Samedi 20 avril 2019

Il est 11h55. Je dois d'abord manger ici, avant de pouvoir sortir. Maman sera là à 13h avec Brooke et Jade. Papa travaille aujourd'hui, mais il m'a appelé sur le téléphone de ma chambre ce matin pour me souhaiter une bonne journée. Il ne vient pas beaucoup me voir ici. Je crois que c'est trop difficile pour lui. Ils vont bientôt m'apporter mon plateau. À tout à l'heure.

***

Je pensais que sortir de l'hôpital me ferait du bien, mais je n'arrêtais pas de penser au fait que j'allais devoir revenir ici. Ça a tout gâché. J'avais envie de rien faire. Je crois que j'ai fait la gueule toute la journée, je m'en rends compte maintenant. Ce n'était pas juste pour maman et Brooke, même pour Jade, mais elle, elle sourit et rigole tout le temps. Elle a de la chance de ne pas avoir conscience des choses. Je l'envie, j'aimerais être aussi insouciant qu'elle.

Je n'ai pas envie de parler de la réunion des jumeaux qui ne sont même plus des jumeaux. Il y avait deux de nouveaux que je n'avais jamais vus. Je ne me suis pas senti à ma place là-bas non plus. Jean semblait vraiment content de me revoir, il m'a même dit que je lui avais manqué. Je ne pensais pas que je pouvais manquer à quelqu'un. À part les deux nouveaux, je connaissais les autres personnes et je crois que ça m'a un peu rassuré. Il y avait aussi, Louis, celui qui a tué son jumeau dans un accident de voiture. Il s'est assis à côté de moi et m'a dit salut. Je n'ai pas répondu. Je me suis concentré sur une fille qui nous racontait qu'elle commençait doucement à réapprendre à vivre. Je ne connais pas son histoire, je suppose qu'elle l'a raconté quand je n'étais pas là.

Louis est revenu me voir à la fin. J'étais devant la table avec la nourriture, je regardais les gâteaux que Jean apporte à chaque réunion, avec des bouteilles de sodas et de jus de fruits. Il a tenté d'engager la conversation, mais je n'avais toujours pas envie de lui répondre, alors il a dit qu'il allait voir ailleurs s'il y était. Ça m'a fait sourire, mais je ne lui ai pas montré.

Maman, Brooke et Jade m'attendaient à la sortie. On a été au centre commercial car j'avais besoin de vêtements. À l'hôpital on n'a pas de tenue obligatoire, on peut s'habiller comme on veut. Tous tes vêtements et les miens sont beaucoup trop grands maintenant. J'ai choisi que des choses qui t'auraient plu à toi. Brooke a essayé d'intervenir et maman n'arrêtait pas de me proposer des vêtements qu'elle savait que j'allais aimer. Elle connaît nos goûts à tous les deux. Je ne les ai pas écouté, ni l'une ni l'autre.

Puis ensuite, à 18h, elles m'ont ramené ici et elles, elles sont parties. Sans moi. Je sais qu'elles n'y sont pour rien, que ce n'est pas de leur faute, mais sur le moment je leur en ai voulu de m'abandonner.

Je crois que c'est plus facile de me sentir en colère, plutôt que triste. Quand je suis triste c'est trop dur. Je ne veux pas être triste.

J'espère que maman ne racontera pas au Docteur Drews ou à Alan, comment ça s'est passé. J'ai peur qu'ils ne me laissent plus sortir. Je me sens nul. J'ai foutu en l'air la seule journée qui aurait pu être agréable depuis que je suis là. Je suis sûr que toi tu n'aurais pas tout gâché, tu aurais tout fait mieux que moi.

Ce soir j'ai de nouveau envie d'être mort à ta place.

— Harry