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Je fais de mon mieux pour ne pas trop gigoter dans le lit. Mais ça fait bientôt une demi-heure que j'essaie de dormir et je n'y arrive pas.
Depuis que nous sommes rentrés de la plage, nous n'avons pas échangé un mot. Il m'a ignorée avec brio alors j'en ai fait de même.
À vrai dire, je n'ai pas envie de lui adresser la parole. Je suis toujours sonnée. Mon esprit refuse d'assimiler ce qui s'est passé et il refuse encore plus d'assimiler la facilité avec laquelle cela s'est fait.
Angel De Los Santos m'a touchée, bordel de merde.
Il m'a touchée dans l'eau, en public, là où tous auraient pu nous surprendre. Et le pire, c'est que j'ai adoré ça.
Je suis cinglée.
Le cannabis est redescendu depuis une bonne heure. Depuis le moment où j'ai pris ma douche. J'ai frotté mon corps avec acharnement, souhaitant enlever toute cette impureté, toute cette faiblesse, toute cette fierté qui m'a amenée à laisser mon ennemi mortel m'effleurer.
Ce n'est pas normal. Toute cette histoire n'est pas normale. Je ne suis pas normale. Il y a quelque chose qui cloche tout là-haut, et c'est beaucoup plus grave que ce que je pensais.
Je ne peux plus me contenter d'accuser l'alcool ou la drogue.
Je suis cinglée.
Je change de position pour la millième fois. Dormir à côté de lui est un supplice. Son dos me rappelle sans cesse que j'ai fait n'importe quoi.
Logan.
Logan.
— Tu ne crois pas qu'on devrait discuter de ce qui s'est passé ? je chuchote après une longue hésitation.
J'ignore s'il dort. Pour être tout à fait honnête, j'espère qu'il dort. J'ai embrayé cette conversation par principe mais je n'ai aucune envie qu'elle ait lieu.
Ma question se heurte au silence. Angel ne bouge pas. Il doit sûrement dormir.
Tant mieux.
Je me mords la lèvre inférieure puis me retourne vers le rideau de la baie vitrée.
Endors-toi, Sativa. Ça vaut mieux. Tu as fait assez de bêtises comme ça.
— Est-ce que tu étais consentante ? sa voix me pousse à rouvrir les yeux.
Par réflexe, je me retourne à nouveau, croyant qu'il a bougé. Pourtant, je rencontre son dos, comme tout à l'heure-là.
— Euh oui.., bafouillé-je. Enfin, je veux dire que c'est un peu étrange à dire parce que je n'aurais jamais pensé qu'on puisse.., enfin que...
— Est-ce que tu t'imagines plus ? il m'interrompt sans vergogne.
— Quoi ? je m'étrangle presque. Bien sûr que non ! C'était déjà une connerie, alors jamais !
— Il n'y a donc rien à dire de plus.
Et il ne rajoute rien non plus.
Ne me dites pas qu'il a décidé de couper court à la conservation. Je n'en ai pas fini avec lui. Déterminée, je lui tire l'épaule pour le contraindre à me regarder.
Angel se laisse faire et bientôt, ses yeux bruns se fracassent aux miens.
— Tu crois que c'est tout ? répliqué-je. Tu crois que tu peux te permettre de faire ça et d'agir comme un connard ensuite ? Est-ce que tu te rends compte de ce que tu pourrais me faire perdre à cause de tes conneries ? Logan me fait...
— Logan ?
— Le gars de la boîte, je roule des yeux. Il me fait confiance et je lui ai dit que je ne ferai pas de bêtises.
Le ricanement froid de mon colocataire me surprend. Il se redresse, me forçant à en faire de même.
— Mes conneries ? surenchérit Angel. Tu oublies vite ce que tu fais, Sativa Henson. Tu étais à deux doigts de me supplier de te toucher.
Je manque de m'étouffer avec ma salive et le fusille du regard.
— Tu prends tes rêves pour des réalités, enfoiré ! craché-je en retour.
— Oh, vraiment ? il se redresse un peu plus, me dépassant de plusieurs centimètres. Dois-je te rappeler comme tu as insisté après que je me sois écarté ? Je te l'ai déjà dit, Henson, tu es une pauvre fille qui se rue aux pieds de ceux qui lui accordent de l'attention, et j'ai fait l'erreur de te laisser penser que je t'en donnais.
Ma main part toute seule à la rencontre de sa joue. Le bruit de la gifle retentit de manière assourdissante dans le silence de la chambre.
J'ouvre de grands yeux, choquée de mon geste. Angel n'a pas bougé. Ses yeux se posent sur mon visage avant de dériver derrière moi. Il refuse de me regarder.
La panique m'étouffe, la culpabilité la suivant de près.
Il le mérite. Bien sûr qu'il le mérite, je n'ai pas à m'en vouloir de l'avoir remis à sa place.
— Je suis désolée, je...
Pourquoi est-ce que je m'excuse ? Il a dépassé les bornes comme toujours. Il m'a fait me sentir bafouée, facile.
Stupide.
Il m'a touchée intimement avant de se foutre de moi.
Idiote.
— Je ne voulais pas.., je m'embrouille avec mes mots. Enfin, je voulais... C'est à dire que je...
Pourquoi est-ce que j'essaie de me justifier auprès de lui ? Et pourquoi est-ce qu'il ne dit toujours rien ?
Angel finit par reporter son attention sur moi. Ce que je lis dans son regard me tétanise.
Il va me tuer. Et cette fois-ci, ce n'est pas une blague. La colère danse dans ses yeux. Je n'en avais jamais vue de pareille.
Instinctivement, je recule sur le matelas au moment où il se lève.
Il va me faire du mal. Il va m'étrangler, me fendre en deux.
Idiote.
— Ne t'avises jamais, le ton de sa voix me fait tressaillir, et je dis bien jamais, de refaire ce que tu viens de faire.
Angel quitte la pièce tandis que je demeure figée sur place. La porte de la chambre claque avec fracas et je sursaute.
Pourquoi est-ce qu'il faut toujours que nos conversations prennent un tournant aussi extrême ?
Je secoue plusieurs fois la tête avant de prendre conscience des petits tremblements qui agitent mon corps. Je n'avais pas réalisé que j'étais aussi tendue.
D'un geste maladroit, je me recouche et serre les yeux.
Est-ce qu'il reviendra ? Est-ce qu'il passera la nuit dehors ?
Après tout, c'est ce que je voulais. Qu'il s'en aille. Alors pourquoi est-ce que je ressens cette détresse dégoûtante ?
Parce qu'il t'a fait peur, Sativa. Parce que tu l'as laissé t'effleurer et qu'il t'a fait comprendre que tu étais répugnante. Insignifiante. Il te déteste.
Je me tape plusieurs fois le front, dans l'espoir de faire taire mes pensées. Je m'en fiche.
Angel ne m'a pas fait peur. Je m'en fiche de lui. Je m'en fiche de ce qu'il a dit. Je ne l'ai giflé que par ego. Son avis est sans intérêt.
Ce que je l'ai laissé faire était une erreur. J'apprécie Logan. Il n'y a que Logan qui compte.
Logan.
Logan.
Monsieur De Los Santos n'a qu'à aller crever quelque part. J'espère qu'il ne reviendra jamais.
Le lendemain, je triture sans conviction les œufs dans mon assiette. C'est la première fois depuis notre arrivée que j'assiste au petit-déjeuner. À vrai dire, la quantité de choix et de nourriture est assez impressionnante. Mais j'ai l'estomac noué. Déjà qu'habituellement, je ne mange pas beaucoup le matin, là je n'arrive pas à avaler quoique ce soit.
Mes voisins d'immeuble m'ont tous questionnée à propos d'Angel. Je n'ai pu que leur répondre qu'il était parti tôt et que j'ignorais où il avait été. Je n'ai bien sûr pas mentionné notre discussion d'hier, ni le fait que je l'ai giflé.
Cette histoire est débile. Je n'ai pas à me sentir mal de l'avoir fait taire. Ce type se permet de parler n'importe comment aux gens. De plus, j'ai une colère très impulsive, je me suis déjà suffisamment maîtrisée depuis le début de notre colocation.
J'espère qu'il ne reviendra jamais.
J'ai bien mieux dormi sans lui à côté de moi. J'ai pu pleinement profiter de l'immensité du lit ainsi que de la chaleur des couvertures.
Après m'être forcée à manger le contenu de mon assiette -ma mère m'a appris à ne pas gaspiller-, je m'excuse auprès des autres puis remonte dans la chambre. Je la trouve aussi vide que lorsque je l'ai quittée. L'écran de mon téléphone m'indique qu'il est bientôt dix heures.
Je remarque aussi un message de Logan, me demandant si tout se passe bien. Cette énième preuve de bonté me serre les tripes. Je ne mérite déjà pas qu'il s'intéresse à moi mais en plus, je me permets de faire n'importe quoi. Qui plus est avec quelqu'un qui n'en vaut pas la peine et dont je n'en ai rien à faire.
Dans le couloir, j'ai aperçu la femme de ménage à quelques chambres de la mienne. Afin de lui laisser le champ libre au moment de son passage, je fonce sous la douche dans l'optique de sortir faire un tour ensuite.
J'ai toujours l'étrange sensation de planer alors que tout le cannabis a déjà déserté mon système. Ça m'arrive parfois de totalement déconnecter. Dans ces moments, mon corps agit tout seul tandis que mon esprit déserte, à peine conscient de ce qui se passe autour de moi.
C'est sûrement pour cette raison que ma brosse à dents m'échappe des mains quand je la saisis. Je jure plusieurs fois, me frottant le visage dans l'espoir de retomber sur terre.
Tout ceci était une mauvaise idée. Ce voyage. Cette colocation. L'alcool. La drogue. Cette illusion de contrôle et de confiance en soi.
Je ne suis pas cette fille. Je ne serai jamais cette fille. Je suis juste complètement paumée et à la dérive. Je ne sais même pas m'accrocher à ce qui m'arrive de bien.
Logan.
Logan.
En quittant la salle de bain, j'hésite à l'appeler. Pourtant, je finis par ne pas le faire et réponds à son message en assurant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je fixe mon clavier à l'instant où je surprends mes doigts en train d'écrire "Tu me manques.".
Je ne lui ai jamais dit cela. Je n'ai jamais dit cela à quiconque si ce n'est à Diego.
Je ne sais même pas si je le pense. Mais j'ai besoin d'une attache. Alors j'envoie ce putain de message avant de verrouiller immédiatement mon portable.
La minute d'après, je ferme aussi la porte de ma chambre, adresse un signe de tête à la femme de ménage en guise de bonjour et descends dans le hall de l'hôtel dans un brouillard total. Madame Herrero n'a pas mentionné un quelconque programme ou endroit pour aujourd'hui, certainement car elle a constaté l'absence d'Angel.
Tant mieux. Sa dernière recommandation nous a menés au désastre. Pas que ce soit de sa faute si je suis incapable de refuser la défonce ou encore de me comporter de manière mature, mais tout de même.
Comme je n'ai regardé aucune destination précise où aller et que je n'ai pas envie de payer un moyen de transport -bus ou taxi-, je décide de me diriger à pied vers la plage. À cette heure-ci, il n'y a que quelques personnes d'âge mûr, occupées à faire des longueurs ou à lire sur le sable.
Je ferme les yeux quelques secondes, profitant du calme de la mer.
Je suis au Mexique. Je n'ai pas le droit de me sentir comme ça. Je n'ai pas le droit de me noyer sans raison. Je suis heureuse. Loin de mes parents, délivrée de mon quotidien étrange. Libre.
Cependant, comme une ironie du sort, je reçois un appel vidéo de ma mère à ce moment précis. Je choisis de ne pas regarder si Logan m'a répondu et décroche après une inspiration.
— Ma chérie, le reproche dans la voix de ma mère me fait soupirer d'avance, je commençais à croire que tu m'ignorais.
Pour être honnête, c'est à peu près ce que je faisais. Je n'ai répondu que très vaguement aux messages qu'elle m'a envoyé depuis l'atterrissage. Parce que je sais que lui parler ça veut aussi dire se reconnecter à ma vie de merde.
— Non pas du tout, affirmé-je à la place. J'ai juste été un peu occupée avec les visites et tout. Ma voisine, celle qui a organisé le voyage, a eu beaucoup d'endroits à nous montrer. Hier, nous avons été dans une rue d'artistes. C'était génial.
Je tente de lui sourire le plus honnêtement possible. J'ai surtout été occupée à être défoncée. Mais je pense qu'il est préférable de ne pas le mentionner. Après tout, ce n'est pas comme si j'avais menti.
— Je suis contente que tu apprécies ton voyage, ma mère me sourit en retour. Je sais que ça n'a pas été simple pour toi d'y prendre part.
Bien sûr, vu qu'elle ne m'a pas grandement aidée face à mon honorable géniteur. Je ravale ma rancœur et lui propose de lui montrer la plage, histoire que je n'ai pas à faire la conversation. Sans surprise, ma mère est ravie. J'appuie sur le bouton pour retourner la caméra puis cadre doucement la mer.
Voir son visage s'illuminer à la vision des flots me réchauffe le cœur malgré moi. J'ai beau être en colère contre mes parents, je me souviens encore de la douceur de notre relation à l'époque de l'enfance. De plus, je sais que son île lui manque. La plage lui rappelle sans doute celles de chez elle.
Mon bras se fige à l'instant où j'aperçois une chevelure connue. Elle se détache du vert des feuilles de l'arbre qui l'abrite. Le voilà donc. Merde, moi qui pensais qu'il avait fui le pays.
— Hum, je m'humecte les lèvres. Je dois te laisser Maman, mon colocataire m'appelle.
Un mensonge de plus. Je retourne la caméra pour montrer mon visage.
— Oh, ton colocataire, elle paraît hésiter. Est-ce que tout se passe bien avec lui ?
Je sais qu'elle rêve que je lui dise le contraire. Elle pourrait ainsi me demander de rentrer à la maison, d'abandonner ce projet. Mais il me reste un peu moins de trois mois à tenir. Je ne donnerai pas à mon père le plaisir d'avoir raison.
— Oui, assuré-je. Tout se passe bien. Je pense que je vais aller le retrouver, ma voix devient plus basse. Il peut devenir assez insupportable lorsqu'on ne fait pas ce qu'il veut.
En dépit de mon ton blagueur, je suis en train de lui compter une vérité. Mes talents de théâtre sont encore meilleurs que ce que je pensais car ma mère hoche la tête puis raccroche. Après quoi, je range mon téléphone dans ma poche et prends une profonde inspiration.
Je devrais le laisser tranquille. Ignorer l'irrépressible envie d'aller m'asseoir auprès de lui pour lui réclamer des explications. Je m'en fiche, et en plus, je risque de me prendre une droite dans le processus.
Par ailleurs, si je tiens à cohabiter avec lui durant ce voyage -je doute que Monsieur De Los Santos dorme toutes les nuits dehors- et à notre retour aux États-Unis -en supposant que je n'ai pas réussi à le dégager d'ici-là-, il faut que je crève l'abcès.
Je suis toujours incertaine de mon choix quand je m'engage sur le sable. J'ai encore dix bons mètres pour me défiler.
Fais demi-tour, Sativa Henson, tu ne récolteras rien à discuter avec un enfoiré de son genre.
Pourtant, je me surprends à me planter devant lui. À cette distance, je peux constater les écouteurs vissés dans ses oreilles. Angel relève les yeux vers moi. Si je m'attendais à une expression pleine de colère ou de mépris, je n'ai rien de tout cela.
Il semble encore plus effacé qu'avant. Son visage ne trahit rien, ni surprise, ni ressentiment, ni rien. À vrai dire, c'est assez effrayant.
— Madame Herrero et les autres ont demandé pour toi, dis-je d'entrée. Tu ferais mieux d'aller les rassurer au lieu de jouer au naufragé torturé.
Mon colocataire rompt notre contact visuel sans répondre puis se concentre à nouveau sur les vagues derrière moi.
Bien. Il veut jouer à ça.
Sans réfléchir, je me penche vers le téléphone déposé auprès de lui et tapote sur l'écran afin de mettre pause à sa musique.
"Nocturne op.9 No. 2" de Chopin.
Putain, je rêve, on est dans un film ou quoi ? Je veux bien que Monsieur soit un artiste mais de là à se poser sur la plage en écoutant du piano, c'est un peu trop pour moi.
Angel me laisse faire sans réagir. Sa passivité est aussi déroutante qu'énervante. Sans compter qu'elle est très dangereuse. Qui sait à quel moment il risque d'exploser ?
— Les voisins s'inquiétaient pour toi, je répète plus durement. Personne ne savait où tu avais été te terrer et j'ai dû raconter des bobards pour couvrir ta lâcheté.
Je doute sincèrement que ce soit la bonne approche, surtout qu'en soit, je suis autant en tort que lui dans cette stupide histoire qui n'a pas lieu d'être.
Le jeune homme finit par enlever ses écouteurs. Ses gestes sont lents, presque menaçants. Au moment où il plonge à nouveau son regard dans le mien, je résiste à l'envie de faire deux pas en arrière.
Je sais déjà que jouer à la plus confiante avec lui ne mène à rien, pourtant, je m'évertue à le faire. Il peut faire éclater mon masque en quelques mots.
— Je fais des efforts, Henson, dit-il calmement. Vraiment. Mais toi, tu t'efforces à les foutre en l'air.
Mes sourcils se froncent. Qu'est-ce qu'il raconte encore comme charabia ? Il ne peut pas se contenter d'aller dans mon sens et d'agir comme quelqu'un de bien pour une fois ?
— Des efforts ? je ricane. Tu veux dire que tu appelles ça des effort de m'insulter alors que j'essaie juste de mettre les choses au clair ? mon ton monte malgré moi. Tu appelles ça faire des efforts en me laissant comme une idiote devant nos voisins parce que Monsieur De Los Santos a décidé de disparaître pendant une nuit entière ? C'est toi-même qui m'avais sorti un discours plein de bobards le soir où tu m'as encore kidnappée pour aller à ce stupide Diner. Tu sais quand tu as dit qu'on devait essayer de communiquer normalement, qu'on devait éviter de se disputer pour rien. Manifestement, tu ne peux pas t'empêcher d'être exécrable avec moi. C'est plutôt toi qui fous tout en l'air !
Ok, je crois que je me suis laissée emportée. Mon doigt s'est instinctivement mis à jouer avec l'ongle de mon pouce. Angel ne dit rien durant quelques secondes, se contentant de soutenir mon regard furieux.
— Tu as passé ton temps à me pousser à bout, il articule chaque mot. Je t'ai dit que je ne voulais pas aller en boîte, tu m'as forcé à y aller. Je t'ai dit que je ne buvais pas, tu m'as forcé à le faire. Je t'ai dit que je ne fumais pas, tu m'as aussi forcé à le faire.
Dis comme ça, j'avoue que... Hors de question de lui donner raison !
— Oh arrête de faire le gars sans défenses, répliqué-je. Tu fais une tête et au moins trente kilos de plus que moi, tu n'avais qu'à refuser, je souris. Tu ne l'as pas fait parce que tu en avais tout simplement envie. Avoue-le, Angel.
Le fait que je prononce son prénom pour l'une des premières fois depuis qu'on se connaît me surprend. Si bien que je grimace ensuite, répugnée par la façon dont ces syllabes roulent sur ma langue.
Toutefois, je reviens à la réalité quand je réalise qu'il s'est mis debout. Devoir lever la tête pour regarder quelqu'un est assez inhabituel pour moi mais je ne flanche pas.
— Tu devrais la fermer et t'estimer heureuse que j'ai choisi de partir hier soir, articule mon colocataire.
Je tressaille malgré moi.
— Est-ce que c'est une menace ? je fais un effort surhumain pour que ma voix ne tremble pas.
— Non. C'est un fait.
Angel me bouscule l'épaule pour me dépasser. À cause de sa corpulence, je suis forcée de reculer pour ne pas perdre l'équilibre. Je réprime au dernier moment la pulsion qui me hurlait de le plaquer au sol d'une manière ou d'une autre.
Il pense qu'il va réussir à m'intimider en jouant au mec nerveux ? Bon, j'avoue qu'il m'effraie un peu lorsque j'aperçois sa colère mais je préfère m'étouffer que de le lui dire.
Je lui emboîte le pas, conservant toutefois une certaine distance entre nous. Soit le destin est un sacré joueur, soit Ernesto et Rosalía Herrero savent exactement où et quand se tenir sur notre route car nous les retrouvons dans le hall.
Malgré son grand chapeau de paille, notre voisine se rue pour prendre Angel dans ses bras.
Je doute fortement qu'il mérite un tel engouement, par ailleurs, je m'efforce de ne pas lever les yeux au ciel. C'est plutôt moi qu'elle devrait remercier de l'avoir sorti de son épisode dramatique de "mec sur la plage qui écoute du Chopin tout en réfléchissant au fait que sa rage est son pire poison".
Quel acteur. Je le déteste. J'aurais dû le laisser là-bas.
Surtout que mon colocataire referme son étreinte sur le corps frêle de notre voisine. Il joue à merveille son rôle de jeune homme bien éduqué. On dirait Diego. Deux putain d'acteurs.
Si elle savait comment il sait se montrer mauvais avec moi.
— C'est super que tu sois de retour, ses yeux vifs glissent sur moi. Que vous soyez tous les deux là. Ce soir, l'hôtel organise une petite fête sur la plage. Une soirée déguisée. Et nous allions justement faire les boutiques avec Ernesto. Vous feriez mieux de venir avec nous !
La grimace d'Angel ne m'échappe pas. Cependant, je suis trop occupée à me concentrer sur ma propre sidération.
Alors là, je crois qu'on a touché le fond.
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