Dimanche 26 mai 2019

Vendredi c'était l'anniversaire de papa. J'avais oublié, j'ai honte de moi. Depuis que j'ai arrêté de compter les jours, je suis perdu dans le temps qui passe. Je ne sais même plus depuis combien de temps je suis là. Il n'y a pas que dans le temps que je suis perdu, je le suis aussi dans les dates. Enfin non, je sais quel jour on est, puisque je les notes dans ce carnet, mais j'oublie ce que les jours représentent. Vendredi je savais qu'on était le vendredi 24 mai 2019, mais j'avais oublié que le 24 mai c'est l'anniversaire de papa. Alors que j'avais aidé maman à choisir son cadeau.

Je me sens nul comme fils.

Maman est venue me chercher vendredi après-midi. Grâce à l'anniversaire de papa, j'ai pu passer le week-end entier à la maison. J'étais la surprise de papa, il ne s'y attendait pas et il a semblé vraiment heureux de me voir. Samedi soir maman avait organisé une petite fête, on n'était pas nombreux, mais c'était quand même beaucoup pour moi. J'ai pensé à toi tout le temps. C'est le premier anniversaire de papa que tu ratais et pour lui c'était son premier anniversaire sans toi. Il n'a pas bu de tout le week-end, pas même pendant sa propre soirée donnait en son honneur. Peut-être qu'il ne boit plus du tout maintenant ? Ou alors peut-être que c'était juste parce que j'étais là ? Peut-être que tout va mieux avec maman, qu'ils ne se disputent plus ? C'est l'impression que j'ai eu, j'espère qu'elle est vraie et qu'ils ne font pas des efforts simplement quand je suis là.

Samedi j'ai été à la réunion du cercle d'entraide, sauf qu'il y a eu un malentendu, une troupe de théâtre avait réservée la salle à la même heure que nous. Finalement on s'est installé dans l'herbe, devant le centre communal. On a tous pu voir Louis arriver en retard, comme à chaque fois. Je l'ai vu descendre du bus et se précipiter vers l'entrée, avant que Jean ne l'appelle et qu'il nous remarque enfin. D'ailleurs Jean ne lui dit jamais rien pour ses retards. J'imagine que Louis doit avoir une bonne raison.

Je ne sais pas si c'était le fait d'être à l'extérieur et qu'il fasse beau, mais l'ambiance était différente, plus légère. Jean n'a pas abordé de sujets trop durs ou difficiles à entendre. Tout le monde semblait détendu. Sauf Louis. Même s'il essayait de sourire à chaque fois que quelqu'un s'adressait à lui, j'ai vu sur son visage que quelque chose n'allait pas. Il est parti précipitamment dès que la réunion s'est terminée, je n'ai pas eu le temps de lui parler. Peut-être que je devrais lui envoyer un sms. Je ne sais pas.

Ce n'est pas facile de dormir à la maison. Vendredi soir, je suis resté longtemps dans le couloir entres les deux portes de nos chambres. Je ne savais pas laquelle ouvrir. Je voulais aller dans la tienne, mais je devais aller dans la mienne. C'était dur. J'avais l'impression de devoir choisir entre être toi ou être moi. Papa est arrivé, il a dû comprendre ce qu'il se passait car il a posé sa main sur mon épaule et il a ouvert la porte de ma chambre. Je l'ai regardé plusieurs secondes, il m'a fait un signe de tête encourageant. J'ai fini par rentrer dans ma chambre, parce que je ne voulais pas le décevoir.

Dans la maison il y a ta présence et ton absence partout. J'étais presque soulagé en revenant à l'hôpital tout à l'heure, mais je ne veux pas ressentir ça. Je ne veux pas me sentir soulagé d'être ici, je ne me sens pas bien ici.

Je crois que le week-end s'est bien passé. Je n'ai rien gâché, maman semblait vraiment heureuse. J'espère que c'est ce qu'elle dira à Alan et au Docteur Drews, car même si c'est difficile d'être à la maison sans toi, c'est toujours mieux qu'ici.

Bonne nuit Railey.

— Harry qui dort dans sa chambre