Chapitre 8
Il y a quatre ans...
J'ai ruminé les propos de Carrihan pendant plusieurs semaines. Durant chacun de nos entraînements il m'a poussé à bout, m'a forcé à dépasser mes limites. Et même si au début je redoutais qu'il n'apprécie pas mes compétences, j'ai fini par me lâcher. Tous les matins, à l'aube et tous les soirs, après les cours nous nous entraînions. La routine n'était pas si épuisante et j'ai fini par m'habituer à me lever aux aurores.
Je sais que Carrihan se retient. Il semble toujours se donner à fond et termine les sessions en aussi mauvais état que moi, mais je réussi toujours à le mettre à terre. Et je sais que je suis douée, mais un démon de sa catégorie devrait me mettre en pièces. C'est la fin de la troisième semaine d'entraînement et ma patience a atteint sa limite. En arrivant à notre point de rendez-vous habituel le vendredi, je fulmine. Carrihan doit voir arriver une tornade en colère avec une moue boudeuse plaquée le visage.
- Ouh, tu as trébuché en sortant du lit ce matin ? Me demande-t-il mi- sérieux mi- amusé.
- Hilarant ! dis-je sèchement en levant les yeux au ciel.
- Sérieux qu'est-ce qui ce passe ?
- Quand vas-tu arrêter de me ménager ? Je demande presque méchamment.
Je sais qu'il pense que je ne suis pas prête à affronter ses pouvoirs et je crois que c'est ce qui m'énerve le plus. S'il pensait que je ne n'étais pas à la hauteur, il aurait du choisir quelqu'un d'autre.
- Comment ça te ménager ? Nous avons déjà largement dépassé le niveau que tu devras avoir dans deux ans, répond-il en fronçant les sourcils, je ne vois pas ce que tu veux de plus.
- Tu ne vois pas ? je demande en fonçant vers lui.
Ma main part si vite qu'il ne la voit pas venir. Mais il sent bien l'impact par contre. En un instant ses yeux s'embrasent et le gris si reposant devient rouge flamboyant. Ses cheveux volent dans tous les sens autour de son visage et sa peau devient si translucide que des veines bleues et rouges ressortent fortement. Soudain c'est comme si un mini climat se formait autour de nous et une tempête éclate, faisant tourbillonner les feuilles laissées par l'automne. Je me campe fermement sur mes pieds en sentant une force invisible, un champ magnétique ultra puissant m'éloigner de Carrihan. C'est exactement la réaction que j'attendais mais elle ne reste pas moins impressionnante. Malgré tout ce pouvoir qui déferle de lui, je parviens à rester debout, et j'en suis pas peu fière. La tempête faiblit, la force disparaît et les feuilles se reposent doucement sur le sol humide. J'ai l'impression que ce déchaînement de pouvoir a duré une éternité alors qu'en réalité, quelques secondes ont suffi à balayer le sol. Je suis surprise de découvrir Carrihan qui me regarde comme je le regarde, une espèce d'entente entre l'admiration et l'étonnement brille dans son regard.
- C'est de ça que je parlais ! Je lance dans un sourire.
- Je crois que tu ne te rends pas compte de ce que tu viens de faire, réplique-t-il en secouant la tête, ébahi.
- Oui je suis désolée je t'ai provoqué. Mais de mon point de vue ça valait le coup. Maintenant tu ne peux plus dire que tu ne me ménageais pas.
- Anna...
Des frissons me remontent le long de l'échine. Il est le seul à m'appeler Anna et j'aime bien ça.
- Je ne te ménageais pas, je faisais en sorte de ne pas te tuer. Mais, reprend-t-il après un instant, je vois que tu n'as pas besoin que je me retienne. Tu t'en sors très bien toute seule.
Il part dans un fou rire incontrôlable. Il est incapable de s'arrêter et il a les larmes au yeux. Je reste là comme une idiote à ne pas comprendre son éclat de folie. Je ne vois vraiment pas ce qui est drôle. Il reprend son souffle et s'essuie les yeux d'un revers de manche puis reprend plus sérieusement.
- Ce que tu e comprends pas Anna, c'est que n'importe qui, je dis bien n'importe qui, ayant déjà eu un cœur qui bat, se serait vu propulsé à des dizaines de mètres de moi. Sans parler du fait que la plupart seraient mort à l'heure actuelle. Et toi tu es là à me demander de ne pas te ménager et d'utiliser mon pouvoir, il termine les sourcils relevés et un sourire narquois aux lèvres.
- Qu'est ce que ça veut dire ? Je demande perplexe.
- Ça veut dire ma chère, que ton coté extraordinaire est bien plus extraordinaire que ce que je pensais.
- Oui enfin c'est pas comme si j'avais rien ressentit hein. Si je ne m'étais pas cramponné à mes baskets, je serais parti valdinguer dans les airs et j'aurais mordu la poussière comme tout le monde.
- Non pas comme tout le monde, toi tu as pu résister. Et avec un peu d'entraînement, tu pourrais résister à bien plus.
- Parfait alors apprends-moi, je réplique, plus que contente de me confronter à cet adversaire.
- Je ne peux pas t'apprendre cela, je dois t'apprendre des techniques de combats.
Il se fout de moi ! Il sait mieux que quiconque qu'il n'a pas besoin de m'apprendre de nouvelles techniques de combats. Je pense surtout qu'il n'y a jamais pensé et que m'initier à ce genre de combat ne fait juste pas partie de ses attributions.
- Tu veux dire que tu ne saurais pas m'apprendre cela, je rétorque d'un ton hautain.
- Je saurais t'apprendre n'importe quoi, c'est juste que, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
- Moi je pense que c'est une excellente idée, dis-je en croisant les bras sur ma poitrine, le poussant dans ses retranchements.
- C'est dangereux.
- C'est parfaitement logique si tu y penses. Plus je suis préparée, mieux je peux me protéger.
- Ce n'est pas conseillé.
- Mais pas interdit.
- Je ne sais pas tout sur ton don.
- Mais tu en sais suffisamment.
Il prend quelques instants de réflexions avant de répondre. Le visage sûr, les yeux braqués sur les miens et un petit sourire en coin aux lèvres.
- Très bien, dit-il vaincu, mais à une condition, il se rapproche de moi me surplombant de toute sa hauteur. Tu vas me laisser tenter de découvrir ton secret.
- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Enfin je veux dire, peut être que c'était juste de la chance, non ?
- De quoi as-tu peur Anna ? dit-il en se rapprochant encore plus de moi. Me faisant reculer d'autant.
- Peur ? Pff non j'ai pas peur ! Mais je pense qu'il n'y a rien à découvrir. On ne devrait pas perdre notre temps comme ça.
- Je pense au contraire qu'il y a beaucoup à découvrir sur toi, des choses que tu veux à tout prix garder secrètes.
- Bah du coup peut être que ça devrait rester secret.
- Tu admet qu'il y a quelque chose ?
- Non ! Pas du tout ! Je dis simplement que hypothétiquement si je voulait garder quelque chose secret, ça serait peut être bien de le garder ainsi. Et que hypothétiquement ça serait pour le bien de tous, et surtout pour celui de celle qui détient le secret. Je suis claire ?
- Pas vraiment mais je crois comprendre le principal. Tu sais ce que tu es, ou à peu près, ajoute-t-il alors que je m'apprête à le quitter. Tu ne veux pas que tout le monde le sache, j'acquiesce, et c'est autant pour ton bien que pour celui des autres, j'acquiesce à nouveau. Mais je ne suis pas tout le monde, il continue d'avancer me coinçant contre un arbre, et en tant que démon superviseur je me dois de te protéger. Et je ne pourrais le faire qu'en sachant tout.
Je tente de protester mais son regard me cloue sur place. OK. Peut être qu'il a raison. Peut-être que partager mon secret ne serais pas si terrible. Enfin pour ça il faudrait que je sache de quoi il retourne. Il découvrira qu'en fait, je n'ai absolument aucune idée de ce que je suis et c'est ça qui me terrifie. Je n'ai pas envie qu'il découvre que je suis un monstre. Enfin, je ne veux pas être un monstre parmi les monstres. Nous autres, les filles de l'orphelinat sommes déjà si peu dans notre monde que nous sommes considérées comme des étrangetés. Je fais déjà partie d'une minorité. Je n'ai aucune envie d'être encore plus seule.
Je ne veux pas être un monstre.
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J'espère que vous avez aimé ce chapitre ! Le prochain n'est pas encore écrit alors j'espère le finir dans la semaine ;D
Merci de lire n'hésitez pas à laisser un commentaire et un vote :D
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