Page cent-soixante-dix-sept
Mercredi 25 décembre 2019
Joyeux Noël Railey.
C'est dur d'écrire ces mots sur du papier, au lieu de te les dire en face. C'est dur de ne pas voir de paquets à ton nom sous le sapin, de ne pas avoir de cadeau à t'offrir même si je suis nul pour les choisir.
J'ai offert un carnet à Louis. Le même journal que moi. Il me voit souvent t'écrire, un jour, il m'a demandé si ça me faisait du bien. Je crois que oui, vraiment, encore plus que mes rendez-vous avec Alan. À toi je peux tout te dire, je ne te cache rien. Je n'ai pas peur de ce que tu vas penser ou imaginer... plus encore, je n'ai pas peur que tu décides de m'interner dans un hôpital. Quand je t'écris, je peux être entièrement sincère, te dire réellement tout ce que je ressens. Je peux vider tout ce qu'il se passe dans ma tête, le bien comme le mal. Si Alan ou le Docteur Drews lisaient un jour tout ce que je te dis, j'aurais peur qu'ils décident de m'enfermer toujours. Toi, tu ne peux pas m'enfermer pour toujours, tu ne peux m'enfermer nul part. Je sais que Louis a des pensées aussi dures que les miennes parfois. J'espère qu'il va essayer d'écrire à Evan, ou peut-être à lui même, ça n'a pas d'importance. J'aimerais juste qu'il ait un endroit lui aussi, où il se sent assez en sécurité pour libérer tout ce qu'il ressent vraiment.
On a fait un vrai repas de Noël à midi. On a tous participé à la préparation, pendant toute la matinée. Après avoir mangé, on a été se promener dans le village, Louis et Ashton ne l'avait pas encore vu. Louis aime la France et il adore écouter les gens parler en français. Moi aussi. Même si ça fait deux ans qu'on n'était pas revenu, je crois que je n'ai pas trop perdu mon niveau.
En nous promenant, on est passé devant le terrain de basket. Je me suis arrêté. Je n'ai pas réalisé que j'avais marché jusqu'au pied du panier, avant de sentir la main de papa se poser sur mon épaule. Je te revoyais, je nous revoyais jouer ici. Je crois que pendant un instant, je suis parti tellement loin dans mon esprit, que si j'avais fermé les yeux j'aurais pu entendre ta voix. J'aurais pu entendre ton rire, j'aurais pu te lancer le ballon et je l'aurais rattrapé quand tu me l'aurais renvoyé. J'aurais pu.
Je ne reprendrai pas le basket Railey. Du moins pas en club, pas pour de vrai. J'y avais déjà beaucoup réfléchi avant, maintenant j'en suis sûr et certain. J'aimais le basket parce que tu étais là. Sans toi, ce n'est pas que je n'aime plus, c'est juste que ce n'est plus pareil, c'est différent, vide.
Et je ne supporte plus le vide.
Il y en a trop dans ma vie depuis que tu es parti. Je sais que j'aimerai toujours tenir un ballon dans mes mains et même jouer, mais plus de façon professionnelle. Je ne veux plus être dans une équipe, avec des entrainements obligatoires et des matchs. Pour l'instant, quand je pose un pied sur un terrain ça me rend malheureux ou triste. Je n'ai pas envie de me forcer à vivre ça.
Je n'aime pas ce Noël sans toi. Tout le monde a tout fait pour qu'il soit aussi parfait et aussi agréable que possible, mais je crois que personne ne l'a apprécié réellement. On fait juste semblant, parce que ça reste une fête et qu'elle fait partie de la vie et des traditions. Et pour Jade, parce qu'elle ne mérite pas de ne plus avoir de Noël. Elle a le droit de vivre tout ça, d'être émerveillée par le sapin décoré, par les cadeaux. J'espère qu'elle croira le plus longtemps possible au Père Noël, j'espère qu'elle gardera son innocence encore plusieurs années. On en a besoin, elle fait du bien à tout le monde.
Plus je vieillis, plus elle grandit et plus j'ai envie de la protéger de tout. L'enfermer dans une bulle ou la souffrance ne pourra pas l'atteindre. J'aimerais qu'elle ne soit jamais triste, jamais malheureuse, jamais en colère.
Non, j'ai tort. T'écrire ça, m'a rappelé quand je ne ressentais rien, quand il n'y avait que du vide du moi. On ne peut pas vivre sans émotions. Alan dit que sans les émotions qui sont difficiles, on n'apprécierait celles qui nous font du bien. J'espère de tout mon coeur que les émotions difficiles de Jade, ne seront jamais aussi dures que les miennes. Quoi qu'il arrive, je serai là pour elle. Je la consolerai quand elle sera triste et je l'écouterai quand elle sera en colère. Je vais essayer d'être le meilleur grand frère au monde et le meilleur petit frère au monde pour Brooke, car elle aussi elle le mérite. Et un meilleur fils pour papa et maman. Un meilleur moi.
Encore une fois Joyeux Noël Railey, je pense à toi chaque seconde aujourd'hui.
— Harry
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