4.1 - "Le chêne blanc" - Chp 2
« ... Son approche si méticuleuse de la vie faisait que chaque instant passé ensemble, aussi insignifiants qu'ils puissent avoir été, prenait une tout autre dimension tant dans leur valeur que dans leur importance... »
Lithia Maineflower — Carnet de 1866 —
— Juin 1856 —
Plongée dans mon bain, j'apprécie cet instant de calme... avant la tempête.
Exposant leurs pétales blancs, des fleurs à la forme étoilée jonchent la surface de mon bain et se balancent au rythme des ondulations. Jamais je ne me lasserai de les admirer.
Comme des aimants miniatures, elles viennent m'entourer à chacun de mes mouvements tandis que le contact avec l'eau chaude dégage et intensifie leur senteur particulière qui s'imprègne sur ma peau.
C'est un cadeau de Père et cette plante grimpante s'appelle Jasmin. Elle vient de Chine.
Il connaît ma passion pour les plantes et la première fois qu'il m'a ramené des pieds, je suis restée sans voix devant leur beauté, complètement envoutée pas leur odeur. Depuis, je la cultive dans mes jardins privés où peu de personnes m'aident.
Je ferme les yeux et retiens ma respiration avant de me laisser glisser dans cette eau bienfaitrice. Le calme de cette bulle liquide est à l'inverse de ce que je ressens. Aussitôt, mes pensées se tournent vers cet étranger. Excédée, je grimace sous le voile blanc qui vient de se refermer au-dessus de moi.
Même ici, il ne me laisse pas tranquille. De dépit, je remonte à la surface et balaie les gouttes sur mon visage, mais mon geste reste en suspens devant ma bouche et je fronce les sourcils quand je me remémore les évènements de ce matin.
« ...Après avoir refermé cette maudite double porte et repris mes esprits en même temps que ma respiration, je suis partie en courant jusqu'à l'antre de mon frère William afin d'exprimer mon indignation.
J'ai gratté avec un rythme précis sur le bois blanc et dans les secondes qui s'en suivirent, j'ai entendu du remue-ménage avant d'être happée par une main lorsque la porte s'est ouverte dans une grande envolée.
— Rentre vite, idiote ! Tu veux que Nanny sache que tu sois là ? râla William.
— C'est bon, il n'y a personne ! Tu me prends pour une novice ?
Mon regard noir a dû le frapper de plein fouet, car il s'est arrêté de me taquiner et se mit à me fixer avec un peu plus de sérieux.
William est un rêveur, un inventeur rempli de grands idéaux. Toujours de drôles d'idées dans la tête qu'il met sur papier sous forme de dessins, de schémas accompagnés de calculs savants. Puis, il les empile dans un coin de sa chambre, disant qu'un jour, ils serviront et qu'il deviendra célèbre.
— Qu'est-ce qui t'amène, Lithia ? Je sens venir les complications quand je vois ce si joli minois devenir complètement diabolique.
— Tu me compares à un démon ?
— Ne fais pas semblant de t'offusquer, ma chère sœur ! Je sais que tu aimes quand je t'appelle ainsi.
Devant ses paroles imprégnées d'une fausse ironie, j'ai abandonné mon air vexé en même temps que le rire que je retenais.
— Alors, dis-moi tout ! Cela doit être important pour oser défier les ordres de Nanny ? Tu ne devrais pas être dans ta chambre, à te reposer avant le bal de ce soir ?
Je devins tout à coup silencieuse, ne sachant pas trop comment aborder la discussion. Je me suis avancé jusqu'à sa fenêtre afin d'observer le paysage pour me donner de la contenance tandis qu'il retournait à son bureau.
— Tu es déjà au courant ? Père est revenu.
— Ce n'est plus un secret, Lithia.
— Je l'ai su en revenant du quartier des esclaves, Liz a eu son bébé cette nuit.
William a redressé la tête et les yeux brillants, il me demanda :
— Et com...
— Ils vont bien, William. Ce fut éprouvant pour Liz, mais son bébé se porte à merveille. Un petit garçon, Judd. De toute façon, Amy, sa cousine veille sur eux pour le moment. Pour la suite, je demanderais à d'autres personnes de prendre le relais. Peut-être même que je vais demander à père de la faire travailler ici, dans la demeure afin qu'elle nous serve et que nous puissions la surveiller. L'arrivée de Père va grandement nous aider. Josh aurait refusé.
— Merci, Lithia.
Je savais qu'il avait un faible pour elle inavouable. Mariée pour se protéger, elle et son enfant à venir, à un esclave que William connaissait bien, celui-ci fut battu à mort par le régisseur Rufus Mac'Ol pour une faute qui n'aurait pas mérité un coup de fouet. Liz était maintenant dans son giron et son frère était mains et pieds liés face à cette situation.
Il attrapa ma main et la serra chaleureusement.
— Ça sert à ça, une petite sœur ! Pas qu'à t'embêter ! j'ai conclu en lui tirant la langue.
Des coups frappés à la porte nous surprennent et nous nous sommes immobilisés en cherchant des yeux un endroit où me cacher. William m'attrapa par les épaules et me poussa sans ménagement contre le mur, à côté de la porte tandis qu'il répondait d'attendre un instant.
Il se pencha et me chuchota rapidement :
— Quand je l'ouvrirai, reste bien derrière et ne te montre pas ! Je ne la fermerai pas ! D'ac ?
J'ai opiné sans trop avoir le choix et pris position.
Avec une nonchalance qui n'appartenait qu'à lui, il ouvrit comme si de rien n'était et accueillit la personne derrière.
— Oui ? demande mon frère.
— Votre père m'envoie jusqu'à vous...
Je me suis figée en entendant l'inconnu parler et aussitôt des yeux noirs sont venus se superposer à cette voix grave à la limite du chuchotement.
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