23/ Avancer et reculer

L'emploi du temps distribué, le nom des profs, le règlement intérieur signé, il ne reste que les livres à récupérer.
Je me lève comme les autres et me dirige sans réfléchir vers la salle où sont entreposés nos manuels scolaires. Je ne dis rien, je ne regarde personne. J'entends qu'on discute autour de moi, mais ce n'est que du bruit de fond. Seule la voix de Marc retient mon attention, il est toujours à côté de moi.

Marc : je trouve qu'on a un emploi du temps sympa. C'est cool qu'ils nous aient laissé le vendredi après-midi de libre! Tu ne trouves pas ?

Sarah : hmm. Je ne sais pas, il va falloir que je trouve une solution pour le transport...

Marc : comment ça ?

Sarah : mes parents ne pourront pas venir me chercher le soir à 17h30 et le mercredi et vendredi midi ça va être galère... bon le mercredi c'est sûrement Pablo comme l'an dernier... mais les autres jours ...

Marc : tu sais ! Tu pourrais rentrer avec moi, mon frère est revenu vivre à la maison ! Il pourra te ramener le soir !

Sarah : je ne veux pas déranger...

Marc : t'inquiètes et si ce n'est pas lui, mon père le fera quand il est là !! Tu demanderas à tes parents ?!?

Sarah : oui d'accord ... merci...

Mon cœur se remplissait d'une douce chaleur. Il m'avait vraiment manqué, son empathie, sa bienveillance... je souriais vraiment.

Nous avons récupéré nos livres et nous étions libérés jusqu'à lundi pour le début des cours. Je m'apprête à partir et appeler Pablo de venir me récupérer sauf qu'une main s'est posée sur mon épaule.
Je sursaute et fais tomber mon téléphone. Je me baisse pour le récupérer, étouffant un juron, quand une main se pose en même temps sur la mienne.
Ce contact bref m'électrise, je me relève et regarde la personne : Pierre est devant moi.

Pierre : bonjour Sarah. Pardon de t'avoir fait peur ...

Je n'ai pas su quoi dire. Je suis restée muette. Il a approché sa main de ma joue et l'a caressé doucement comme avant.

Marc : tu as l'air en forme Sarah. Je suis content de te voir. Bonne rentrée à toi, et prends soin de toi.

Il a lâché ma joue, et j'ai entendu Saphir parler sèchement :

Saphir : qu'est-ce que tu fais là !! Laisse Sarah tranquille tu lui as déjà assez fait de mal !!

Pierre : j'ai juste dit bonjour et ...

Sarah : ça va ... bonjour Saphir... ça va c'est bon il n'a rien fait de mal... à lundi...

Et je suis partie loin d'eux. Mon cœur s'est accéléré et mon noeud a l'estomac est aussi revenu !! J'avais l'impression que j'étais de nouveau poignardée de part en part. J'allais appeler Pablo, mais il avait attendu sur le parking.

Pablo : Sarah ! Je suis là !!

Je rentre dans la voiture, je tremble et je dois être pâle.

Pablo : Sarah ?!? Qu'est-ce qu'il y a ? Sarah ???

Sarah : rien... ça va, je réfléchissais à mon emploi du temps...

Je lui mentais, je savais qu'il le savait mais il n'a pas insisté...
revoir Pierre avait ébranlé mon cœur et mon esprit. Non seulement j'avais de nouveau adressé la parole à Marc, ce qui m'avait fait du bien, mais revoir Pierre avait de nouveau glacé mon cœur !!
J'avais été surprise que Saphir ait pris ma défense contre son frère... elle m'avait manqué elle aussi. Je me rendais compte que j'avais dû leur faire du mal en cessant de leur parler ...

La solitude n'était pas une solution... je commençais à le comprendre...

...

Avec nostalgie, j'avais accompagné Saphir à sa pré-rentrée. Avec Benjamin on voulait dire bonjour aux profs. Nous partions à Montpellier dans 2 mois pour les études du coup on était encore en mode vacances !

Saphir et Benjamin sortaient toujours ensemble, ils ne s'étaient rien promis, mais ils n'avaient pas l'air de vouloir se séparer. Ils profitaient des moments passés ensemble. Je les enviais parfois, puisque Benjamin vivait à la maison, j'aurai pu faire pareil avec Sarah peut-être...  mais j'étais convaincu qu'elle aurait souffert de notre séparation et les relations à distance auraient été impossibles surtout qu'elle n'aurait jamais eu les moyens de me rejoindre pour les vacances !

J'observais le flot d'élèves sortir quand je la reconnais. Elle n'est pas habillée comme d'habitude mais c'est elle j'en suis sûr ! Elle cherche son portable et je pose ma main sur son épaule. Elle sursaute et fait tomber son portable. Comme c'est ma faute, je me penche en même temps qu'elle pour lui ramasser son téléphone : nos mains s'effleurent doucement. Elle se relève et nos regards se croisent. Son regard est si vide, si fermé... suis-je responsable de ce changement ?!? Mon cœur se serre, elle a changé... je ne peux m'empêcher de lui caresser la joue. Je donnerai n'importe quoi pour la revoir sourire.
Je suis interrompu par ma sœur. Au ton employé, elle veut protéger son amie. Saphir me l'a bien fait comprendre pendant tous ces mois : par ma faute, elle a perdu sa meilleure amie et elle n'a pas su être présente pour elle puisque j'étais son frère !!

Sarah est partie bien vite après l'intervention de ma sœur.

Je devais faire quelque chose avant mon départ pour les études... je ne pouvais pas partir sans essayer quelque chose pour cette jeune fille que j'avais quand même aimé !

...

Une fois rentrée, je me sens épuisée. Je m'allonge et m'endors rapidement. Il est plus de 2h du matin quand je me réveille en sursaut. Mince, les parents ne m'ont pas réveillées. Je me change et retourne me coucher ... toutefois je n'ai plus sommeil. Je prends mon portable et je réactive mes applications sociales.

Effectivement, j'ai loupé de nombreux messages. Marc a été celui qui m'en a laissé le plus.

A cette heure tardive, j'ai pris le temps d'envoyer un message d'excuse à chacun de mes anciens amis. Ils m'avaient tous manqué. Je n'attendais pas leur pardon, je voulais juste être en paix avec moi-même.

Messenger Saphir -Sarah
Sarah : coucou Saphir. Je n'attends rien de ce message mais je voulais juste te demander pardon pour le mal que j'ai pu te faire en m'éloignant volontairement de vous tous. Je ne suis plus en colère contre ton frère non plus. Je ne l'aime plus. À lundi. Bises

Messenger à tous
Je te demande pardon pour mon comportement ces derniers mois. J'ai été malheureuse et je ne voulais pas t'embêter avec ce problème. J'ai choisi de gérer cette histoire seule et je me rends compte que ton amitié m'avait manqué. Je comprends si tu ne veux plus me parler, je voulais juste te présenter mes excuses. Bises.

Messenger à Marc
Il y a beaucoup de choses que je souhaiterai te dire, mais rien de ce que je dirai pourrait rattraper le temps perdu. Je te demande pardon de t'avoir mis de côté tous ces mois. Je ne voulais embêter personne et je voulais gérer ça seule. Je suis contente que tu m'aies parlé ce matin, je me suis rendue compte à quel point tu m'avais manqué et que vous m'aviez manqué. Je ne voulais pas vous impliquer dans cette histoire.
Bref. J'ai enfouie cette histoire loin dans mon cœur. Je ne l'aime plus (je ne sais pas pourquoi je te le dis) mais je ne comprends pas pourquoi c'est arrivé vu comment ça a finit. J'aurai dû t'écouter à l'époque mais tant pis c'est fait ... plus rien ne changera cela...
Bref je te demande pardon pour mon indifférence. Merci d'avoir essayé... à lundi. Bisous

Marc : nous avons toujours été là Sarah. Nous attendions que tu veuilles bien parler... mais ça n'est jamais arrivé...

Sarah : tu ne dors pas ? Désolé je t'ai réveillé ?!?

Marc : ne t'inquiètes pas. Je suis là c'est tout.

Sarah : je... je suis désolée...

Marc : c'est moi qui suis désolé. Je t'ai laissé tomber alors que tu avais besoin de soutien. J'aurai dû insister pour que tu parles au lieu de t'isoler ...

Sarah : 😊 merci mais n'en parlons plus... il se fait tard ... bonne nuit ...

Marc : bonne nuit Sarah

...

Ces quelques mots échangés m'ont fait énormément de bien. Je me raccrochais à cette idée que je n'étais plus seule... je ne voulais pas couler ...

...

Le lendemain, tous m'avaient répondu. Quelques mots ou un smiley. Cela m'avait donné assez de force pour affronter les parents concernant l'emploi du temps.

Comme je l'imaginais mon père était contrarié de devoir être taxi. Surtout qu'ils avaient ouvert une école de danse en plus de toutes leurs autres activités. 17h30 ce n'était pas pratique ! Pablo ne pourrait pas non plus s'occuper de moi puisqu'il était le prof de danse !

J'ai pris mon courage et j'ai proposé la solution de Marc.

Père : Marc ? Marc Deloiselle ?

Sarah : oui il est dans ma classe cette année aussi...

Père : si tu es sûr que ça ne l'embête pas, j'accepte sa proposition. On le dédommagera pour l'essence !

Sarah : merci papa

Ouf. Il avait accepté.

Messenger Sarah Marc
Sarah ; coucou ! T'es sûr pour me ramener le soir et les mercredis et vendredis ?!?
On vous dédommagera...

Marc : t'inquiètes !! Je te l'ai dit c'est soit mon père soit mon frère !! À lundi bisous

Sarah : bisous

...

Les cours ont commencé et le programme n'avait rien à voir avec l'année d'avant. Tout de suite on avait été submergé de travail.

Mes relations sociales s'étaient grandement améliorées avec les autres. Marc avait beaucoup contribué à mon retour parmi eux. Au début je ne parlais pas beaucoup, je leur disais bonjour puis je les écoutais.
Marc m'aidait aussi énormément pour les devoirs : en maths et en physique.
On était très proche et je me sentais bien en sa présence.
Sa famille était adorable : sa mère était très gentille avec moi quand elle me voyait. Elle m'appelait « ma fille » d'une façon si affectueuse, que je me sentais aimée. Marc était souvent exaspéré quand elle restait avec nous dans le salon pendant qu'on travaillait. Ça me faisait toujours rire.

Son frère, Frédérik était sympa. Il avait décidé de prendre une année sabbatique, les études ne lui convenaient pas. Il était souvent à la maison pour tenir éloignée sa mère de nous. Et il me ramenait de bon cœur le soir.
Il avait beaucoup d'humour.

Le père de Marc était plus discret, souvent absent mais très cordiale quand il me parlait.

Je me sentais presque chez moi, chez eux. Je connaissais l'emplacement des affaires, j'aidais aux tâches ménagères...

Mais malheureusement le rythme scolaire était intense, je stressais énormément sur les cours. Je dormais de moins en moins.
Marc me ramenait chez moi vers 18h30-19h.
Je mangeais seule puisque les parents étaient occupés avec la salle jusqu'à 21h/22h ...
je retournais travailler les cours jusqu'à 22h/23h et je me réveillais tôt, vers 4h-4h30 pour continuer d'apprendre mes leçons.
Je prenais quand mêmes les somnifères prescrits par mon médecin, mais ils ne me faisaient pas l'effet voulu. Au contraire, mon cerveau ne s'arrêtait plus !

J'étais mentalement épuisée mais je devais y arriver, il le fallait. Mon père exigeait l'excellence et j'en étais loin !! Pourtant je ne faisais pas semblant de travailler : fiches de révisions, fiches de fiches de révision, carte de révision... tout était motif de révision !! Mais certaines matières étaient plus dures et j'angoissais de ne pas réussir et de ne pas avoir de notes correctes...

Au premier trimestre, mon bulletin était satisfaisant pour mes professeurs avec des efforts à fournir en maths. J'ai eu comme commentaire de mon père : « c'est inadmissible que tu n'es pas de meilleures notes en math ! Les maths c'est la base !! Si tu ne sais pas compter, tu ne sauras rien faire dans ta vie »

Merci papa, mais là on me parle de calculer la limite d'une fonction !?!? Ça me sert à quoi dans la vie ?!?! A estimer si ma vie tends vers plus l'infini ou moins l'infini ?!?!

Pourtant j'étais parmi les bons élèves... mais ça il s'en moquait...

Je suis retournée voir mon médecin pour lui dire que je ne dormais plus ou presque. J'étais très angoissée par mes résultats scolaires et que je ne savais plus quoi faire pour être moins angoissée. Je ne me sentais pas capable d'y arriver et je ne voulais pas décevoir mon père ...

Le médecin n'était pas ravi. En plus d'autres somnifères, j'ai commencé les anxiolytiques. Il me les a prescrit à contre cœur car il était persuadé que je devais me prendre en main pour arrêter d'essayer de faire plaisir à mes parents. Je devais penser à moi.

Facile à dire ... à faire c'est plus compliqué à admettre !

...

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