Page soixante-trois
Samedi 9 mars 2019
Cent-soixante jours.
Aujourd'hui, une fille a craqué au groupe du cercle d'entraide. Elle est nouvelle, c'était sa première réunion. Elle a voulu se présenter, mais elle a juste eu le temps de nous dire que sa sœur était morte il y a un mois, avant de fondre en larmes. Jean l'a prise à l'écart, ils sont partis tous les deux dans une autre pièce.
Au bout de cinq minutes, moi aussi je suis parti, ça ne servait à rien de rester. Jean allait sûrement passer un long moment avec elle. Comme la réunion venait tout juste de commencer, maman n'était pas là. Je me suis assis sur un banc.
Quelques minutes plus tard, d'autres personnes du groupe sont sorties. Louis, celui qui est toujours en retard, aussi. Il est venu s'asseoir à côté de moi. Il est resté silencieux plusieurs minutes, avant de me demander si je m'appelais bien Harry. J'ai hoché la tête et c'est tout, il n'a plus parlé non plus. Sur le moment je me suis demandé comment il connaissait mon prénom, je n'ai jamais prononcé un seul mot à ces réunions. Je ne comprends toujours pas l'intérêt d'y assister, surtout que moi je ne raconterai jamais mon histoire, comme le font les autres. J'y vais vraiment uniquement pour maman.
Je me suis aussi demandé pourquoi il attendait alors qu'il avait le permis de conduire, puis je me suis rappelé que quand il nous a raconté son histoire, il a dit qu'il n'avait plus reconduit de voiture depuis l'accident.
Je crois que Louis a été perturbé par cette fille et les autres aussi. Moi j'aurais aimé comprendre ce qu'elle ressent. Tu crois qu'un jour moi aussi je me mettrai à pleurer en parlant de toi ? Que ce sera tellement dur de penser à toi, que j'arriverais à peine à tenir debout ? Je ne sais pas. Est-ce que ce n'est pas trop tard maintenant pour être triste ou malheureux ?
Des gens fumaient sur le parking. Ça m'a rappelé, la seule fois où l'on avait essayé tous ensemble, avec Adam, Max et Seth. On a cru perdre nos poumons. Tu avais tellement peur que papa sente l'odeur du tabac, que tu nous as bombardé de déodorant. Je ne comprends pas les gens qui fument. Le cigarette peut tuer, comme les camions ou les motos.
Maman est arrivée. Quand je suis monté dans la voiture, elle m'a demandé si je m'étais fait un ami, en regardant Louis toujours assis sur le banc. J'ai secoué la tête. Si je ne vois plus mes propres amis, ce n'est pas pour m'en faire des nouveaux.
— Harry
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