1 - Juin 1869 -

La brise marine caressait avec douceur le visage de Lithia. Elle fixait la ligne d'horizon avec une légère appréhension, car d'ici un jour ou deux, ils arriveraient à destination. La pâleur de son teint avait disparu et elle avait pris une teinte dorée depuis qu'elle avait embarqué, il y a trois semaines. Postée à l'avant du bateau, ses doigts agrippaient l'épais bastingage de bois renforcé de plaques de métal.

Lithia Maineflower était convaincue d'avoir pris la bonne décision, pour son fils Li-on, pour Judd ainsi que pour elle-même.

Abandonner sa vie avait été plus facile qu'elle ne le supposait, mais la guerre l'avait bien aidé. De son domaine à sa famille, elle avait tout perdu. Couper les liens ne lui avait pas brisé le cœur, au contraire. La guerre lui avait arraché bien des personnes, quelques-unes qui comptaient plus que sa propre vie. Elle avait eu beau les défendre ou les aider de tout son être, ils avaient péri.

Ce n'était pas les meilleurs qui restaient, car des personnes qu'elle avait aimées, tous l'avaient abandonné.

Heureusement, elle avait son fils Li-on, fruit de cet amour maudit par les cieux et Judd, son neveu, le fils de son frère William et de Liz, une esclave métisse.

Maintenant, c'était une nouvelle vie qui s'offrait à elle. La possibilité de changer son destin.

Jin-Soo.

Allait-elle le retrouver dans ce pays où elle se rendait ? Elle était capable de lire dans son âme, de pressentir le moindre de ses besoins et de ses ressentis, et pourtant, Lithia ignorait même où commencer à le chercher.

Un ami de son père avait accepté de la prendre sur son bateau, de la conduire jusqu'à la capitale, en même temps que son convoi. Une fois là-bas, elle utiliserait les quelques adresses qu'il lui avait donné pour des auberges sûres, un plan approximatif de la capitale Séoul, longtemps appelée Hang-iang et le nom d'une personne sûre qu'elle pouvait contacter en cas de besoin. Lithia était prête à affronter ce Nouveau Monde.

Avec elle, cinq malles. L'essentiel de ses affaires, mais une en particulier dans laquelle était enfermé le récit de sa vie. Des carnets qu'elle avait tenus, jour après jour, où elle retranscrivait tous les moments importants. Tout autant de joies que de déchirements. Son histoire avec lui. Lithia allait la mettre par écrit. Tous ses souvenirs, elle allait les raconter. Peut-être qu'un jour, il les lirait... et saurait qu'elle était là près de lui, qu'il avait un fils, qu'elle ne l'avait pas oublié.

C'était ce qu'elle espérait.

Elle baissa les paupières, leva son visage vers le soleil et le revit en pensée. L'image était floue et certains détails manquaient. La seule partie de son anatomie qu'elle n'oublierait jamais, c'était ses yeux. Ce fut la première chose qu'elle vit de lui.

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