Mardi 30 avril 2019

J'ai craqué aujourd'hui. Je me suis mis à pleurer tellement fort que le Docteur Drews a dû appeler Alan. Je n'avais pas pleuré comme ça depuis ce soir-là dans la salle de bain, quand j'ai réalisé que tu étais mort. Pas devant quelqu'un du moins, car il m'arrive souvent de pleurer le soir, seul dans mon lit.

La fille du cercle d'entraide, elle s'appelait Alicia. Quand je t'ai parlé d'elle, je n'ai pas dit son prénom parce que c'était plus facile de faire semblant de ne pas le connaître. Comme si ça pouvait rendre sa mort moins grave. En peu de temps, Alicia et Cassandra sont mortes. Ça fait beaucoup.

Je n'avais pas conscience que j'allais mal avant de me mettre à pleurer et ça a été encore pire quand Alan est arrivé. Avant toi je n'étais pas habitué à la mort, à part grand-père, on n'a jamais vraiment connu de personnes qui sont mortes et même lui, on était tout petit quand il nous a quitté.

On a beaucoup discuté avec Alan, normalement il ne devait venir que demain, mais il est resté longtemps avec moi. Je crois que c'est la première fois que je me confiais vraiment à lui. Quand c'était trop dur de parler avec ma voix, il me laissait écrire.

J'ai peur de la mort maintenant. Pas seulement de la mienne. J'ai peur pour maman, papa, Brooke, Jade, papy, mamie, tonton, tatie, Charlotte, Adam, Seth, Max. Tout le monde. J'ai peur que tout le monde meurt autour de moi. Même les gens que je connais à peine, comme Alicia et Cassandra.

Je n'ai pas envie de tout raconter parce que c'est déjà assez dur comme ça, mais Alan a dit que c'était normal que je ressente tout ça. D'après lui, ta mort m'a laissé beaucoup de séquelles, mais il m'a promis qu'avec du temps, de la patience et du travail ensemble, on allait y arriver. Il a dit que même si ça me semblait impossible maintenant, un jour je me sentirai mieux. Il a aussi dit que même si je ne m'en rendais pas compte, j'étais quelqu'un de fort et qu'il savait que j'allais m'en sortir.

Je ne suis pas quelqu'un de fort. J'aimerais croire autant que lui que je vais réussir à m'en sortir, mais je ne sais pas si j'en suis capable. Je suis malheureux Railey. Je suis malheureux sans toi et je ne crois pas que je pourrai aller mieux un jour. Je resterai toujours malheureux sans toi. 

Il m'a demandé si je voulais retourner au centre d'entraide samedi, il m'a dit qu'il n'y avait aucune obligation et que si c'était trop dur ou que je n'en avais pas envie, je pouvais rester ici. J'ai pensé à Louis, je ne sais pas pourquoi, mais je l'ai revu dans ma tête, me demander si je serais là.

Je ne voulais pas pleurer comme ça devant Alan. Je déteste me sentir faible devant les gens. Je crois qu'il commence à me connaître car il m'a dit que je ne devais pas avoir honte, au contraire. Que pleurer quand on en ressent le besoin, c'est très important, qu'il faut extérioriser nos sentiments, que c'est uniquement comme ça qu'on peut avancer.

Il a insisté sur le fait que j'avais fait un grand pas en avant aujourd'hui. Je n'ai pas l'impression d'avoir fait un grand pas, ni de pas tout court, mais il a dit qu'il était heureux que je me sois enfin ouvert à lui. Il m'a répété que je pouvais l'appeler quand je voulais, à n'importe quelle heure. Avant de partir, il a rajouté qu'il était fier de moi. Je croyais que je m'en fichais de ce qu'il pensait, mais ça m'a fait quelque chose. Même si moi, je ne suis pas fier de moi. Je n'ai aucune raison de l'être. J'ai passé ma journée à pleurer parce que deux filles que je connaissais à peine sont mortes. Je me sens ridicule et idiot.

Je ne veux plus rester ici Railey, je veux quitter cet endroit. Les gens peuvent mourir ici, je sais que dehors aussi, mais dans cet hôpital c'est encore pire.

Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas avoir envie de mourir. Je ne veux plus que les gens meurent.