Mercredi 16 janvier 2019

Cent-huit jours.

Pendant la séance d'aujourd'hui, Alan m'a encore parlé du groupe d'entraide réservé aux jumeaux et aux jumelles. Il me prend vraiment la tête avec ça. Ils se réunissent une fois par semaine, tous les samedis, pour discuter entre eux de ce qu'ils ressentent. Je ne comprends pas l'intérêt, je ne veux pas y aller. Je n'ai rien à leur dire et je n'ai pas envie d'écouter des gens raconter à quel point ils sont malheureux. En quoi c'est censé pouvoir m'aider le malheur des autres ?

Évidemment à la fin, quand j'ai rejoint maman dans la salle d'attente, il lui en a aussi reparlé. Elle m'a regardé avec tellement d'espoir que j'ai fini par hocher la tête pour accepter. Pas pour lui faire plaisir, encore moins pour moi, mais parce que l'autre soir j'ai surpris une conversation entre elle et papa.

Ils étaient dans le couloir. Maman vient toujours me voir avant d'aller se coucher, je fais toujours semblant de dormir. Ils ont dû croire que je dormais vraiment, parce que d'habitude ils sont plus discrets quand ils parlent de moi.

Je les ai entendu discuter de mon poids, que j'en perdais de plus en plus et que ça commençait à devenir inquiétant. Papa a parlé d'internement, que si ça continuait comme ça, ils devraient y penser sérieusement. Il a proposé à maman d'aller voir la clinique. Je ne sais pas de quelle clinique ils parlaient, mais je suis certain que tout ça c'est à cause du psychologue, c'est lui qui leur a mis cette idée dans la tête. Je le déteste vraiment.

Je n'ai pas besoin d'être interné. Ça me fait peur, car si je ne suis plus ici, ça veut dire que je serai loin de ta chambre, de tes affaires et de tout ce qui me rapproche de toi.

Peut-être que si je parle à nouveau, que je fais comme si tout allait bien, ils oublieront cette idée. C'est pour ça que j'ai accepté d'aller au groupe d'entraide, car peut-être que si je deviens exactement ce qu'ils veulent que je sois, papa ne cherchera plus à se débarrasser de moi.

Je vais essayer.

— Harry