Page cent-deux
Vendredi 31 mai 2019
Je réalise que je ne te l'ai pas dit, mais je sors demain. Je crois que je ne vais pas bien Railey. Mercredi soir j'ai passé ma nuit à pleurer. Ce n'est pas normal, je rêve de rentrer à la maison depuis que je suis arrivé ici, pourtant j'ai pleuré longtemps sans pouvoir m'arrêter.
Quand Alan m'a annoncé que j'allais enfin quitter cet hôpital, je me suis senti heureux et une fois l'euphorie retombée, quand je me suis retrouvé seul le soir, je m'en suis voulu pour ça. Même si j'essaie de faire des efforts, j'ai toujours l'impression que je n'ai pas le droit de ressentir des choses positives, parce que tu n'es plus là. C'est comme s'il y avait une part de moi qui m'interdisait de ne plus souffrir, comme si je n'avais pas le droit de ne pas avoir mal tout le temps, comme si c'était injuste envers toi.
Je pensais qu'en me sentant un petit peu mieux parfois, je te trahissais toi, mais je réalise que c'est moi-même que j'ai l'impression de trahir. Tout en moi m'interdit d'être heureux sans toi. Je le comprends, c'est normal, tu étais mon frère jumeau, alors si jamais un jour j'étais de nouveau heureux, vraiment heureux je veux dire, ce serait comme si ta mort n'avait plus d'impact sur moi, comme si elle devenait sans importance.
Je ne sais pas si tout ce que je te dis est très clair ou si tu me comprends. Moi, je ne suis pas sûr de comprendre ce que je ressens.
Je culpabilise, beaucoup, tout le temps. Quand je respire, parce que toi tu ne peux plus, à chaque fois que je fais quelque chose sans toi. Et quand je me sens un peu moins mal ou un peu moins malheureux, je m'en veux encore plus.
Depuis que tu es parti tout le monde parle en ton nom, à ta place.
— Railey ne voudrait pas te voir comme ça
— Railey n'aurait jamais voulu que
— Railey aimerait que tu sois
— Railey, Railey, Railey, Railey, Railey
Parfois j'ai l'impression que tu es presque devenu un argument, que s'ils me parlent à travers toi, peut-être que je les écouterais. Même si je sais que ce n'est pas toi, quand je ne les écoute pas, j'ai quand même le sentiment de te trahir.
Tout le monde parle à ta place sans savoir réellement ce que tu ressens, moi j'aimerais vraiment savoir ce que tu penses, j'aimerais que tu puisses me dire si j'ai le droit de souffrir un peu moins par moment. J'aimerais savoir tout ce que je suis censé ressentir, sans avoir peur de te blesser ou te faire de la peine.
Est-ce que j'ai le droit d'être heureux de rentrer à la maison ? Est-ce que c'est ce que tu souhaites pour moi ? Ou alors est-ce que tu me trouves égoïste ?
Et si c'était moi à ta place, est-ce que je souhaiterais que tu sois heureux ? Où est-ce que je t'en voudrais de réussir à vivre sans moi ?
Je voudrais que tu sois heureux et je crois que c'est ce que tu souhaites pour moi aussi.
Je suis fatigué de toute cette culpabilité que je ressens. Elle est lourde à porter et c'est dur d'accepter que tu n'es pas là pour me donner les réponses à toutes mes questions. Je dois me débrouiller tout seul et ça aussi c'est fatiguant parce qu'avant on était toujours deux pour régler tous nos problèmes.
Je rentre demain à la maison et que je sois heureux ou malheureux, au moins je ne serai plus dans cet endroit.
Bonne nuit Railey. Moi je crois que je ne vais pas dormir, je pense trop à demain.
— Harry
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