Chapitre 4
Il y a quatre ans...
Je sentais que quelque chose allait se passer. Je ne savais pas quoi jusqu'à ce que je l'aperçoive arriver d'un pas nonchalant. Mais je le sentais. Ça fait trois jours que je lui ai parlé, et trois jours que je pense à cet échange. Je n'arrive pas bien à comprendre pourquoi mais il m'a perturbé plus que nécessaire. Bon d'accord j'avoue que j'avais un peu peur au début de me faire convoquer chez la cheffe des superviseurs. Avec l'altercation que j'ai eue avec Carrihan il y avait de grandes chances qu'il se soit plaint pour que j'écope d'une sanction disciplinaire, et avec ça sur mon dossier je ne pense pas pouvoir accéder au boulot que je veux. Et merde, moi qui ai toujours fait extrêmement attention à être irréprochable, c'est bien ma veine. J'ai la rage contre lui, c'est sûr, mais encore plus contre moi je pense. Il fait vraiment que j'arrive à me contrôler, je dois canaliser ma colère et ma frustration.
Après la colère est venue l'anxiété. Je n'ai pas été convoquée au bureau donc je suppose qu'il ne s'est pas plaint. Mais je me demande bien pourquoi ? Il n'avait vraiment pas l'air content lors de notre petit ''entretient'' et juste avant de m'éloigner de lui j'ai pu apercevoir une lueur de détermination dans son regard. Le genre qui fait peur. Le genre à faire frémir les morts. Je l'ai senti prêt à tout pour ce venger. Je pensais qu'il se ferait un plaisir de me dénoncer et comme ça de m'éliminer direct pour le poste qu'il cherche à pourvoir. Mais je sens maintenant qu'il a d'autres projets pour moi, c'est pourquoi je suis carrément figer sur place quand je le vois approcher de moi à la fin de mon cours de ''usages et coutumes des humains''.
C'est mon dernier cour de la journée et les autres ont déjà quitté le bâtiment. Il ne reste que moi et ma prof, la superviseuse Gaia, qui observe le nouvel arrivant d'un regard dur.
- Puis-je savoir ce qui vous amène ici, Carrihan ? Demande la superviseuse Gaia.
- Je dois m'entretenir en privé avec ma novice, répond Carrihan.
Je reste bouche bée. Il esquisse un sourire alors je me reprends.
- Mo...Moi ? Fais-je en me désignant d'un doigt sur la poitrine.
- Et depuis quand êtes vous son superviseur ? Et pourquoi n'en ai-je pas été informée ? Se renfrogne ma prof, en croisant les bras.
- C'est plutôt récent c'est vrai, consent Carrihan, mais j'ai les papiers en ordre. Tenez, termine-t-il en lui tendant le papier qui, j'en suis persuadée, signe mon arrêt de mort.
La superviseuse Gaia prend la maudite feuille et j'espère secrètement qu'une tornade l'emporte loin d'ici en prenant Carrihan au passage. Elle lit le papier attentivement avant de reporter son regard sur moi. Elle m'offre un sourire d'encouragement d'un air blasé, comme si elle pensait elle aussi que j'allais finir à bruler dans les flammes de l'enfer, littéralement.
- Ces papiers sont en ordres. Je vous laisse donc avec votre novice qui est, je tiens à vous informer, l'un de nos meilleurs éléments.
Puis elle tourne les talons et quitte le bâtiment à son tour. Je soulève un sourcil, surprise. Je ne reçois pas souvent de compliment, mais j'ai l'intuition que c'était plutôt une mise en garde, envers Carrihan. Et ça me fait encore plus plaisir. Si elle pense nécessaire de le prévenir de mes compétences c'est qu'elle me crois capable de lui mettre une raclée.
Je tourne la tête vers Carrihan, un sourire victorieux toujours accroché aux lèvres :
- T'es pas sérieux j'espère ?!
- On ne peut plus sérieux, répond-il, les yeux fixés aux miens.
Mais c'est qu'il a l'air sincère en plus !
- Mais pourquoi ? Et d'ailleurs pourquoi tu ne m'as pas dénoncé ? Je rétorque sur la défensive.
- Dénoncé ? Mais pourquoi je t'aurais dénoncé ?
A son sourire, je comprends qu'il se moque de moi. Je déteste ça mais bon je ne dois pas m'énerver. S'il est réellement mon nouveau superviseur autant essayer de montrer patte blanche.
- Je suis navré pour...
- Je m'excuse pour...
On a parlé en même temps. Tout à coup la tension se dissipe et je respire mieux. Il me tend sa main après avoir lui aussi expulsé tout l'air de ses poumons :
- On efface tout et on recommence, dit-il, Carrihan, ton nouveau superviseur, ravi de te rencontrer, il esquisse un sourire.
- Annabeth, ravi moi aussi, je serre sa main et le fixe dans les yeux. Mais au faite, pourquoi mon nouveau superviseur ?
Ses yeux se voilent et il semble gêné pendant un instant. Il reprend vite contenance et me réponds nonchalamment :
- Bah c'est pas tous les jours que je me fais mettre à terre, dit-il en soulevant les sourcils, je ris en me remémorant la scène. Donc je me devais de te connaître. Mais j'ai appris que d'autres avaient des vus sur toi, je pouvais pas passer à coté de cette occasion.
- Des vus sur moi ? je ne comprends pas.
- Un potentiel comme le tien attire les démons qui veulent se faire bien voir, reprend-il, voyant que je ne le suis pas. Tu sais ce que je fais ici ? Je hoche la tête. Donc tu sais aussi que je ne suis pas le seul à pouvoir présenter une prétendante au titre, je n'ai aucune envie de me faire passer devant par un démon de seconde zone, termine-il tout aussi naturellement.
Je souris à mon tour, occultant la pointe de déception que je ressens. Je dois bien admettre que l'entendre vanter mes mérites comme si cela valait de soit me réchauffe le cœur. J'aime être reconnu pour mes compétences et à ma juste valeur.
- Je pense qu'on va bien s'amuser, t'as de l'humour et t'es plutôt franche, ça change de toutes les lèches culs qui viennent me voir depuis que je suis arrivé, continu-t-il en fronçant les sourcils et en frémissant de dégout, il n'est quand même pas effrayé pas une bande d'ados carriéristes et pleines d'hormones ? Si ?
- Tu parles de tes groupies ? je réponds amusé en haussant les sourcils. Je crois bien qu'une petite dizaine de filles t'attendent à la sortie prête à tout pour que tu leur accordes ton attention.
Il rigole puis plonge dans mes yeux :
- J'ai rien à craindre, tant que je suis avec toi, je sais que tu sauras me sauver.
Il a l'air tellement sérieux que je ne peux m'empêcher de pouffer. Mince, je ne suis pas ce genre de greluche habituellement mais il est marrant. J'y peux rien.
- Bon est ça veux dire quoi exactement ''superviseur'' ? Ca fait de toi mon gardien ou quelque chose comme ça ?
- Quelque chose comme ça, souffle-t-il, amusé. Ou plutôt comme ton surveillant personnel. Je n'ai pas grand choses à t'apprendre je pense, mais on aura quand même des séances d'entrainement à deux tous les matins avant les cours, et deux fois pas semaine après les cours. On devra aussi passer les samedis ensemble pour apprendre à se connaître et que je t'enseigne les fondamentaux à connaître sur les enfers.
Je rigole encore plus sans pouvoir m'arrêter. Il est encore plus bavard que moi en fait, ça en est hilarant. Je regarde ses sourcils et en les voyant se rapprocher je rigole encore plus. Il a l'air vraiment confus et je ne sais pas si je vais pouvoir m'arrêter un jour de rire.
Je prends une grande inspiration pour me calmer et fixe ses yeux gris. Il a vraiment des yeux magnifiques, en toute honnêteté, j'en suis presque jalouse.
- Ok, ok ... C'était pas si drôle désolé, je dis plus calmement. Mais tu t'emballes peut-être un peu non ? On dirait qu'on va passer nos journées ensemble.
- Bah oui je suis ton superviseur donc je vais passer mes journées avec toi, te suivre, t'étudier, t'enseigner. Ça sera rien que toi et moi.
- Mais...enfin, je n'en reviens pas, tu vas quand même pas régenter ma vie ? dis-je en commençant à m'énerver.
- Ce n'est pas régenter ta vie, mais tu vas devoir me faire une place dedans. On peut faire en sorte que ça se passe bien, que je m'intègre à tes amies, ou alors je peux me faire invisible si tu le désires. Mais dans tous les cas je dois être à tes cotés.
J'ai l'impression qu'il ne comprend pas bien pourquoi je m'énerve. Il pense sûrement que je devrais être honoré de pouvoir simplement passer du temps avec lui, que j'en rêve toutes les nuits. Bon c'est vrai que j'ai rêvé de lui mais ce n'était vraiment pas un contexte agréable, je ne vais pas m'étendre mais c'était plutôt moi torturée, et lui en tortionnaire sadique. Oui, je pensais réellement qu'il trouverait un moyen de se venger. Et bien, de toute évidence, il a trouvé ma prestation plutôt encourageante. Je ne me plains pas, j'aurais pus me retrouver six pieds sous terre à bouffer les pissenlits par la racine. Je suis ravie de ne pas être morte même si j'admets ne pas être vraiment d'accord avec ce qu'il me propose.
- Bon que les choses soient bien claires entre nous Balthazar, Je ne te demande pas de te faire passer pour l'homme invisible, je sais que tu n'y arriveras pas. C'est vrai, regarde toi ! T'as plus des airs de The Rock ! Il me regarde perplexe, c'est un catcheur, acteur, chanteur... Bref on s'en fout de ça. Juste pour te dire que tu ne passeras jamais inaperçu donc pas la peine d'essayer, je souffle un bon coup et enchaine, de toute façon tout le monde te connaît ici et tout le monde comprendra vite de quoi il retourne en te voyant me coller aux basques. Heureusement qu'il y a une clause de non violence ici, sinon je sens que tu aurais fait un carnage coté groupies. Je le vois esquisser une grimace, ne t'inquiète pas de toute façons je ne reste qu'avec Léanora, et tu l'as déjà vu, je termine.
- C'est vrai. Vous faites d'ailleurs une bonne équipe toutes les deux. Il hésite avant de reprendre, j'ai cru déceler de la colère dans ta voix, serais-tu énervé contre quelque chose ?
Je sais bien que c'est un démon et qu'il a peu de relation avec des gens normaux, mais sérieusement, est-ce que je suis énervé ? Bien sur que oui ! Je n'ai pas envie de partager les moindres moments de ma vie avec un inconnu qui va me scruter en long, en large et en travers pour finalement s'apercevoir que je ne suis pas la personne qui lui faut.
Quelque chose dans son regard me trouble. Il a l'air réellement confus, comme s'il ne lui venait pas à l'esprit qu'il pourrait être la source de mal colère. A cet instant, on dirait un enfant, un enfant qui essaye de capter un truc mais qui échoue lamentablement, et bizarrement ça me fend le cœur.
- Peut être que là d'où tu viens c'est normal d'annoncer ce genre de nouvelle, mais ici, en tout cas pour moi, c'est plus que désagréable d'entendre ça, je m'explique calmement et il semble pendu à mes lèvres, avide de savoir sur l'esprit des êtres vivants, des femmes et plus particulièrement sur moi. Je n'aime pas que l'on me dise ce que je dois faire, où je dois aller. J'ai un libre arbitre et j'aimerais le garder. J'ai également l'impression que tu te prends pour un dieu vivant et c'est très dérangeant.
Il grimace au mot « dieu » mais ne fait aucun commentaire. Il encaisse avec grâce cette critique ce qui le fait grimper dans mon estime. En revanche, je ne peux m'empêcher de demander :
- Pourquoi tu acceptes ces reproches sans broncher ? Pourquoi tu ne t'énerves pas ?
- Bah... Je ne vois pas le souci. Si c'est ce que tu ressens, je dois en prendre note pour éviter que cela se reproduise.
- Oui mais... Pourquoi ?
- Je ne sais pas trop à vrai dire. Tu m'intrigue, ça c'est sûr. Et puisque l'on va passer énormément de temps ensemble, je suis d'avis que nous fassions connaissance et essayions de nous comporter du mieux possible pour tout le monde. Je vais essayer de faire des efforts pour pas que tu te sentes spoiler et en contre partie tu me protègeras de toutes ses folles qui veulent me prouver leur talent, termine-t-il avec un clin d'œil.
Voilà le retour du grand Carrihan, arrogant et immature. J'affectionne celui qui est prévenant et aimable mais il me fait un peu peur. Je ne sais pas comment le cerner. Tandis que lui je sais comment m'y prendre pour rendre les choses faciles.
- Je te protège si je veux, je reprend sérieuse, énerve moi et ça ne sera pas d'elles que tu devras te protéger, je termine en haussant les sourcils avec un sourire en coin.
Il pouffe (tient donc lui aussi se met à pouffer) et nous quittons la salle de classe. Heureusement que c'était le dernier cour de la journée car on a discuté bien plus longtemps que je ne le pensais.
Carrihan s'éloigne en lançant un « demain sept heures ! » et un large sourire aux lèvres. Hum ces lèvres... NON pas ça ! Mais enfin Annabeth reprends toi ! Je ne dois pas me laisser amadouer par son joli minois. Je dois avant tout lui faire comprendre que le travail pour lequel il veut me recruter ne me correspond pas. Je ne serais pas à la hauteur puisque je ne veux pas être à la hauteur.
Je dois arriver à lui faire comprendre qu'il m'a surestimé. Je ne suis pas celle qu'il cherche. Mais après tout peut être suis-je celle que lui cherche, et pour une tout autre raison.
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Si vous êtes arrivé jusqu'ici j'espère que ça vous à plus ^^en tous cas Merci Merci!!
Voilà le dernier chapitre pour cette semaine je pense. Si vous voulez laisser un commentaire positif ou négatif, des conseils, des questions, n'hésitez pas.
Merci beaucoup de lire mon histoire :)
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