27/ Convalescence
Le week-end a été court et mouvementé avec ce qui s'est passé avec Sarah. J'ai failli arriver en retard au lycée, j'ai franchi la porte de la classe juste avant le prof. Forcément Sarah n'était pas là. Les autres m'ont regardé avec interrogation, je savais ce que cela voulait dire : t'étais où et elle est où ?
A ce stade, je ne sais pas ce qu'ils savent. Sarah ne voudrait pas que tout le monde sache ce qu'elle a fait et en parle dans son dos.
Je m'assois et sors mes affaires de cours. Saphir est tournée vers moi et me regarde intensément : « qu'est-ce qu'il se passe ? »
Le prof commence à parler mais ne fait pas l'appel en premier.
Prof (se racle la gorge) : bonjour tout le monde. Alors avant de faire l'appel, Mlle VonGotten sera absente pendant une longue période pour raisons médicales, qui pourra se charger de lui transmettre les cours qu'elle manquera ?
Le silence se fait instantanément tout comme les regards tournés vers moi quand je réponds.
Marc : ce sera moi Monsieur. Ses parents me l'ont déjà demandé.
Prof : ah ... oui bien évidemment Mr Deloiselle... hmm d'ailleurs, pour cette heure-là vous demanderez à un de vos camarades de vous passer le cours du jour, vous êtes attendu à l'infirmerie, immédiatement !
Marc : Mais je n'ai rien Monsieur, pourquoi je... (Je ne dois rien dire car je pense comprendre pourquoi je dois y aller) euh oui d'accord...
Prof : bien prenez vos affaires... maintenant l'appel...
Je range en vitesse mes affaires et sort de la classe sous le regard médusé de mes camarades. Je suis bon pour un interrogatoire en règle !
J'arrive à l'infirmerie et je frappe à la porte. L'infirmière m'ouvre et me fait entrer dans son bureau.
Infirmière : bonjour Marc, je t'attendais.
Marc : bonjour. Pardonnez moi, mais qu'est-ce que je fais là ?
Infirmière : ce n'est pas l'infirmière que tu as devant toi, mais la psychologue. J'occupe les deux fonctions... je t'ai convoqué ce matin car je sais que ton week-end a été intense.
Marc : euh ... c'est à dire ?
Infirmière : Marc, nous connaissons les raisons de l'absence prolongée de Sarah VonGotten. Ses parents nous ont fourni un certificat émanant de son médecin. Et son médecin m'a contactée pour me préciser que tu avais passé le week-end en sa présence... en tant que psychologue, je dois évaluer ton état suite à cet événement qui aurait pu être tragique.
Marc : ( avec un peu de colère dans la voix) oui donc tout le monde est au courant pour Sarah ! Ça va donc parler dans son dos !! Elle va être la risée du lycée, pointée du doigt comme « celle qui a voulu se suicider » !! Ils vont la juger sans la connaître ... (soupire)
Infirmière : Marc, je comprends bien ce que tu ressens. Le service de la scolarité est obligé de connaître les raisons d'une absence prolongée. Ton professeur a dû vous prévenir qu'elle serait longuement absente, sans dévoiler les raisons.
Marc : les élèves vont se poser des questions !! J'ai tous ses amis qui vont me poser des questions !! Je ne veux pas que l'on parle de Sarah dans son dos !! Elle n'a pas à être jugée par des gens qui ne la connaissent pas !!
Infirmière : je te sens très protecteur envers elle... qu'as-tu éprouvé en apprenant ce qu'elle avait fait...
Marc (en émotion croissante): ce que j'ai éprouvé ? J'ai failli la perdre ... elle m'a écrit une lettre d'adieu où elle me demandait pardon ... je n'ai pas su la sortir de ce gouffre dans lequel elle était ... je n'ai pas réussi à voir qu'elle s'enfonçait... je l'ai abandonné... (Je m'arrête car les larmes ont jailli et plus aucun son ne sort)
L'infirmière attend que je me calme...
Infirmière : je te sens culpabiliser... pourquoi serais-tu responsable de son acte ?
Marc (plus calme mais ému) je sais que je ne suis pas responsable, elle n'avait plus la force de se battre, la souffrance qu'elle garde en elle l'a submergée... je m'en veux de ne pas avoir réussi à la sortir de cette coquille protectrice qu'elle a bâti autour d'elle...
Infirmière : tu sembles bien la connaître, tu as une grande perception de la sensibilité des gens... c'est plutôt rare ...
Marc : hmmm..
Infirmière : bon j'imagine qu'elle n'a pas voulu te voir ?
Marc : euh. Je suis la seule personne qu'elle accepte de voir en plus de ses parents ! J'ai passé mon dimanche avec elle. Mais elle ne se sent pas prête à voir les autres...
Infirmière : et tu ne sais pas comment leur dire ?
Marc : c'est délicat. Je ne veux pas leur mentir mais je ne veux pas tout leur dire !
Infirmière : et simplement leur dire que pour le moment Sarah est en convalescence et que les visites sont très limitées ? Et ils devraient comprendre et se douter que c'est quelque chose de grave qui est arrivé à leur amie.
Je n'y avais pas pensé ! Nous avons discuté pendant l'heure restante. A l'issue de l'entretien, elle estime que mon état psychologique est résistant et que mes sentiments sont normaux et non traumatiques. Elle me précise qu'elle peut me recevoir si j'ai besoin de parler.
Cela sonne pour l'inter cours. Je reprends mes affaires et retourne en classe. Je me réinstalle à ma place. Et même pas assis que j'entends la voix perchée de Fanny :
Fanny : alors ?!? Qu'est-ce qu'il se passe avec Sarah ?!?
Marc (avec un ton sec) : rien qui ne te concerne !
Fanny: allez tu peux le dire ! Ça se saura un jour de toute façon ! (De son petit air hautain) elle a pété un câble parce qu'elle n'a pas digéré sa rupture avec Pierre !! Elle est tellement naïve et romantique à croire à l'amour et aux âmes sœurs !!
J'ai senti la colère monter d'un seul coup sauf que je n'ai pas eu le temps d'agir ! J'ai vu Elodie lui attraper le bras et lui coller une gifle bien sonore avec un : « tu te prends pour qui pétasse pour juger les gens que tu ne connais pas !! Occupe toi de ton cul au lieu de celui des autres !! »
Fanny a tourné les talons, furieuse sous les cris de Elodie : « et tu peux aller te plaindre petite fille pourrie gâtée !! Je te giflerai à chaque fois que je t'entendrai salir le nom de Sarah !! »
Forcément ça a attiré l'attention de toute la classe ...
Marc ; merci Elo d'avoir défendu Sarah... quelle peste celle-là !
Elodie : hé Marco ! T'inquiètes on se doute que Sarah a besoin de temps pour nous voir !!
Marc : euh ...
Elodie : on est ses amis ! On sait qu'elle ne va pas bien depuis un moment... bon c'est plus grave qu'on ne pouvait l'imaginer... mais bref, on s'en fout ! Dis lui qu'on l'aime et qu'on pense à elle et qu'on a hâte qu'elle revienne !!
Marc : ah Elodie... merci, je lui dirai...
J'étais heureux. Nos amis avaient compris l'état de Sarah. Ils ne la jugeaient pas.
...
Mes journées à l'hôpital étaient rythmées ainsi : petit déjeuner avec visite de mes parents selon les jours , douche, 1h30 de thérapie individuelle ou familiale selon les jours, 2h de cours, déjeuner, 2h de cours l'après-midi, goûter et à partir de 17h30 Marc venait me voir. On discutait du lycée mais on travaillait ensemble les cours. Même si j'étais dispensée de certaines matières, je devais travailler le français pour le bac et les matières scientifiques !! Marc m'aidait pour les maths et la physique !!
Quand on ne travaillait pas, on avait pris l'habitude de regarder des séries sur l'ordinateur, demi-allongés sur le lit. J'aime ces moments là, je m'endors souvent la tête contre l'épaule de Marc ! Il se moque de moi parce que je connais par cœur le début de certains films et très peu la fin!!
Au moment de partir, il m'embrasse le front, j'ai pris l'habitude de ce geste. A chaque fois je le regarde, je lui fais ma moue de « tu t'en vas déjà », il me regarde en souriant et m'embrasse le front !! Il me murmure ensuite soit « bonne nuit princesse » soit « à demain princesse ».
Véronique m'a un jour demandée lors de nos séances ce que représente Marc pour moi. Je n'ai pas su lui répondre. J'ai dû y réfléchir un moment avant de lui donner une réponse.
Marc est pour moi un repère, je sais qu'il est là pour moi, il veille sur moi comme sa petite sœur. Il est attentionné, tendre. Il ne me brusque jamais sans pour autant tout céder à ce que je dis. Il prend en compte mon opinion mais me fait découvrir d'autres façons de penser. Je me sens apaisée quand je suis avec lui, j'arrive à me concentrer et à envisager un avenir serein.
Véronique m'a demandée si cet avenir je le vois avec lui. J'ai répondu qu'évidemment il ferait partie de ma vie, mais elle m'a demandée si je pensais être amoureuse de lui.
J'ai éclaté de rire à cette question ! Amoureuse moi ? Non je ne le suis pas et quand bien même il s'agit d'amour, Marc ne me voit pas comme cela. Il ne pourrait pas être aussi proche de moi sans rien tenter avec moi !! Un garçon de 17 ans, avec ses hormones en ébullition, ne se comporterait pas comme ça avec moi.
J'ai ajouté que c'était parce qu'il n'y avait pas de sentiments entre nous que je me sentais si bien avec lui, en totale sécurité, en harmonie.
Il me respecte, je le respecte !
Au bout d'un mois, je n'étais toujours pas sortie de la chambre jusqu'au jour où j'ai demandé à Marc de m'accompagner dehors dans le jardin. Je voulais faire quelque chose de différent.
Il a été surpris mais il m'a attrapé la main, nos doigts se sont entrelacés et nous sommes sortis de la chambre. Nous avons croisé des infirmières qui nous souriaient. Et une fois dans le jardin, j'ai pris une grande inspiration et nous avons marché doucement dans les allées. Nous nous sommes installés sous un petit faré et nous avons regardé la mer au loin.
Nous nous tenions toujours la main, Marc m'a regardé dans les yeux.
Marc : je suis fière de toi, tu sais ?
Sarah : pourquoi ?
Marc : je vois bien que tu vas de mieux en mieux. Tu sembles en paix avec toi même... tu es beaucoup plus joyeuse. Je te trouve même radieuse...
Sarah : vraiment ? Tu vas me faire rougir...
Marc : oui princesse. Tu as encore parfois cette tristesse dans les yeux, mais elle s'efface de plus en plus vite..
Sarah ; c'est vrai que tout n'est pas encore réglé... mais je comprends mieux certaines choses. J'ai beaucoup moins peur d'oser être moi-même. C'est grâce à toi aussi, tu es vraiment présent pour moi. Je me sens si rassurée avec toi. Tu as beaucoup d'importance pour moi et je te remercie d'être là. Tu m'as montré que je pouvais faire confiance à quelqu'un, me reposer pleinement sans être jugée, sans être abandonnée ! Je sais que notre relation est étrange aux yeux des autres mais cela m'importe peu ce qu'ils peuvent penser tant que toi tu l'acceptes telle qu'elle est...
Marc : bien sûr que oui ! Tu es importante dans ma vie et personne ne peut comprendre ce que l'on partage. Nous ne rentrons pas dans les cases. Je... je suis ton ami, ton confident, ton roc ... ce que tu veux... et je ne veux pas que cela change ... tant que toi cela te convient, ça me convient !
Sarah : j'aimerais bien revoir Saphir... et les autres aussi...
Marc : je viendrai avec Saphir d'abord. C'est quand même ta meilleure amie et vous devez avoir plein de choses à vous dire en tête à tête ! Vendredi après-midi ?
Sarah : pourquoi pas ... oui pour vendredi ! Et samedi avec tout le monde !
Marc : d'accord je m'en occupe !!
...
Cette première sortie à l'extérieur de sa chambre d'hôpital a été très importante pour Sarah. Elle reprenait goût à la vie avec les autres.
J'adore tous ces moments que l'on passe ensemble tous les deux. Ils n'appartiennent qu'à nous, mais je m'inquiétais qu'elle s'isole du reste de nos amis.
Pour la première fois, elle s'est exprimée sur ce qu'elle ressent par rapport à nous et notre relation. Elle ne parle pas d'amour, mais peu importe, un jour elle le comprendra. Elle sait que notre relation est ambiguë pour les autres, mais elle est très claire entre elle et moi.
Je suis d'accord avec elle. Être amoureux d'elle est un détail, je n'ai pas besoin de lui dire mes sentiments, je me comporte déjà avec elle comme si j'étais en couple avec elle.
Je l'aime sincèrement mais je me contente des petits gestes de tendresse qu'elle me laisse faire comme son baiser quotidien sur le front, nos chastes câlins et elle ne m'a pas non plus repoussé quand j'ai entrelacé ses doigts dans les miens ...
c'est vrai que parfois j'ai envie de lui crier mon amour, de l'embrasser ailleurs que sur son front ... mais je me contrôle. Elle ne comprendrait pas si je laissais parler mes hormones, je briserai sa confiance et elle penserait que j'ai fait tout ça pour qu'elle tombe dans mes bras. Alors que tout ce que je fais pour elle, je le fais par amour pour elle et je n'attends rien en retour.
Mais j'avoue que parfois c'est dur d'aimer à sens unique.
...
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