4.2 - "Le chêne blanc" - Chp 2


Je suis en plein délire ! C'est le manque de sommeil !

— Il semblerait que vous ayez « Le dernier des mohicans » de James Cooper ?

Son américain était parfait. Juste un accent qu'il n'arrivait pas à cacher et qui rendait la fin de ses mots un peu raide. Curieuse, j'ai ouvert les yeux et sans faire de bruit, j'ai décalé ma tête pour tenter de l'apercevoir par le faible espace que me laissait la porte entrebâillée, mais il a avancé d'un pas à ce moment-là.

Mon frère a eu un instant d'hésitation avant de lui demander de l'attendre là. Ordre auquel l'étranger a obéi.

Zut ! Il sort de ma ligne de mire !

Mon frère s'est affairé afin de trouver le livre en question, puis le brandit avec fierté avant de lui tendre, une fois revenu à la porte.

— J'espère que vous ne serez pas déçu. Personnellement, je l'ai apprécié et n'ai pu m'en décrocher avant la fin. Lorsque vous l'aurez terminé, je trouverais plaisant de pouvoir en discuter avec vous ?

— Et je pense que le plaisir sera partagé, si j'en crois les critiques que j'ai entendues sur cette œuvre. Merci.

Sans une autre alternative, il fit demi-tour et parti sans omettre de lancer un œil dans ma direction, quelques secondes à l'arrêt devant le faible espace qui me trahissait.

Il m'a vu !

Si j'avais pu me frapper le front pour mon idiotie, je l'aurais fait, mais cela aurait été me trahir d'autant plus. Je suis restée là, immobile, les yeux rivés sur le peu que je pouvais voir de lui. Juste un peu. Suffisamment pour avoir le temps d'entrapercevoir sa nuque et la couleur de ses cheveux.

Aussi noirs que ses yeux.

Mon caractère impétueux reprit ses droits une fois qu'il fut parti et ma paume contre la porte l'a refermé d'un coup sec en la claquant.

— Il s'en est fallu de peu, me chuchota-t-il.

— Sais-tu qui il est ? Tu te rends compte qu'il était dans le bureau de père quand je suis allée le saluer. Il n'a rien dit ! Sa manière de faire est tout bonnement inacceptable ! Cet homme est un mufle doublé d'un goujat !

— Lithia...

— Il n'a aucun savoir-vivre ! Il est resté là, à nous épier dans nos retrouvailles avec père. J'espère ne plus avoir à faire avec lui. Doit-il bientôt partir ? Reste-t-il ce soir pour cette fichue mascarade ?

— Lithia !

Le ton impératif de William eut le don de me stopper net. Il n'utilisait jamais cette façon de parler, c'est que j'avais dû sacrément l'exaspérer.

D'abord décontenancée, je l'ai observée, les yeux grands ouverts, dubitative, puis sentant mon égo être piqué au vif, j'ai détourné la tête, levé mon menton et croisé mes bras.

Il expira, blasé de la situation.

— Cela va être difficile de l'éviter, Lithia. C'est le fils d'un ami de père qu'il a ramené avec lui de ses voyages. Il va rester chez nous un certain temps !

— Alors, je ferais comme s'il n'existait pas !

— Tiens donc ? En seras-tu seulement capable ?

— Oh ! Toi, tu... tu...

— Quoi moi ? surenchérit-il en venant me fixer de ses yeux rieurs.

— Tu... tu m'exaspères ! Voilà ! Maintenant, laisse-moi tranquille, j'ai besoin de réfléchir à une stratégie...

— Juste, je tiens à te préciser que tu es dans ma chambre... Ma chère sœur.

D'autant plus vexée par son rire, je suis partie de "sa" chambre... »


La porte s'ouvre avec énergie et fait s'éclater le semblant de calme que je tente d'instaurer dans mon crâne.

Nanny est de retour !

— M'zelle Lithia ! So'tez du bain ! Vous y êtes depuis des heu'es ! Vous allez avoir la peau toute f'ippée ! Quelle image allez-vous donner de vous ce soi' ?

Mon seul moment de plaisir et elle vient d'y mettre fin.

À contrecœur, je lève la tête et elle me fixe avec ses grands yeux dont le rond blanc semble déchaîné toute sa colère, une serviette entre les mains, attendant que je me décide à me lever.

J'obtempère avant que le cyclone ne m'atteigne.

— Je vous ai appo'té un plateau avec une collation. Vous devez manger avant de descend'e, commence-t-elle tout en me frottant avec autant d'énergie que si ma peau muait. Une jeune demoiselle comme vous doit avoi' un appétit de moineau devant tous ces messieurs. Dévo'er fe'ait mauvais gen'e ! Vous devez fai'e honneu' à vot'e pè'e, mademoiselle Lithia... Vous m'entendez ?

Je ne l'écoute plus. Ses litanies, je les connais par cœur. Picorer lors d'une réception est signe d'une bonne éducation.

Tu parles !

Pourquoi devrais-je me satisfaire d'une vulgaire collation, alors que ce soir, il y aura les meilleurs plats lors du buffet ? Je devrais seulement les regarder en souriant ? C'est hors-de-questions !

Vêtue d'une culotte basse, je me tiens à présent aux colonnes de mon lit tandis que Nanny s'évertue à me lacer mon corset.

— Nanny ! Serre encore plus fort et tu vas faire de la bouillie de mes organes ! Je dois aussi respirer, car ressembler à une carpe tout au long de la soirée ne ferait pas bon genre !

Elle souffle et ajoute :

— Cessez de 'âler, mademoiselle ! Je dois vous 'endre impeccable !

— Si ressembler à une momie, c'est être impeccable, Nanny, je ne peux qu'approuver ! je raille en observant son reflet dans le miroir à mes côtés.

Elle grimace et, d'un coup sec, tire, énervée, sur le dernier lacet.

Je ne peux m'empêcher de lâcher une expiration forcée sous le coup de son assaut.

— Nanny ! je la reprends.

— Pa'fait ! me répond-elle avec un petit sourire diabolique. Venez mett'e vot'e 'obe !

Je me retourne et la suis derrière le paravent avant de frémir d'horreur en découvrant la tenue qu'elle a choisie.

— Impossible, Nanny ! Je vais ressembler à une carpe asphyxiée prête à rentrer dans les ordres ! C'est non et non !

Sans prendre la peine de me répondre, elle lève les yeux au ciel et lui adresse une prière désespérée.

Sans hésiter, j'ouvre les portes de mon armoire et fais l'inventaire de mes tenues de réception. La déception m'envahit quand je réalise qu'il n'y en a aucune qui me convient pour ce soir jusqu'au moment où le souvenir d'un cadeau de mon père que je gardais emballé me revient en mémoire.

— Nanny ! Vite ! Va me chercher la tenue que père m'a offert la dernière fois ! Elle doit être dans une des malles de ma penderie.

Trop grande pour moi, à cette époque, je l'avais oubliée et enfermée à l'abri. Maintenant, elle doit être parfaite !

Exaspérée, j'entends Nanny souffler, mais obéir malgré tout à mes ordres.

Pendant ce temps, je récupère le carnet de bal qui doit servir pour ce soir et note délicatement l'énigme que doivent trouver les prétendants qui voudront danser avec moi.

Je souris de satisfaction. Il y a de grandes chances pour que ma soirée se passe tranquillement.

Au bout d'une demi-heure, Nanny revient en tenant dans ses bras une robe magnifique.

— Elle sera parfaite, Nanny !

— Elle est t'op déshabillée pou' vous, râle-t-elle encore.

Je sautille vers elle et l'embrasse fort sur sa joue potelée.

— Je vais bientôt avoir seize ans, Nanny, je ne suis plus une enfant ! Allez ! Aide-moi à m'habiller au lieu de bouder !

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