25/
Lorsque je rentre à l'appartement, je suis plutôt d'humeur joyeuse. Je tire tranquillement la valise que ma mère m'a prêtée à l'intérieur puis referme la porte.
En arrivant dans l'embrasure de la porte du salon, je remarque la chevelure brune de Angel qui dépasse du haut du canapé. La télévision est allumée sur une chaîne d'information.
Donc il s'intéresse à ce qui se passe dans le monde ? Je reste convaincue qu'il n'en a rien à branler des ours polaires et de la pauvreté.
Prise d'une impulsion d'enfant de quatre ans, je décide de faire une entrée digne de Mario Kart. Je m'assois à califourchon sur l'énorme valise de ma mère avant de pousser le sol du bout du pied.
Mon colocataire détourne les yeux de l'écran au moment où il me voit littéralement rouler vers lui. Je distingue une bière dans sa main et tends le bras juste à temps pour l'attraper.
La valise s'arrête finalement à quelques centimètres du mur. Un sourire ravi se peint sur mon visage tandis que j'apporte sa bière à peine entamée à mes lèvres.
Angel me regarde fixement. Si son visage était plus expressif, j'aurais pu affirmer qu'il est ahuri, toutefois, comme il s'agit d'un glaçon, je dirais plutôt qu'il est un peu déboussolé.
— Tu joues à quoi là ? demande-t-il, d'un ton vraiment neutre pour quelqu'un qui vient de se faire voler sa bière par une fille à roulettes.
— Avec l'inflation, je refuse que tu touches à mes bières ! je m'écris en buvant une autre gorgée. Tu n'as qu'à t'en acheter !
Je doute que se retrouver assise à califourchon sur une valise me rende très crédible, par ailleurs, mon colocataire se contente de froncer les sourcils.
— Tu as fini mes yaourts à la fraise, réplique froidement le jeune homme.
Je claque ma langue sur mon palais.
— C'était pour la bonne cause, assuré-je. Je crois que tu as un sérieux problème avec ce fruit. Je fais des études de psychologie, si ce fétichisme est lié à un traumatisme quelconque, tu peux m'en parler, tu sais ?
J'ignore ce qui me permet de conserver un visage neutre en énonçant toutes ces bêtises. Il sait que je me fiche de lui. À vrai dire, même moi, je ne me prends pas au sérieux. Je pousse toujours trop loin le second degré. Je dirais que je suis plus près du cinquième ou sixième degré actuellement.
— C'est clair que j'ai toujours rêvé d'avoir une psychologue immature qui s'amuse à monter sur des valises et à me voler mes bières, Angel me scrute de haut en bas.
Je chasse ses paroles d'un geste désintéressé de la main. Prise d'un nouvel élan, je pousse le sol avec mon pied. Je roule une fois de plus devant le jeune homme, profite de passer devant la table basse pour déposer la bière dessus avant de me concentrer sur mon arrivée.
Malheureusement, je n'avais pas prévu d'être déséquilibrée par le fait de m'être légèrement penchée sur le côté. La valise dévie et fonce vers l'écran du téléviseur. Alarmée de fracasser un objet d'une telle valeur, j'ai juste la vivacité nécessaire pour légèrement modifier ma trajectoire.
L'instant d'après, je me retrouve allongée sur le dos au sol, sonnée. Je réceptionne le vase juste avant qu'il ne se brise au sol, alors que la valise a terminé sa course sur le mur, à côté de la fenêtre.
Je me relève difficilement, remets le vase en place puis me tourne vers le canapé. Mes lunettes sont de travers et je vois flou.
Toutefois, je parviens à distinguer qu'Angel a pris son visage entre ses mains. Je peux désormais affirmer qu'il est affligé. Pourtant, à l'instant où je redresse ma monture sur mon nez, je hausse les sourcils.
Ses épaules tressautent légèrement.
Non mais je rêve, Monsieur est en train de se foutre de ma gueule, là ? Je ne pensais même pas qu'il était capable de rire.
Non, ça ne peut pas être ça. Il est en train de réprimer le démon en lui, c'est pour cette raison que son corps est agité de soubresauts.
Refusant de lui accorder de l'attention, je me dirige vers la table basse puis empoigne la bière qui a causé ma décadence. Angel n'a toujours pas abaissé ses mains de son visage et je décide de me planter devant lui.
— Ça t'amuse ? craché-je.
Bon j'avoue que je fais la nerveuse parce que c'est lui et qu'il m'agace. À sa place, j'aurais rigolé pendant les deux siècles à venir. Actuellement, la seule chose qui concurrence mon fou rire, c'est mon ego.
Mon colocataire finit par relever les yeux vers moi. Durant une fraction de seconde, il réussit à conserver son masque impénétrable. Mais quand il détourne le regard afin de regarder la valise, un gloussement lui échappe.
C'est si peu commun d'apercevoir une once d'humanité chez lui que j'avale ma gorgée de travers. Angel éclate franchement de rire au moment où je me mets à tousser.
Tout mon corps est parcouru d'un tremblement.
Qu'est-ce que je le hais.
La manière qu'il a d'écarter ses mèches brunes de son visage afin de se calmer me donne autant envie de le gifler que de lui sauter dessus.
Mon cerveau est vraiment en mode « Folie » ce soir car sans même comprendre mon geste, je lui envoie une giclée de bière dessus. Le jeune homme s'immobilise, tout comme moi, surpris de cette offensive.
Ok, donc là, c'est le jour où je vais mourir.
Angel essuie lentement sa joue gauche puis incline la tête sur le côté. Je tourne les talons à la vitesse de l'éclair et m'apprête à foncer vers ma chambre.
Pourtant, des bras s'enroulent autour de ma taille. En quelques secondes, la bouteille est arrachée de mes mains. J'ai tout juste le temps de réaliser qu'il la retourne au-dessus de moi.
Je suis abasourdie tandis que la bière dégouline sur mes cheveux, le long de mon corps, jusqu'au sol.
Il a vidé toute la bouteille.
Toute. La. Putain. De. Bouteille.
Angel s'écarte de moi. Ses yeux aux tâches d'or à la con pétillent légèrement. Pour ainsi dire, il a l'air plutôt fier de son coup. Je ne bouge même pas, figée sur place.
— J'ai fait mon shampoing il y a deux jours, j'articule chaque mot en essuyant mes yeux.
Mon colocataire hausse les épaules.
— Tu le feras à nouveau après avoir nettoyé le sol, dit-il calmement.
C'est vrai qu'on a fichu un sacré bordel. Mon regard tombe sur le verre d'eau posé sur la table basse. Angel suit mes yeux, mais trop tard, je le saisis puis lui envoie la totalité du contenu en pleine gueule.
Égalisation. Balle au centre.
Vu l'expression sur son visage -qu'il n'arrive pas à masquer pour une fois-, il n'a jamais dû rencontrer quelqu'un d'aussi cinglé que moi. Ses cheveux dégoulinent et merde, Monsieur De Los Santos est quand même vachement beau.
Je tremble à nouveau. Mais je le mets sur le compte de la bière. Je suis trempée.
À vrai dire, nous sommes deux idiots trempés au milieu de leur salon. Réalisant la situation, le fou rire que je réprime depuis de longues minutes finit par m'échapper. Angel me dévisage longuement.
Un miracle se produit lorsque les coins de sa bouche se mettent à trembler. Pourtant, il se détourne avant que je ne le vois éclater de rire à son tour.
Tandis qu'il referme la porte de sa chambre, je me tiens le ventre, à présent au sol. Les dégâts sont plutôt conséquents et j'imagine que Monsieur ne va pas m'aider à nettoyer.
Par ailleurs, je réussis enfin à calmer mon hilarité. Dorénavant, tout mon corps est collant. Mes cheveux sont un véritable carnage. Mais je n'arrive pas à m'en énerver réellement.
Ce type est ravagé. Il ne sait absolument pas doser et moi non plus.
Je parie qu'on pourrait déclencher une explosion similaire à celle qui m'a forcé à venir habiter ici.
Deux fous dans la même putain de baraque.
***
Après avoir passé près d'une heure à nettoyer notre carnage, je file sous la douche. J'apporte le jet d'eau à mes cheveux en grimaçant. C'est reparti pour une séance de démêlage intense, maudit soit mon imbécile de colocataire.
Je reste une bonne trentaine de minutes sous l'eau, chantonnant à tue-tête chaque chanson qui passe dans ma playlist. Je sais qu'Angel parvient à m'entendre et j'espère du plus profond de mon cœur que ça lui casse les couilles.
Lorsque je m'atèle à m'essuyer, Kiwi de Harry Styles débute. Sans réfléchir, je hausse un peu plus le son. Cette chanson me fait perdre toute notion du calme. Je tape mon meilleur playback, mime le moindre accord de guitare puis finis enfin par reprendre un semblant de lucidité quand la musique s'achève.
Je suis essoufflée.
Une fois habillée, je sors de ma chambre, les cheveux encore un peu dégoulinants. Mon peigne et mes produits de coiffure dans chaque main, je prévois de m'asseoir sur le canapé.
Toutefois, je me fige à l'instant où je vois Angel en train de préparer à manger.
— Est-ce que tu comptes empoisonner mon assiette ? demandé-je, l'air de rien.
Il ne détourne pas le regard de sa casserole de pâtes pour me répondre.
— Je n'ai jamais dit que je prévoyais de cuisiner pour toi aussi.
Au moins, ça c'est dit.
— Bien sûr, je roule des yeux et m'assois sur le sofa. Le contraire m'aurait étonné.
— Tu vas mouiller le canapé, dit-il en ignorant ma raillerie.
J'adresse un joli petit majeur à son dos avant d'appliquer du produit sur mes cheveux.
À en juger par l'odeur et par les bruits de cuisson, il fait aussi de la viande. Je suis forcée de reconnaître que ça sent bon. Monsieur De Los Santos ne va certainement pas m'empêcher de bouffer quoique ce soit dans ma maison.
Je suis en train d'entamer ma seconde natte au moment où il s'assoit près de moi avec une assiette à la main.
Même si je sens ses yeux sur moi, je m'évertue à fixer l'écran éteint de la télévision.
— Qu'est-ce que tu regardes ? craché-je.
— J'étais juste en train de me dire que ça valait la peine de gaspiller une bière entière pour te voir galérer de la sorte.
Cette fois-ci, je délaisse ma tâche pour tenter de faire tomber son plat. Pourtant, il est plus rapide et parvient à écarter l'assiette avant que ma main ne l'atteigne.
— Tu n'as pas mieux à faire ? je demande, les dents serrées à cause de l'échec de ma manœuvre.
Il prend le temps de couper un morceau de sa côte de porc, de l'apporter à sa bouche et d'avaler sa bouchée.
— À vrai dire, je comptais te proposer d'acheter nos billets d'avion, finit par affirmer Angel. C'est la seule raison qui me pousse à rester aussi longtemps en ta compagnie.
Putain, j'avais presque oublié que je n'avais pas emprunté cette valise à ma mère juste pour jouer au pilote.
Acheter nos billets d'avion.
Cela rendrait toute cette histoire réelle. Je ne pourrai plus faire marche arrière ensuite.
Arrête de réfléchir, Sativa Henson. Ce n'est qu'un petit voyage, avec pour but de se détendre et de découvrir le fabuleux pays que doit être le Mexique.
— Et tu comptes le faire avec quoi ? répliqué-je à la place. Avec le fromage de tes pâtes ?
D'un signe de tête, il désigne l'ordinateur posé sur la table basse. D'abord, je crois qu'il s'agit du mien et je m'apprête à lui arracher la tronche parce qu'il a osé pénétrer dans ma chambre et toucher à l'un de mes biens. Puis je réalise que la couleur argent de son Mac ne correspond pas à celle rosée du mien.
Je me mords la lèvre afin de réprimer la vanne qui me vient en tête. Ce serait déplacé de lui demander si c'est aussi son père qui le lui a payé. Pas que j'en ai quelque chose à faire de l'importuner ou autre, juste que je tiens à conserver le peu de dignité qui me reste après mes diverses frasques, et plus encore, après ma chute en valise digne des plus grands bêtisiers.
Comme je ne proteste pas, il dépose son assiette à moitié terminée puis saisit son ordinateur. Je me concentre à nouveau sur mes cheveux tandis qu'Angel pianote sur le clavier. Le bruit des touches me tape sur le système, mais j'imagine que c'est uniquement parce que c'est lui.
Parfois, le fait même qu'il respire m'énerve.
Je lâche un juron à l'instant où les dents du peigne se coincent dans un nœud. Mon colocataire me regarde furtivement sur le côté.
— Tu n'es même pas capable de t'occuper de toi-même ? ironise-t-il.
Me laisser vivre pendant plus de cinq secondes sans me tailler lui ferait du mal ou quoi ?
Je plisse les yeux, cependant, je décide de ne pas lui répondre. J'ai déjà passé suffisamment de temps à nettoyer le salon. Je n'ai pas envie de devoir le faire à nouveau si je me laisse aller aux pulsions qui m'ordonnent de lui balancer son repas à la gueule.
Face à mon silence, un minuscule sourire se peint sur ses lèvres. Il se concentre à nouveau sur son écran et je réussis à voir qu'il est déjà en train de remplir les informations nécessaires à l'achat d'un billet d'avion.
C'est le moment rêvé pour se dégonfler, Sativa. Simuler une douleur insupportable qui m'octroierait le droit à des semaines de repos. Peut-être même une attaque cardiaque.
Non. Mauvaise idée.
Il risquerait d'en profiter pour me tuer pour de vrai.
Lorsqu'il me tend l'ordinateur, j'ai presque fini ma coiffure protectrice. Je fixe l'appareil sans réagir, si bien qu'Angel me le fourre dans les mains de force.
Pas très futé le jeune homme, je pourrais en profiter pour le fracasser au sol.
Mais je pense que j'ai déjà assez de choses à gérer avec mon argent pour le risquer bêtement.
J'accepte donc et fronce les sourcils en constatant qu'il a déjà entré les dates ainsi que les paramètres du voyage et des bagages. Il ne me reste plus qu'à indiquer mes données personnelles et bancaires.
D'accord, il se permet de décider pour moi, je vois.
Je louche quelques secondes sur les chiffres. Une semaine et demie. Une putain de semaine et demie avec lui et les retraités étranges de l'immeuble.
Est-ce que je suis en train de signer pour l'Enfer ?
Mes doigts décident tout seuls de taper sur les touches. Vu la quantité de produit qu'il reste sur ces derniers, je laisse quelques traces sur son clavier. Angel les fixe tel un prédateur prêt à égorger sa proie. Je lui adresse un sourire moqueur tout en continuant à compléter le nécessaire.
Quand j'arrive à la page décisive du paiement, je lui rends son ordinateur avant de me lever pour aller chercher ma carte de crédit. J'en profite pour me laver les mains et tombe sur mon reflet dans le miroir au-dessus de la vasque. Avec ma coiffure à demi finie, je ressemble à une idiote.
Je n'arrive pas à croire qu'il m'ait vu dans cet état...
Merde, je m'en fiche.
Après avoir récupéré ma carte, je retourne dans le salon. Angel entame sa dernière bouchée puis dépose à nouveau l'assiette vide sur la table basse. Ses yeux ne me quittent pas tandis que je contourne le canapé pour m'y asseoir.
Il doit être en train de se foutre de ma dégaine.
C'est clair que je ne possède pas le quart de la beauté foudroyante de sa fameuse Roxanne.
En dépit de mon profond ressentiment à son égard et de ma certitude à propos de son incapacité à entretenir des relations humaines, je dois reconnaître qu'un type aussi majestueux que lui doit fréquenter des filles tout aussi magnifiques.
Pour chasser ces pensées encombrantes, je récupère l'ordinateur puis me tourne légèrement vers lui.
— Tu as vraiment envie que je t'accompagne, hein ? commencé-je d'un ton taquin. Nous avions encore quelques jours pour acheter les billets mais tu as tenu à le faire maintenant. Ne t'inquiètes pas, je n'allais pas changer d'avis. Tu m'as convaincu à l'instant où tu as déclaré que ma présence t'importait peu.
Mon colocataire pose son regard apathique sur moi. Ma confiance se désintègre en une fraction de seconde.
Je n'ai pas envie qu'il s'attarde à me dévisager alors que je ressemble à ça.
Je n'aurais jamais dû lui parler.
Nous aurions dû continuer à nous concentrer sur nos activités respectives avant de retourner à nos vies magnifiquement séparées l'une de l'autre.
Mon ego a encore causé ma perte.
— Ne prends pas tes rêves pour des réalités, tranche Angel. Tu devrais savoir que plus on s'y prend tard, plus le prix augmente. Et comme tu es incapable d'anticiper quoique ce soit, sûrement à cause de tes capacités intellectuelles limitées, j'ai préféré m'en occuper. Nous n'avons pas tous la chance d'avoir un père médecin.
Putain mais c'est quoi son problème ?
Il n'a aucune notion de retenue. Je lui balance juste quelques vannes inoffensives et il répond en insultant mon existence entière. De plus, son ton et son visage inexpressifs renforcent la méchanceté de ses propos.
Et puis, il se permet de faire référence à mon père comme si c'était lui qui allait payer ce voyage alors que j'ai dû l'affronter en face et quand même me confronter à un refus catégorique de sa part.
Je suis sur le point d'annuler tout ce que je suis en train de faire. Partir avec ce type pendant une semaine et demie serait un supplice.
Par ailleurs, ma fierté prône à nouveau.
— Tu es un vrai sociopathe, j'assène en essayant de maîtriser les tremblements de ma voix. Tu n'as aucune idée de l'effet que peuvent avoir tes paroles sur les gens.
Ou plutôt, je dirais qu'il en est parfaitement conscient. Pourtant, pour une raison qui m'échappe, il tient à me blesser. Je pensais qu'il souhaitait instaurer une trêve entre nous. Il n'arrive même pas à honorer le discours à la con qu'il a tenu au Diner.
Comme Angel ne me répond pas, je soupire avant de finaliser l'achat de mon billet.
Je crois que je suis déjà en train de regretter mon choix...
Je ferme l'onglet puis pose son ordinateur sur la table sans un mot. Mon colocataire se lève afin d'aller faire la vaisselle et j'entreprends de finir de me coiffer.
Mes mains tremblent alors que j'essaie de faire ma natte. Lassée de cette réaction stupide, je m'arrête pour respirer un grand coup.
— Qu'est-ce que je t'ai fait ? laissé-je échapper dans un souffle, en fermant les yeux.
Je déteste le ton alarmé de ma voix. Je ne suis pas une pleureuse. Arrête ça tout de suite, Sativa Henson !
Quelque chose cloche chez toi. C'est pour ça qu'il te déteste. Tu n'es pas assez bien. Tu l'exaspères. Il te déteste.
Je ne m'attendais pas à ce qu'il entende ma question. Et encore moins à ce qu'il y réponde.
— Quoi ? s'étonne le jeune homme depuis la cuisine.
Je me mords la lèvre inférieure. Je devrais probablement fermer ma gueule et prétendre que je n'ai rien dit.
— Qu'est-ce que je t'ai fait ? je répète malgré moi. Pourquoi tu te sens toujours obligé d'être comme ça avec moi ? Je sais que nous ne serons jamais amis, parce que franchement, tu me tapes sur le système, mais ça n'explique pas le fait que tu trouves toujours un moyen de dire des choses horribles à mon sujet.
Les mots semblent encore plus ridicules à l'instant où je les prononce à haute voix.
À quoi est-ce que je joue là au juste ? Je suis le genre de fille à m'étouffer avec mes sentiments.
Merde Sativa, enfonce-toi ce peigne dans la gorge, histoire de te faire taire pour l'éternité.
Le bruit de ses pas qui se rapprochent me pousse à rouvrir les yeux. Angel me tend une assiette.
Est-ce qu'il a réussi à me mettre dans le coma pendant que j'avais les paupières abaissées ?
C'est sa manière d'essayer d'effacer ses paroles de connard ?
Parce que si c'est le cas, c'est une stratégie de merde.
Toutefois, j'accepte le plat en fronçant les sourcils. Il aurait parfaitement eu l'occasion de verser de la javel dedans pendant que j'étais dans ma remise en question divine.
— Tu as raison, dit simplement mon colocataire en me regardant apporter la fourchette à ma bouche.
— Raison sur quoi ? j'avale ma bouchée.
Rien à signaler, le repas a un goût plutôt normal.
Mais peut-être qu'il est assez malin pour l'avoir empoisonné avec quelque chose de subtil.
Tant pis, je mourrai de façon idiote.
Totalement à l'image de ma vie, ceci dit.
Angel me scrute quelques secondes en silence. Je déteste sa capacité à rester indéchiffrable en toute situation, c'est très déroutant.
— Rien, lâche-t-il. Laisse tomber.
Il tourne les talons aussi sec et le claquement de sa porte me fait sursauter.
Après on parle des femmes et de leurs crises de nerfs...
Je pousse un autre soupir et coupe un morceau de viande. J'en ai marre d'essayer de comprendre ce qui ne tourne pas rond chez lui.
Qu'il aille se faire foutre. Je vais faire de son voyage au Mexique un véritable supplice. Après quoi, il n'aura qu'une envie: retourner en Uruguay.
Je pourrai enfin avoir la paix.
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