Samedi 29 décembre 2018

Quatre-vingt-dix jours.

Je crois que papa m'en veut pour le réveillon. Je n'ai pas fait exprès, pourtant il me parle encore moins qu'avant. Il boit de plus en plus aussi, je crois qu'il pense que Brooke et moi on ne s'en rend pas compte, mais il se trompe, on voit tout.

Il ne travaille pas en ce moment, il est en vacances. On ne part plus en France pour le nouvel an. Papa et maman ont annulé la réservation du chalet. Je crois que c'est de ma faute, ou peut-être que c'est de la tienne, parce que tu es mort. J'aurais bien aimé aller à la montagne.

Ils se disputent de plus en plus souvent. Maman reproche à papa de boire, papa s'énerve, ils se mettent à crier et papa part en claquant la porte de la maison. Ça arrive presque tous les soirs. Finalement c'est peut-être de leur faute à eux, si on ne part plus.

Maman ne travaille plus depuis ton accident. Elle a arrêté pour s'occuper de moi. Je ne comprends pas pourquoi, car je peux m'occuper de moi tout seul, je suis grand.

Aujourd'hui elle m'a parlé du lycée. Elle a dit que ça pourrait être une bonne chose pour moi que je reprenne les cours à la rentrée, après les vacances. Je sais que ce n'est pas son idée, mais celle du psychologue. Elle l'écoute comme si c'était un gourou qui allait me guérir. Je ne suis même pas malade. Elle obéit à tout ce qu'il lui dit.

En réalité je pense que son travail lui manque et qu'elle en a marre de m'avoir sur les bras tout le temps. C'est de sa faute, c'est elle qui m'étouffe, moi je ne demande rien. Elle me borde encore tous les soirs, presque toutes les heures elle m'apporte à manger, alors que je n'ai pas faim. Elle est toujours derrière moi, quoi que je fasse. À ma place, je crois que tu deviendrais complètement dingue.

Je ne veux pas retourner au lycée. On a toujours été dans la même classe depuis la maternelle, je serai perdu sans toi. Je ne veux pas voir les regards de pitié ou de tristesse des gens. J'en ai assez à la maison comme ça.

— Harry