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Je suis en train de discuter activement avec un petit groupe de jeunes lorsque l'une des deux filles se met à glousser. Habituellement, je ne suis pas du genre à aller parler à des inconnus, encore moins s'ils ne parlent pas mon langage d'origine, mais la tequila me rend super sociale.
Et le gars qui accompagne les deux nanas est super canon.
Par ailleurs, je me détourne de lui pour voir ce qui cause tant d'animation chez mes nouveaux amis.
Bien sûr. Il a fallu que Monsieur De Los Santos se ramène pour me voler la vedette.
Je comprends tout de suite pourquoi la jeune femme s'est agitée en le voyant. Ses mèches dégoulinantes lui tombent devant les yeux et le soleil procure à sa peau un air sucré.
Qu'est-ce que je raconte ?
On parle d'un homme, là, pas d'un putain de gâteau. Quoique il semble aussi délicieux qu'un gâteau...
Tant pis pour le mexicain que je souhaitais attraper, je peux me contenter de choper Angel.
QU'EST-CE QUE JE RACONTE ?
Ça ne fait même pas une journée que nous sommes ici. Et puis, il y a Logan. J'adore Logan. J'ai repoussé Diego pour lui.
Je déteste Angel.
Une vague me surprend à l'instant où elle me claque le visage. Merci, je crois que j'avais besoin d'un petit retour à la réalité.
Toutefois, je n'avais pas prévu que l'eau me submerge à ce point. À cause de tout l'alcool que j'ai ingéré, mon équilibre est aussi bancal que ma santé mentale.
Mon colocataire est trop occupé à parler avec les deux mexicaines pour se soucier de ma noyade et finalement, c'est leur ami qui me sauve de mon destin ridicule de naufragée.
J'enroule mes bras autour de son cou tandis que les siens me maintiennent à la surface. Il est encore plus beau de près, merde alors.
J'ignore comment je parviens à répondre en espagnol lorsqu'il me demande si je vais bien car mes pensées sont embrouillées par la tequila ainsi que par le mélange de panique et d'excitation.
Logan.
Logan.
Je me détache délicatement de son emprise après l'avoir remercié une nouvelle fois. Il faut qu'on s'en aille d'ici, je risque de faire une bêtise.
Angel croise mon regard une fraction de seconde, durant laquelle j'en profite pour lui faire signe vers le sable. Il détourne les yeux. Pendant un instant, je crois qu'il va tout simplement m'ignorer mais à ma grande surprise, il souhaite une bonne journée aux trois jeunes.
L'une des deux filles lui embrasse rapidement la joue et je ne peux m'empêcher d'être ébahie par son toupet. Ça fait à peine cinq minutes qu'ils se connaissent.
Je suis encore plus sur le cul quand je constate qu'Angel lui sourit malicieusement en retour avant de partir vers la terre ferme.
Donc, il sait se montrer joueur. Je lui emboîte le pas, la tête un peu vrac. Il ne se retourne pas une seule fois pour s'assurer que je vais bien. Manifestement, il s'en fiche.
L'image de la fameuse fille qui a si simplement su lui arracher un sourire tourne en boucle dans mes pensées. Plutôt petite, brune avec un visage de poupée et deux énormes nichons. Non, pas énormes. Parfaits.
Je vois, Monsieur doit avoir un faible pour les femmes aux cheveux sombres. Cela expliquerait bien son intérêt pour Roxanne. Elle devait être petite aussi.
Je sors de mes pensées à l'instant où Angel me balance une serviette en pleine gueule. Je proteste dans un mélange d'anglais, d'espagnol et même de créole avant de le foudroyer du regard.
— Contente-toi de me remercier, lâche-t-il. Je parie que tu n'avais pas pensé à prendre de quoi t'essuyer.
Je plisse les yeux, prête à le contredire, pourtant, je réalise qu'il a raison. Face à mon silence, mon colocataire émet un petit sifflement réprobateur puis s'essuie les cheveux.
Mes yeux bloquent quelques secondes sur le tatouage d'Icarus qui orne son bras.
Logan.
Logan.
Une colère inconnue s'infiltre dans mes veines. D'un geste qui me surprend à moitié, je lui fouette le flanc avec ma serviette. Angel reste un instant sans réagir et je resserre brusquement ma serviette contre ma poitrine.
Pourquoi est-ce que j'ai fait ça ? J'ai dit que j'allais le pousser à bout, pas que j'allais le pousser à me trucider.
Pourtant, le fait qu'il me prenne encore de haut me fait perdre tout contrôle.
— Je peux savoir pourquoi tu as fait ça ? il détache chacun de ses mots avec un calme effrayant.
Et s'il changeait d'attitude comme ce jour-là dans la cuisine ?
Non. Il y a trop de témoins autour.
Et s'il attendait qu'on revienne dans la chambre pour m'étrangler ?
— Je peux savoir pourquoi tu es toujours obligé de me parler comme si j'étais la dernière des idiotes ? le fait que j'arrive à lui répondre avec tant de confiance me prend de court.
Angel me scrute puis, avant que je ne réalise son action, me saisit les joues avec sa grande main. Il se penche à ma hauteur, me coupant le souffle.
— Je te parle de cette manière parce que tu es la dernière des idiotes, Henson, articule-t-il.
Sa prise n'est pas assez ferme pour me faire mal, toutefois, je suis déstabilisée qu'il m'approche ou même me touche de la sorte. Mis à part les fois où il a dû m'aider à retirer mes chaussures, il ne m'avait jamais effleurée de lui-même.
Mon colocataire relâche mon visage et recommence à s'essuyer comme si de rien n'était. Par ailleurs, je remarque que ses gestes sont plus lents que d'habitude.
J'étais trop bourrée pour m'en rendre compte plus tôt, mais son toucher m'a fait retomber sur Terre.
Angel est torché.
Il est juste super fort pour le cacher. Cela explique le sourire qui lui a échappé tout à l'heure-là. C'est sûrement aussi pour cette raison qu'il a accepté de sortir de l'eau aussi vite.
Un sourire penaud monte sur mes lèvres.
— Monsieur De Los Santos admet donc une limite, roucoulé-je. Est-ce que tu es assez éclaté pour enfin poser tes mains sur moi ?
Attendez, ce n'est pas ce que je voulais dire. Enfin pas comme ça.
Le jeune homme accroche ses yeux bruns aux miens. Les rayons du soleil font ressortir les tâches d'or dans ses iris.
Logan.
Logan.
Je m'en fiche d'Angel. Je veux juste trouver une faille qui me prouve que je vaux la peine d'être regardée aussi. Je mérite de lui arracher un sourire. Je suis à l'opposé de ce qu'il semble apprécier chez une femme mais j'en suis tout de même une.
J'ai besoin qu'il me fasse me sentir comme telle, même l'instant d'une seconde.
— Même avec tout l'alcool du monde, je ne m'abaisserai jamais à te toucher, Henson, tranche Angel.
En dépit de son visage impassible, je perçois tout son ressentiment à mon égard. Tout son dégoût.
Je refuse de me laisser atteindre par ça. Je m'en fiche de lui. Je n'ai pas besoin de son approbation. J'ai Logan.
Logan.
Logan.
— Tant mieux parce que je me suis mal exprimée, imbécile, je claque ma langue sur mon palais. Je préférerai me faire foudroyer dix fois que te laisser effleurer mon épiderme, je drape ma serviette sur mes épaules. D'ailleurs, n'approche plus jamais tes sales pattes de mon visage !
Avant de pouvoir constater sa réaction, je tourne les talons. Par ailleurs, je devine qu'il m'emboîte le pas car le soleil dans mon dos est masqué par une ombre. Avec sa grande taille de mes deux, il devrait en profiter pour attraper un nuage et disparaître pour l'éternité dans le ciel.
Nous marchons en silence pendant les dix minutes qui suivent. J'essaie de distraire mes pensées en regardant les vagues et en souriant aux quelques enfants qui jouent dans le sable.
Cependant, à l'instant où mon regard se porte sur l'un des bars en bord de mer, je plisse les yeux. Mon premier réflexe est de vouloir me tourner vers Angel afin de lui demander si j'hallucine, mais je me rappelle ensuite que c'est un connard à qui je ne veux plus parler.
Il s'arrête près de moi puis s'esclaffe à son tour. Les yeux vifs de notre voisine finissent par nous trouver. Elle nous adresse un grand signe joyeux de la main, nous invitant à les rejoindre.
J'hésite une fraction de seconde mais mon colocataire en décide autrement et saisit fermement mon poignet. Il me tire derrière lui comme un vulgaire chien sans prendre en compte mes protestations.
Le mari de Madame Herrero nous salue avec le même enthousiasme que sa femme.
Je ne m'étais pas trompée. Il tient bien un tuyau dans sa main droite, et ce dernier est effectivement connecté à l'énorme chicha posée sur la table entre nous.
Putain, je doute que ce truc soit bon pour leurs poumons de retraités.
On dirait que nous n'avons pas d'autres choix que de rester avec eux, alors je m'installe un peu mieux dans la banquette en face d'eux.
Angel est déjà en train d'acquiescer aux paroles quelque peu insensées de nos deux voisins. Au cours de la discussion, j'apprends que le mari de Madame Herrero s'appelle Ernesto -et qu'elle même s'appelle Rosalía, ce que j'ignorais jusqu'à maintenant-.
Grâce à notre petit bain ainsi qu'à la colère que mon colocataire sait si bien attiser chez moi, je commence doucement à redescendre. A contrario, le couple semble plutôt alcoolisé.
Je me rends compte que je souris depuis un moment en les regardant se taquiner mutuellement. Je ne sais pas si c'est le fait qu'ils soient trop mignons, qu'ils soient bourrés ou qu'ils tirent sur la chicha comme des jeunes de quartier qui me fait autant rire.
Ernesto se calme un instant pour reporter son attention sur Angel.
— Je ne t'ai pas oublié Amigo, se réjouit-il. Je suis certain que l'air de Mexico va enfin te convaincre de goûter à mes cigares.
Il en tire deux du sac de sa femme et en tend un à mon colocataire. Ce dernier est sur le point de refuser mais je le devance en prenant le fameux cigare.
— Merci Monsieur Herrero, je souris de toutes mes dents. Auriez-vous un briquet, s'il vous plaît ?
Le vieil homme me détaille tandis que ma voisine tire sur la chicha. Elle manque de s'étouffer avec la fumée lorsqu'elle rit.
— Je t'avais dit que cette petite allait te plaire ! parvient-elle à avancer après avoir repris son souffle.
Son mari acquiesce vivement puis me tend un énorme briquet. Que dis-je ? Un lance-flamme.
Sur le coup, je n'ai pas réfléchi, cependant, je n'ai aucune idée de comment allumer ce truc. Je doute que ce soit le même processus que pour une cigarette ou un joint.
Heureusement, les Herrero sont trop occupés à commander un autre cocktail pour constater mon hésitation. Angel, lui, la remarque sans difficulté.
Il s'ébouriffe frénétiquement les cheveux puis m'arrache les deux objets des mains. D'un geste expert, il place le cigare au-dessus de la flamme du briquet, juste assez haut pour que cette dernière ne le touche pas. Il le fait rouler entre ses doigts jusqu'à ce qu'un petit anneau noir apparaisse sur le cigare.
Après quoi, il l'amène à ses lèvres en relevant les yeux vers moi. Je ne romps pas le contact visuel tandis qu'Angel fait à nouveau tourner le cigare au-dessus de la flamme.
Il détourne finalement le regard pour contempler le bout luisant puis souffle dessus. Une minute plus tard, mon colocataire me tend le cigare.
— Tâche de ne pas tirer dessus trop fort, ordonne Angel. À part si tu souhaites que le tabac ne brûle pas de façon homogène et que le cigare ait un goût dégueulasse.
J'accepte son « présent », confuse.
— Je croyais que tu ne consommais pas ce genre de trucs, bafouillé-je. Tu sembles pourtant maîtriser l'art de la fumette !
Le jeune homme me foudroie du regard.
— Tu veux le fumer ou pas ? son ton colérique me surprend.
Les mots se bloquent dans ma gorge. Je suis à nouveau tétanisée à l'idée qu'il puisse exploser. C'est pourquoi, je hoche la tête puis apporte le cigare à mes lèvres. Comme il me l'a conseillé -ou ordonné, au choix-, je tire juste assez fort dessus pour extraire de la fumée sans brûler trop de tabac.
C'est vraiment pas mal.
Monsieur Herrero allume le sien avant de me faire un clin d'œil.
— Alors qu'en dis-tu, Muchacha ? s'enquiert-il en expirant la fumée.
J'en fais de même avant de lever un pouce en l'air. Mon bras se tend naturellement vers Angel.
Il dévisage le cigare que je lui propose. Ernesto a dû anticiper sa réponse négative car il lui fait signe de la main d'accepter.
— Allez petit, tu ne vas quand même pas le refuser. De mes mains, je comprends mais pas de celles d'une princesa comme Sativa.
Je souris ironiquement à mon colocataire, parce que je sais que « Princesse » est le dernier adjectif qu'il aurait utilisé pour me qualifier et parce que je devine qu'il est bloqué. Il ne peut pas refuser.
Un point pour moi.
Angel soupire et saisit le cigare en prenant le soin de ne pas effleurer mes doigts.
"Même avec tout l'alcool du monde, je ne m'abaisserai jamais à te toucher, Henson."
— Alors, commence Rosalía, qu'avez-vous prévu de faire ce soir ? Deux jeunes gens comme vous un samedi soir, je suis certaine que le programme s'annonce chargé.
Elle nous gratifie d'un regard plein de malice. Je me retiens de vomir en voyant à quel point elle cherche à m'associer à ce type.
Ce dernier qui, d'ailleurs, fume ce putain de cigare comme s'il avait fait ça durant toute sa vie. À vrai dire, je m'apprêtais à le lui redemander mais la fumée qui flotte autour de lui confère un air majestueux, presque mystique, à son visage.
Logan.
Logan.
— J'ai réussi à convaincre Angel d'aller en boîte avec moi ce soir, je souris dans l'espoir de me concentrer sur autre chose que sur l'horrible personne assise à côté de moi.
Je suis certaine qu'il meurt d'envie d'affirmer que je ne l'ai pas « convaincu » mais plutôt « forcé », toutefois, il ne dit rien.
Je commence à croire que ce qu'il a dit à propos du fait qu'il ne fumait pas était une grosse connerie. Angel a beaucoup de défauts -insensible, rabat-joie, froid, égoïste, méchant, la liste est longue-, par ailleurs, j'ignorais que « menteur » en faisait partie.
Monsieur Herrero semble présumer la même chose et a embrayé une conversation avec lui à propos de comment son père lui a appris à rouler ses premiers cigares à douze ans.
Ces vieux sont chaotiques.
Angel pense certainement la même chose, pourtant, il l'écoute avec attention.
Bien, donc avec les autres, il sait se montrer poli. L'alcool et le tabac ont dû lui monter à la tête.
Ma voisine, elle, s'affaire à me conter à quel point elle est ravie que nous profitions à fond de ce petit voyage. Sa joie de vivre finit par effacer les dernières traces de tristesse en moi. Ils sont adorables. Finalement, je pourrai envisager de passer tout le séjour avec eux au lieu de me coltiner l'autre enfoiré.
De plus, à en juger par la chicha sur laquelle elle tire encore et sur les divers verres posés devant eux, ils savent comment s'amuser.
La conversation s'éternise. Le soleil décline dans le ciel. Le couple Herrero nous quitte avec un sourire, exprimant leur désir de vouloir se promener sur la plage lors du coucher de l'astre.
Une fois à nouveau tous les deux, je m'installe sur la banquette qu'ils viennent de déserter et réclame le cigare à Angel.
— Tu es un vrai comédien, je ricane. Monsieur Je-ne-fume-pas-mais-je-passe-dix-minutes-à-tirer-sur-le-cigare.
Il m'observe inspirer la fumée puis hausse les épaules.
— Je n'ai pas de comptes à te rendre, rétorque-t-il avec son désintérêt habituel. Tu voulais que je fume, je l'ai fait.
— Je voulais aussi que tu disparaisses quelque part et tu ne l'as jamais fait, ironisé-je en apportant le cigare à mes lèvres.
— Ça te ferait trop plaisir.
Il se lève sans me laisser la possibilité de répondre. Prise d'une impulsion, je le suis d'un bond. Pas question qu'il me plante ici alors que la nuit va bientôt tomber.
— Tu es vraiment malpoli comme gars ! pesté-je après avoir réussi à le rattraper.
Angel s'arrête brutalement, si bien que je manque de foncer sur lui. Après quoi, il fracasse ses pupilles sur les miennes.
— Je t'avais fait promettre de ne pas m'emmerder aujourd'hui, il s'abaisse à ma hauteur, pourtant c'est exactement ce que tu as fait. Toute la putain de journée. Alors, si tu ne la boucles pas tout de suite, non seulement nous n'irons pas en boîte mais tu risques de dormir dehors.
Je plisse les yeux et me mords frénétiquement la langue. Ce ne sont pas des paroles en l'air. Il n'a pas besoin d'hausser le ton, son regard suffit à rendre ses menaces effrayantes.
Je déteste m'avouer vaincue, encore plus devant lui. Mais je me surprends à hocher la tête.
Mon colocataire se détourne sans rien ajouter. Alors que je me remets à le suivre à distance, la vibration de mon téléphone me surprend. Je décroche sans regarder le prénom de mon interlocuteur.
— Sativa !
Logan.
Logan.
— Logan ! dis-je avec le même engouement.
— Est-ce que je te dérange ? la sincérité que j'entends dans sa voix me réchauffe le cœur.
Ce garçon est un vrai bijou.
Il se fout de ta gueule. Aucun homme ne peut s'intéresser à toi pour qui tu es. Tu n'es pas assez bien. Tu n'es personne.
— Non, bien sûr que non ! Nous étions justement en train de retourner vers l'hôtel, j'écarte l'écran quelques instants de mon oreille afin de regarder l'heure. S'il est dix-neuf heures ici, il est vingt-et-une heures pour toi, n'est-ce pas ?
— Exactement, Logan marque une courte pause. Je pensais à toi alors j'ai voulu t'appeler.
Il pensait à moi ? À quoi pouvait-il bien penser ? À quel point je suis stupide ? À quel point il regrette tout ce que nous avons vécu jusqu'ici ?
Il va m'annoncer qu'il ne veut plus jamais me voir.
— Ah oui ? je feins l'enthousiasme tout en essayant de ne pas perdre Angel de vue. Et à quoi est-ce que tu pensais ?
Un léger silence suit ma question.
Il va me dire qu'il me déteste. Qu'il s'est rendu compte que j'étais trop idiote pour lui.
"Je te parle de cette manière parce que tu es la dernière des idiotes, Henson."
— Logan ?
J'espère que ma voix ne laisse pas transparaître l'étendue du cataclysme qui a lieu en moi. J'aperçois l'hôtel devant nous, ainsi que la grande silhouette de mon colocataire qui marche sans regarder en arrière.
— Je voulais vraiment le garder pour moi.., hésite-t-il. Je ne voulais pas passer pour ce genre de mec. Mais ça me fait chier de savoir que tu es au Mexique avec ce type.
Hein ?
— Qui ?
Ce n'est qu'après ma question que je réalise à quel point elle est débile. Pourtant, une fois de plus, Logan ne relève pas mon idiotie pesante.
— Ton colocataire, Sativa. Le fait d'apprendre que tu vivais avec un homme m'avait déjà déplu, il poursuit avant que je ne puisse l'interrompre. Bien sûr, ce n'est pas de ta faute et je te fais totalement confiance. Mais accepter ta proximité avec Diego n'est déjà pas facile. J'ai l'impression que je n'arriverai jamais à me faire une place parmi tous les hommes de ta vie...
Est-ce que c'est de l'inquiétude que je perçois dans sa voix ? Pourquoi un type comme lui s'inquiète de ne pas être assez bien pour moi ?
— Je t'assure que je ne suis pas non plus ravie d'être ici avec mon colocataire ! je tente de détendre l'atmosphère. Tu n'as pas à t'inquiéter, Logan. Pour l'instant, je n'ai pas d'autres hommes dans ma vie que toi. Et j'aimerais beaucoup que cela ne change pas.
Ça ne me ressemble pas du tout de déballer tant de merdes sentimentales. Par ailleurs, je me surprends à les penser. Enfin, pour la plupart.
— Et moi, c'est toi que j'aime beaucoup, Sativa Henson.., susurre Logan.
À ces mots, je manque de rater la marche du hall de l'hôtel. Les escaliers me détestent vraiment, bordel de merde.
Son ton langoureux me fait frémir de partout. Oh, ce que je lui ferai lorsque je retournerai aux États-Unis.
— Moi aussi, je..., la vision d'Angel en train de tourner au bout du couloir me fait réaliser la distance qui nous sépare et le fait que je n'ai pas de carte. Oh putain !
Après mon exclamation soudaine, mon interlocuteur m'interroge. Par ailleurs, je suis trop occupée à courir pour rattraper mon colocataire.
— Sativa ! insiste-t-il. Qu'est-ce qui se passe ?
Je vois mon ennemi mortel abaisser la poignée alors qu'il me reste dix mètres à parcourir.
— Angel, enculé de merde ! hurlé-je. Je te défends de fermer cette putain de porte ! je réalise que je suis encore au téléphone. Désolée Logan, je te rappelle tout de suite.
Après avoir raccroché, je tape le sprint de ma vie jusqu'à la porte. Cette dernière est en train de se refermer à l'instant où je plaque mon poids dessus.
Par ailleurs, je n'avais pas prévu qu'Angel n'exerce aucune pression de l'autre côté. Dans mon élan, la porte s'ouvre d'un coup et je rencontre le sol à une vitesse qui me surprend moi-même.
En relevant les yeux, je tombe sur ceux de mon colocataire. Il me regarde de haut, comme si j'étais la chose la plus ridicule qui ait un jour croisé sa route.
— C'est bien ce que je disais, raille Angel. La dernière des idiotes.
Il tourne les talons et je me retiens au dernier moment de ne pas le faire tomber en lui agrippant la jambe. Au lieu de quoi, je referme la porte d'un violent coup de pied puis pose quelques secondes ma tête contre le sol.
Ce connard aura ma peau.
Allez, Sativa. Tu vas aller t'amuser ce soir. Il ne gâchera pas ton voyage. Logan a dit qu'il t'aimait beaucoup. Et tu l'aimes beaucoup en retour.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Je me relève finalement. Le jeune homme s'est enfermé sur la terrasse alors j'en profite pour me laisser tomber sur le matelas, histoire de me remettre les idées en place.
Angel aura le temps de comprendre sa douleur. Je vais le rendre fou ce soir.
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