -je ne nommerai pas ces activités pour des raisons de pudeur- que nos conversations ressemblent plus à un rêve lucide.
J'ai dû mal à réaliser l'existence des gens lorsqu'ils ne sont pas physiquement présents dans ma vie. Je pourrais passer des mois entiers sans prendre des nouvelles de mes propres parents.
Un jour, il m'a même appelée alors que j'étais "occupée" avec Angel et j'ai laissé sonner comme l'horrible connasse que je suis, prétextant une sortie avec la voisine au moment où je l'ai rappelé.
Putain. Qu'est-ce que je fous ?
— Euh Madame, avez-vous décidé de ce que vous alliez commander ?
La voix du serveur me sort brusquement de mes pensées. Je me fracasse au regard apathique d'Angel. Il s'est mollement appuyé contre le dossier de sa chaise et me reluque.
Ce gros con n'a pas pris la peine de me prévenir que j'étais dans la Lune. Je le fusille du regard puis me tourne vers le serveur avec un sourire gêné. Ce n'est qu'ensuite que je réalise qu'il s'est adressé à moi en anglais.
Je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil interloqué en direction de mon colocataire. Ce dernier hausse les épaules, l'ombre d'un sourire pendu aux lèvres.
— Hum, je me racle la gorge, je pense que je vais prendre le plat d'enchiladas au bœuf haché avec un Coca Cherry.
Il acquiesce, écrit ma commande puis se retire après un sourire poli.
— Est-ce qu'on empeste le capitalisme et l'American Dream à des kilomètres ? ne puis-je m'empêcher de demander à mon collègue improbable.
Angel rapproche sa chaise avant de se pencher au-dessus de la table avec son air si sérieux. Je m'attends presque à ce qu'il me révèle un secret d'état alors j'en fais de même.
— Ce charmant serveur est en fait.., commence-t-il doucement, assez compétent pour t'avoir entendue raconter des conneries depuis que nous sommes arrivés ici et pour en avoir déduit que nous parlions anglais. Parce qu'entre nous, Henson, avec nos deux têtes d'immigrés, on ressemble plus aux survivants d'une mission humanitaire.
Je comptais d'abord l'invectiver parce qu'il m'a fait croire à tort qu'il s'apprêtait à dire quelque chose de concret, cependant, je ne m'attendais pas du tout à la fin de sa phrase. Le fait qu'il débite ça avec un visage totalement impassible la rend encore plus tordue.
Je plaque ma main sur ma bouche, juste au bon moment pour étouffer mon violent éclat de rire. Après quoi, l'hilarité devient si pesante que je suis obligée d'enfouir mon visage dans mes mains afin de me retenir de faire toute autre chose excessive, comme par exemple taper dans mes mains ou me mettre à courir.
Quand je parviens enfin à reprendre mon souffle, Angel me dévisage comme s'il ne venait pas de sortir la plus grosse connerie de l'année.
— Oh allez, tu veux me dire que tu es même insensible à tes propres blagues ? m'esclaffé-je.
— Ce n'était pas censée être une blague, réplique-t-il calmement.
Je claque ma langue sur mon palais.
— Monsieur De Los Santos est trop mature pour faire de l'humour. Parfois, je me demande vraiment ce que tu as d'autre pour toi si ce n'est une belle gueule.
Oula, j'espère qu'il ne va pas le prendre au premier degré. Et qu'il ne va pas relever le fait que j'ai dit qu'il avait une "belle gueule". Bon, j'imagine qu'après tout ce qu'on a trafiqué, il sait que je le trouve très beau même si je n'en ai pas le droit.
Angel ouvre la bouche pour répliquer mais je le coupe immédiatement. Je n'ai pas envie de gâcher notre dernière journée ici et je sais que ce type n'a aucune notion de la retenue. J'enchaîne donc avec la première chose sur laquelle mes yeux se posent.
— Tu ne m'as jamais dit si tous ces tatouages t'avaient coûté cher, m'empressé-je de continuer. J'ai toujours hésité à m'en faire un et comme tu as pu le constater, je n'ai pas pris de bière pour accompagner mon repas, Angel hausse les sourcils. Et vu que tu te le demandes, la corrélation entre ces deux événements, c'est que du coup je dois compenser en faisant quelque chose de stupide. On part demain et moi, Sativa Henson, je vais me faire tatouer après le repas !
Autant, il est resté de marbre après sa formidable blague-qui-n'en-était-pas-une, mais là, il lâche un petit gloussement moqueur.
Qu'est-ce que je disais ? Ce psychopathe ne montre d'émotions humaines que pour le négatif.
— Tu n'aurais pas les couilles, assène Angel.
— Vraiment ? Parce que tu me crois moins courageuse que toi et tes deux milles tatouages ?
Mon colocataire dodeline de la tête.
— À vrai dire, si je devais citer toutes les choses dans lesquelles je me sais meilleur que toi, nous en aurions pour des jours.
Du coin de l'œil, je vois le serveur arriver avec nos plats. Avant qu'il n'atteigne notre table, je me penche à nouveau par-dessus cette dernière.
— Dès qu'on a fini ici, je te prouve que tu as tort, articulé-je, enfoiré de misogyne.
Angel ricane.
— J'attends de voir ça, Henson.
***
Je tiens ma promesse.
Nous sommes actuellement dans le salon de tatouages dont l'Instagram m'a le plus convaincue. J'ai été surprise de constater que le gérant -et tatoueur- maîtrise lui-aussi l'anglais.
À croire que c'est notre journée "Comme à la Maison".
Je lorgne un instant les aiguilles, les dessins et tous les trucs très "Punk" qui tapissent la pièce. En croisant le regard indolent d'Angel, je roule des yeux.
Cet idiot est encore convaincu que je vais me dégonfler.
— Si j'ai bien compris, seule Madame souhaite se faire tatouer, c'est bien ça ? demande le monsieur avec un fort accent.
— C'est ça, je détache chaque syllabe tout en fixant mon colocataire. Madame souhaite se faire tatouer.
— Je remarque que votre copain y est déjà passé. Surprenant que cela vous ait pris autant de temps.
Mon colocataire et moi grimaçons au même moment. Bien sûr, fallait que quelqu'un la fasse celle-là, sinon ce ne serait pas assez cliché, hein.
— Ce n'est pas mon copain ! m'esclaffé-je. D'ailleurs, est-ce qu'il peut attendre dans l'autre salle ?
Je gratifie Angel d'un sourire narquois mais le sien me surprend.
— Elle dit ça uniquement parce qu'elle serait susceptible de vouloir tenir ma main afin de supporter la douleur, glisse-t-il ensuite au tatoueur.
Ce genre de phrase débile ne lui ressemble pas, toutefois, elle parvient à me vexer.
— N'importe quoi ! je lève les yeux au ciel. Simplement, je n'ai pas envie de devoir supporter ta présence et je n'ai pas non plus envie de me retrouver à moitié à poil dans une pièce avec deux hommes, je me tourne vers le tatoueur, sans vouloir vous offenser bien sûr. Je vous fais un minimum confiance sinon je ne serais pas ici.
Il se contente de hocher la tête, manifestement amusé que nous lavions nos linges sales en public de cette manière.
Angel se gratte le sourcil gauche d'un air faussement embêté.
— Pour ma part, ce ne serait rien que je n'ai pas encore vu. Cependant, les désirs de Madame sont des ordres.
Mon colocataire sort de la pièce alors que je réalise ce qu'il vient de dire. À travers la vitre qui sépare les deux pièces, je lui adresse un doigt d'honneur auquel il répond avec un rictus ironique avant de disparaître plus loin dans la salle.
Je me souviens soudainement de la présence du tatoueur et m'excuse de notre comportement risible. Comme il semble avoir à peu près notre âge, il rit à nouveau puis me demande si je suis prête.
J'acquiesce, enlève mon tee-shirt afin de lui montrer l'endroit où je voudrais me tatouer. Ça me prend à peu près cinq minutes pour confirmer ce que je veux comme police d'écriture.
Tandis que je m'allonge sur le siège et que je grimace à cause de la piqûre de l'aiguille, je fixe la porte.
Une part de moi aurait aimé lui tenir la main.
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