Chapitre 3
Je ne sais pas quand il a prévu d'arriver mais je suis loin d'être pressée. Après avoir discuté avec lui je me sens plus perdue que jamais. J'ai été forcée de lui donner mon adresse si je ne voulais pas me retrouver avec un cadavre à mes pieds. Je pensais qu'il se contenterait de la ville où je me trouve mais il n'a rien voulu entendre et je me retrouve maintenant à me demander si je n'aurais pas mieux fait d'accepter une place en résidence universitaire.
J'y avais eu droit grâce à mon « magnifique » dossier scolaire que j'avais pris soin de falsifier. On ne peut décemment pas dire que l'on vient d'une école de Néphilim qui a pour but de fournir ciel et enfer en personnel qualifiés, sauf si on veut obtenir au plus vite une place à l'hôpital psychiatrique le plus proche. Mais ce n'est pas dans mes plans pour l'instant, peut-être qu'à la fin de ma vie je déciderais avoir bien mérité ma retraite auprès des seules personnes que je trouve saines d'esprit sur cette terre, mais pas tout de suite.
Sauf que voilà, j'avais refusé cette opportunité, ce que je regrette maintenant amèrement, pour un loft dans un quartier industriel laissé à l'abandon. Pour me rendre à la fac en voiture je mets une petite demie heure, mais en réalité seul un petit bois m'en sépare. Chaleureux et accueillant, il s'étend en réalité tout autour de la zone industrielle avec seulement une route le traversant à l'opposé de la faculté. Je m'y sens bien, comme dans un cocon, le soleil perse les rangées d'arbres feuillus et verdoyant de ses rayons lumineux. Il y règne une atmosphère paisible, loin de la cohue de la ville, avec le chant des petits oiseaux qui partiront à l'approche de l'hiver. Pour l'instant, en ce début d'automne, les animaux se prélassent gentiment sur la mousse humide en appréciant grandement l'ombre offerte par la végétation environnante. Je le traverse tous les jours en quelques minutes et c'est bien plus agréable que la voiture ou les transports en commun je vous l'assure.
Mon logement, plutôt sympa et avec suffisamment de place pour tous mes équipements, car même si j'ai quitté l'académie à la fin de ma formation il y a maintenant deux ans, je n'ai jamais pu arrêter mes entrainements quotidiens, possède une vaste baie vitré face à ce bois. Une cuisine ouverte sur le salon, où j'entrepose tout mon matériel sportif, Une grande salle de bain, parce que j'ai eu l'occasion d'utiliser une baignoire pour la première fois en arrivant chez Carrihan et je suis maintenant incapable de m'en passer. J'aimerais pourvoir l'oublier mais c'est impossible. Je me rends bien compte que j'ai découvert absolument tout, chez lui, avec lui. Je crois avoir fait toutes mes premières fois avec lui. Ma première relation amoureuse, ma première fois, mes premiers pas dans la vie active loin de l'orphelinat, ma première trahison, ma première peine de cœur et ma première fuite. Grâce, ou à cause de lui, j'ai expérimenté toutes ces chose qui font d'une vie la peine d'être vécue. Et maintenant je suis terrifiée à la simple idée de le revoir, de poser mes yeux sur ses lèvres que j'ai tant aimé mordre, sur ses mains qui m'ont mené à l'extase et sur ses yeux qui m'ont promis l'éternité.
Pour arrêter de me poser toutes ses questions je n'ai pas mille solutions, le sport. Avant j'allais à la piscine, c'était mon lieu préféré au monde. J'y avais tellement de souvenirs heureux, mais il a réussi à changer ça, il s'est incrusté dans la moindre parcelle de ma vie et maintenant j'y ressens surtout de la peine, une tristesse infinie. Donc pour évacuer ma colère et ma frustration, rien de mieux que des sport de combats. Le problème c'est que je ne peux pas pratiquer dans un gymnase, les gens se poseraient des questions sur cette fille qui peut détruire un sac de sable d'un coup de pied bien placé ou vaincre n'importe lequel de ses adversaires, même le plus balaise des combattants. Ce n'est pas que je me vante, mais il ne faut pas oublier que je suis une Néphilim donc que mes capacités physiques vont bien au delà de celle des humains. Je ne peux pas me permettre de m'acheter tout ce que je veux j'ai donc du faire avec les moyens du bord. L'un des avantages à vivre dans une ancienne zone industrielle, outre le bonheur de ne pas avoir de voisins à des centaines de mètres à la ronde, est de pouvoir trouver tout un tat de matériaux parfaits pour me fabriquer mes propres structures d'entrainement. J'ai réussi à récolter tout le nécessaire pour me confectionner une « cage à poule » plutôt rudimentaire (une espèce de structure qui permet de pratiquer le parcours – chez nous on appelait plutôt ça « entrainement à la survie en milieu hostile » mais chacun son éducation) ainsi que des sacs de sable qui sont en réalité des sacs d'acier.
L'équipement n'est pas aussi sophistiqué qu'à l'académie et encore moins que chez Carrihan, qui avait mis un point d'honneur à me fournir tout le matériel nécessaire même si je ne lui ai jamais rien demandé. Mais il me permet de me maintenir en forme et je n'ai pas besoin de dépenser un centime.
Je me place devant l'un des sacs et commence à frapper. A chaque coup, je crache une insulte. Connard arrogant ! Un coup. Traitre ! Un coup. Prétentieux homme des cavernes ! Un coup.
Je n'arrive pas à croire qu'il sera là bientôt. Mais merde, de quel droit il vient me surveiller ? Je ne suis pas sa propriété, et encore moins sa chose. Je ne lui appartiens pas et ne lui ai jamais appartenu. Ce n'est pas parce qu'il en a toujours eu envie que c'est chose faite. Je l'ai aimé, passionnément, nous avons vécu des choses magnifiques ensemble mais j'ai toujours été très claire : Je suis une femme indépendante. Je l'ai toujours été. J'avais des amies à l'orphelinat, bien sûr, mais je n'ai jamais eu besoins que l'on s'occupe de moi. J'étais la comique du groupe, plutôt calme et reposée quoiqu'un peu extravertie et excentrique. Mais ce n'est pas parce que je ne cherche pas la confrontation que je suis une petite chose fragile et sans défense. Je sais choisir mes batailles voilà tout. D'ailleurs pour gagner face à Carrihan je vais devoir la jouer fine.
Je continue de frapper comme si ma vie en dépendait, ce qui semble être le cas. Je suis rentrée directement après ma communication avec lui, en courant, par le bois, pour me défouler. Mais ça n'a pas suffit. Je me retrouve donc dans mon salon avec déjà deux sacs détruits et je ne suis pas loin d'achever le troisième. Je me décale vers mon « homme d'entrainement », une espèce de tronc d'arbre avec des bras d'acier et qui pivote en réaction à mes coups. Je ne compte plus mes blessures, j'ai les mains en sang et j'aurais bientôt les avants bras couverts de bleues. Je suis déchainée et lorsque je me retourne pour y assener un coup de pied, j'aperçois Carrihan à la place de mon matériel. Mon sang ne fait qu'un tour et je déploie toute ma force pour le percuter en plein thorax. Mais il l'esquive avec brio et se repositionne pour m'attaquer. J'en suis plus que ravie, je ne pense pas que j'aurais été en mesure de m'arrêter en si bon chemin. Le voir là avec son éternel sourire arrogant, fait remonter en moi des envies de meurtres. De plus, il sait que pendant mes entrainements, je suis dans une sorte de transe et qu'il ne faut pas me déranger. J'en joue peut-être un peu mais là, tout de suite, je suis ravie d'avoir une excuse pour lui taper dessus. Il profite que je sois en pleines réflexions pour me frapper deux fois au visage. J'évite de justesse son coup de coude et me replace. Je lui assène un directe dans le nez avec toute ma force, mais je sors d'un entrainement de plusieurs heures et je sais, tout comme lui, que je ne suis pas au top de ma forme. Il va en profiter, jouer sur mes points faibles. Il n'arrive pas à éviter ce coup et la puissance que j'y ai mise le déstabilise un instant. C'est peu de temps mais suffisant pour que je lui fasse un croche-pattes qui le met au sol. Il tente de reprendre l'ascendant sur moi avec une prise de judo pour me retourner. Ce qu'il ne sait pas c'est que je n'ai plus les mêmes faiblesses qu'avant, j'ai changé, évolué, pour devenir une combattante plus aguerrie. Je saurais vaincre presque n'importe qui. Je profite de son propre élan pour le mettre dans une position encore plus désavantageuse pour lui. Le choc lui coupe le souffle et je souris. Il ne s'attendait pas à ce que je le domine. Il pensait sûrement que mon année passée loin de lui m'avait ramolli. Déjà lorsque je me battais avec lui nous étions à deux doigts de nous entretuer. Aucun de nous ne voulant lâcher l'affaire, têtus que nous sommes, nous terminions souvent nos séances dans un état lamentable. Avec tout juste assez de forces pour... enfin... terminer en beauté avec une baise torride quoi. Ce n'est pas pour être vulgaire, mais il faut dire les choses comme elles sont.
C'est quand ses souvenirs refont surface, et que des anciens sentiments surgissent, que je me rends compte que je me suis fait piéger. Je me stop instantanément. Je suis à califourchon sur lui, il a le visage en sang mais je ne le trouve que plus attirant encore. Des flashs me submergent, je nous revoie dans le gymnase de l'académie, dans cette même position, les vêtements en moins, ce n'était pas la première fois mais je crois bien que ça a été la plus folle. Le risque de se faire surprendre, la passion animale. Le sexe et le combat proviennent peut-être de cette même partie du cerveau, celle que l'on ne contrôle plus. Celle qui dirige nos pulsions, celle qui sait sans que nous ne choisissions. Peut-être que je me voile la face, peut-être que cette partie ne fait que ressortir ce que l'on ne veut pas s'admettre.
Toujours est-il que sans que je m'en sois aperçue, je suis allongée sur le dos avec un Carrihan haletant au dessus de moi et qui rapproche son visage du mien. Il n'attend pas ma permission et fond sur mes lèvres. Les siennes sont chaudes et portent le gout du réconfort. Un sentiment de sécurité m'assaille et je lutte pour m'en défaire. Sans perdre un instant je mords profondément sa lèvre inferieure. Il tente de se dégager mais je maintiens ma prise. Ce n'est que lorsque le goût du sang empli ma bouche que je le relâche. Il se recule dans un grondement rauque et me regarde, surpris et quelque peu amusé. Je me relève en vitesse, m'époussette pour me donner une contenance, et plante mes yeux dans les siens. Difficile de ne pas s'y perdre mais je résiste. Ne plus jamais me montrer faible devant lui.
- Je t'ai prévenu, je lance en le fixant. Quand on m'approche, je mords.
Et je le laisse là. Je quitte le salon, passe par ma chambre pour prendre une tenue de rechange et part m'enfermer dans la salle de bain.
J'allume la douche, la laisse chauffer pendant que je me déshabille, puis me glisse sous l'eau. Je laisse la chaleur détendre mes muscles endoloris tout en regardant le tourbillon de sang à mes pieds. Il ne m'a pas loupé, en plus des entailles que je me suis faites pendant mon entrainement, j'ai écopé d'une plaie à l'arcade sourcilière qui ne veut pas s'arrêter de saigner et j'ai la lèvre fendue. Je réalise seulement qu'il est là, chez moi. Ce n'est pas un rêve. Il est venu et tout espoir s'est envolé. Je vois mes rêves d'une vie simple et heureuse s'éloigner au galop. Je vais devoir le supporter, endurer ses sarcasmes, son caractère d'ours mal léché et son corps d'une tentation ridicule.
Merde ! Il est là, chez moi ! Je me dépêche de me laver et sort de la douche. Je m'habille en vitesse, j'espère de tout cœur qu'il est parti. Qu'il a compris que je ne veux rien avoir à faire avec lui et que son petit manège ne m'amuse pas du tout. Je soupire tout en me disant que peu importe ce qu'il a compris ou pas, il ne fera pas d'efforts. Il n'en fera qu'à sa tête et je me dois de l'endurer, de reconstruire ma carapace qu'il avait si bien détruite la première fois. Je me dois de lui prouver qu'il n'a pas sa place dans ma vie, dans ce monde. Je sais que moi j'y suis parfaitement bien. Je veux qu'il retourne d'où il vient et qu'il me laisse en paix. Je n'ai jamais demandé à vivre la vie qu'il veut que je mène. Il ne m'a peut-être pas bien compris les cent premières fois que je lui ai dit mais je ne veux plus de lui. Bon ce n'est pas totalement vrai mais je refuse de vivre sous sa coupe ; et si je dois lui arracher le cœur de mes propres mains pour le lui prouver je le ferais.
Je ferme les yeux, souffle une dernière fois, puis sort de la salle de bain. Je sais qu'il est toujours là, je le sens. Je le cherche des yeux un instant et l'aperçois sur le canapé, il s'est changé. Comment ? Il n'est pas sorti d'ici je le saurais sinon. Mon regard fait le tour de la pièce et je bloque sur un sac. Son sac. Un sac de voyage. Non mais je rêve !
J'ai dû dire ça à voix haute parce qu'il se retourne, confus, puis suit mon regard et ses yeux s'illuminent.
- Je suppose que tu n'as pas de chambre d'amis ? Non pas que dormir avec toi me dérangerait mais je suppose que toi, en revanche, tu n'apprécierais pas...
- Merci de ta considération... je le coupe, ironique.
- Donc je vais m'installer sur le canapé. Je me suis également inscrit dans les mêmes cours que toi. Psychologie, il a un petit rire, je dois avouer que ça me servirais bien en se moment. Bien évidemment j'attends de toi que tu me dises les raisons de ton départ et que tu me racontes ta vie ici. Si quelque chose me déplais je me réserve le droit de le changer.
Je ne suis pas surprise de l'entendre me dire ça. Dans notre couple, l'handicapé des sentiments c'était moi. Il s'est toujours exprimé sur tout, ça en était parfois gênant car il découvrait des sentiments et des émotions en même temps qu'il me les disait. Il est franc et honnête, et c'est entre autre ce que j'aimais chez lui. Je ne suis pas sûre de savoir pourquoi mais ça me réjouit de savoir qu'il l'est toujours. Je devrais m'offusquer de tout ce qu'il m'a dit mais la seule chose que je retiens c'est :
- Tu t'installes chez moi ?
- Oui et je prends les même cours que toi donc on ira à la fac ensemble.
Je souffle, résigné à me le coltiner à longueur de journée. Après tout je n'ai pas le choix, enfin le choix je l'ai eu, et j'ai décidé de sauver la vie d'un inconnu bourré. A présent c'est soit ça, soit un retour forcé en enfer. Y a pas à réfléchir longtemps. Quoique, en le voyant debout dans mon salon, l'enfer semble tentant, mais je me souviens vite que même en enfer, il serait là. Il est toujours là.
Je lance un coup d'œil au dehors et remarque que le soleil est déjà bien levé. Génial ! Je n'ai pas dormis de la nuit et j'ai cours toute la matinée. Je récupère les clefs de l'appartement et prend mon sac de cours.
- Bouge, on a cours dans dix minutes.
Il semble surpris mais m'emboite le pas. Je referme derrière nous et me dis que cette journée, risque d'être des plus surprenantes.
Un démon de cinq mille ans dans le monde humain, sans aucune connaissance des usages et coutumes actuels, ça promet des moments épiques. J'en ai presque envie de rire.
Presque.
______________________________________________________
Merci de lire mon histoire ! ^^
Je publie les 3 premiers chapitres et peut être le quatrième aujourd'hui et demain et après ce sera un chapitre ou deux par semaine.
Un petit commentaire ou un petit vote ne fait pas de mal et fait surtout très plaisir merci :)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top