6.2 - Juillet 1869 -


So-ri fut accueilli par le sourire radieux de Lithia et ne put s'empêcher de l'admirer encore une fois. Il était si rare de la voir ainsi, déchargée de cette nostalgie permanente qu'elle traînait derrière elle comme un véritable boulet, un poids mort à ses pieds. À leur première rencontre, le cœur de So-ri avait été ravi. Il sut, à cet instant même, que quoi qu'il arrive, il ne pourrait détacher sa vie d'elle. Mais Charles avait vu juste, il allait pouvoir lui être d'une grande aide. Il avait appris l'Américain et se débrouillait dans une conversation. Lorsque Lithia en aurait besoin, il sera là. Il deviendra indispensable, mais tout en douceur. De même qu'il sera en charge de la traduction du livre que Lithia était en train d'écrire. Il allait connaître sa vie, d'après ce qu'il avait compris. L'anticipait-il avec curiosité ou appréhendait-il de découvrir tous ses secrets ? Il ne le saurait que lorsqu'il le débuterait.

— Bonjour, monsieur So-ri, dit Li-on en se plantant devant son professeur.

— Li-on ! gronda sa mère. Ce n'est pas ainsi que nous saluons les personnes. Tu le sais très bien ! Recommence, veux-tu !

L'enfant fit la grimace d'être réprimandé devant son futur enseignant, mais reconnut qu'il avait été inconvenant. Il se reprit et, avec un immense sourire, il articula :

« Annyeonghashimnikka », recommença-t-il avec une déférence hors-norme tout en s'inclinant.

So-ri se retint de sourire devant cet élan de convenance et lui expliqua avec gentillesse.

— C'est parfait Li-on, mais très pompeux comme interprétation d'une simple salutation. Je t'autorise à me le dire en utilisant un simple bonjour : " annyeonghaseyo ".

Li-on hocha la tête tout en buvant ses paroles et répéta à la perfection la première leçon que son maître venait de lui enseigner.

Lithia avait préparé de quoi se sustenter pour le repas de midi. Quelques boulettes de riz que Yoon lui avait appris à faire et des fruits. Elle tendit le sac à Li-on et prévint So-ri qu'il y avait une part pour lui.

— Il ne fallait pas, lui répondit-il alors qu'il n'en pensait pas un mot.

Au fond de lui, il était heureux de cette attention.

Lithia les regarda partir tous les deux et son cœur se serra malgré elle. Elle transposa l'image de Jin-Soo à celle de So-ri. Cela aurait dû être lui.

Elle secoua sa tête afin d'y chasser ces pensées amères. Elle devait continuer. Persévérer. Et ne pas avoir Li-on dans ses jupes allait grandement l'aider.

Lithia appela Judd et ensemble, ils partirent dans les rues de la capitale. So-ri lui avait trouvé un travail, plutôt bien payé et dans ses cordes. Il l'avait présenté à une riche famille afin d'apprendre sa langue natale à l'aînée de la famille. Même si elle ne maîtrisait pas le coréen à la perfection, elle savait qu'elle pouvait y arriver. Le père de famille était un des ministres de la royauté en place dans le pays et, de ce fait, elle pensa qu'elle pourrait lui demander des renseignements dès qu'elle pourrait tenir une conversation.

— Tu sais, Judd, la prochaine fois, je pourrais y aller seule. Pas besoin de m'accompagner à chaque fois, lui disait-elle tout en fouillant du regard les étals des marchands ambulants.

— Hors-de-questions ! Une femme seule dans ces rues... Je reviendrais te chercher dans une heure, comme convenu !

Le ton était ferme et catégorique. Lithia était fière de lui.

— Très bien, je t'attendrais.

Ils étaient arrivés. Lithia détailla l'entrée du domaine. À même la rue, une immense double porte en bois ciré, gravée de signes encore inconnus à ses yeux, était grande ouverte, surveillée par deux gardes à l'allure revêche. Un mur de la hauteur d'un homme, dont le dessus était recouvert de petites tuiles orange, partaient de cet endroit et entouraient l'ensemble de la résidence. Il y régnait une riche atmosphère.

Lithia, avec l'aide de So-ri, tenait dans ses mains un laissez-passer qu'elle tendit à un des gardes. Il le lu et lui rendit avant de l'inviter à entrer. Elle franchit le seuil à sa suite et se retrouva dans une allée de dalles blanches bordée d'une multitude de plantes qui pour certaines lui étaient encore inconnues. Elle admirait la beauté des lieux et n'aperçut qu'au dernier moment la maîtresse de maison qui venait à sa rencontre.

Lithia la salua et reçut en retour, un magnifique sourire de sa part. Elle lui fit signe de la suivre et la conduisit jusqu'à une terrasse couverte où une table basse et deux coussins brodés se faisaient face. Elle lui présenta un des coussins et l'invita à s'asseoir. Elle s'adressa à une servante qui partit aussitôt en direction inverse.

Une jeune fille arriva peu de temps après et s'installa à son tour en face d'elle. Elle devait avoir tout au plus quatorze ans et son visage ressemblait à de la porcelaine. Ses yeux en amande étaient rieurs et portait l'innocence de son statut.

Lithia débuta en disant bonjour dans la langue de la jeune fille et repris ensuite dans sa propre langue. L'adolescente se prénommait Ah-ju et Lithia procéda de la même manière. Ha-ju comprit immédiatement sa façon de faire, lui fit un immense sourire avenant et elles continuèrent ainsi durant le temps imparti sur tous les objets qui l'entouraient.

Ah-ju eut quelques rires tandis qu'elle essayait de prononcer correctement à la suite de Lithia certains mots difficiles. Elle décida donc par la suite de lui montrer l'alphabet. Cela sera un moyen pour débuter.

L'heure passée, Lithia quittait le manoir du ministre et repéra Judd qui l'attendait comme prévu. Elle lui raconta comment s'était déroulé son cours quelque peu original quand une chair de poule se propagea sur l'ensemble de sa peau.

Elle se stoppa net et scruta les alentours. Son imagination lui jouait des tours et secouant la tête, elle regarda son neveu qui l'observait, intrigué.

— Ça va ? lui demanda-t-il, inquiet.

— Oui, ne t'inquiète pas. Cela doit être la fatigue, tenta-t-elle de le réconforter. Rentrons, je ne voudrais pas rater le retour de Li-on.

Il opina non sans avoir redonner un coup d'œil autour de lui et reprit la marche, Lithia toujours à son bras.

Ils avançaient tout en discutant quand Lithia repéra un petit garçon, en haillons, le visage un peu rouge, assis au coin d'une rue.

— Regarde, Judd. Il semble malade, non ?

Sans attendre sa réponse, elle le lâcha et partit en direction de l'enfant. Il parut apeuré, mais trop fatigué pour esquiver la moindre retraite. Ce n'est que lorsqu'elle posa sa main sur son front que ses soupçons se confirmèrent. Il était bouillant de fièvre.

Elle se retourna vers Judd.

— Nous devons absolument l'emmener voir un médecin.

— Je suis d'accord Lithia, mais comment allons- nous nous faire comprendre ? So-ri n'est pas là....

— Pas besoin de lui, nous allons nous débrouiller, nous n'avons pas le choix ! le coupa-t-elle un peu vivement devant l'urgence.

Judd ne dit plus rien, car il la connaissait. Le cœur sur la main, rien ne l'empêcherait d'aider toutes les personnes qui le nécessitaient.

Lithia fouilla dans sa mémoire et trouva le mot : « docteur » afin de l'avertir. Il lui fit « non » de la tête et montra sa poche vide. Elle sortit de la sienne une des pièces de monnaie du pays. L'enfant compris et lui montra une échoppe d'un bras faible.

Elle se leva et le confia à Judd tandis qu'elle partait en direction de l'endroit.

Un vieux monsieur dégarni l'accueillit et elle lui tendit la pièce tout en montrant l'enfant, mimant la fièvre en posant la main sur son front. Il comprit aussitôt et l'invita à déposer l'enfant sur une natte à même le sol. 

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