Trio
Le lendemain, Carmen est de retour. Ses cheveux ne sont pas coiffés, elle a les yeux gonflés. Elle tient la sangle de son sac si fort que je m'attends presque à ce qu'elle l'explique entre ses doigts.
Je m'approche d'elle avec hésitation. De plus près, je remarque qu'elle a pleuré.
- Carmen ..?
Elle est plongée dans ses pensées, prête à entrer au lycée. Lorsqu'elle entend ma voix, elle s'arrête et me regarde. J'ai l'impression qu'elle va se remettre à pleurer.
- Tout va bien ..? demandé-je.
Elle pince ses lèvres et secoue la tête. Elle fait un effort surhumain pour ne pas pleurer, d'après ce que je vois. Je viens la prendre dans mes bras.
Elle ne dit rien, son silence parle pour elle. Il s'est passé quelque chose avec Eddy. Je lui demande avec douceur qu'est-ce qui la met dans cet état.
- On s'est disputés... dit-elle d'une toute petite voix.
J'en étais sûr. Je frotte son dos et lui dit de se calmer, ce qu'elle fait petit à petit.
- Il t'a fait du mal ?
Elle mord violemment sa lèvre et détourne le regard.
- Raconte-moi...
Je suis complètement désespéré. J'ai envie de l'aider. Il faut juste qu'elle me parle.
Elle soulève sa manche de gilet, je découvre des bleus sur sa peau. Ils sont peu visibles à cause de sa peau mate, mais ils sont bien là. La rage monte en moi. Quel connard, et je mesure correctement mes mots.
- Il ne faut pas rester avec lui, il est violent, qui sait ce qui pourrait arriver par la suite ! dis-je.
- Il a été gentil avec moi... il m'a offert des cadeaux...
- Ça ne veut pas dire que c'est un ange. Tu ne peux pas te laisser faire par ce moins que rien, ok ?
Elle hoche doucement la tête. Le soulagement s'installe en moi.
Nous entrons dans l'enceinte de l'établissement, je la tiens par les épaules. Elle semble le chercher du regard.
- Je viens avec toi si tu veux, dis-je pour l'encourager.
Elle me sourit, c'est un sourire sincère, ça se voit. Me voilà rassuré.
Nous apercevons Eddy au loin, avec sa bande d'amis au QI inférieur à celui d'une mouche en déficit mental. Carmen frémit, je la rassure.
Nous nous dirigeons vers la cage aux lions ensembles, Eddy nous aperçoit et regarde Carmen avec un air de défi, puis moi, comme si je n'étais rien. En gros, c'est ça. J'ai encore plus envie de frapper son joli visage de connard, excusez l'expression.
Carmen s'extirpe de mon bras et s'avance vers les fauves, seule, courageuse.
- Tu es un idiot, Ed. Et tu sais exactement de quoi je parle. Toi et moi, ça s'arrête là, et pas de discussion possible.
Eddy hausse un sourcil, d'un air supérieur. Ses amis ricanent.
- D'accord. Mais je veux récupérer le collier que je t'ai acheté.
Quelle drôle de condition. Carmen s'apprête à répliquer, mais se contente d'acquiescer. Et voilà comment le couple de Carmen et Eddy s'est séparé. Ça n'aura pas durer très longtemps.
Nous nous éloignons d'eux à grands pas, Carmen a la tête haute. Un jour, je le frapperais. Quand j'aurais plus de muscles et de courage.
Une fois bien loin, nous soufflons de soulagement au même moment. Nous nous regardons et rions de bon cœur, tout ira pour le mieux à présent. Je retrouve enfin ma Carmen.
- Merci Ulysse, me dit-elle soudainement.
Je souris et prend un air important.
- Ce n'est rien, c'est mon devoir, dis-je d'une voix grave.
Nous rions à nouveau. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, comme on dit.
La journée se poursuit normalement, comme d'habitude, comme si cet épisode de couple n'était jamais arrivé. Nous discutons en cours, parfois même un peu trop fort. Nous mangeons ensembles. Milo s'est même rejoint à nous. Carmen et lui s'entendent plutôt bien.
- Alors comme ça, tu as aidé mon petit voyageur à améliorer sa moyenne en maths ? demande Carmen à Milo.
- Euh... Ouais ! Je l'ai aidé, dit-il.
En réalité, nous n'avions parlé de maths qu'une seule fois. Mais Milo joue le jeu de ne pas dévoiler nos expéditions secrètes.
Nous parlons ensuite de nos futures vacances, racontant ce que l'on aimerait faire, même les choses impossibles.
- J'aimerais bien rencontrer Brad Pitt moi, dit Carmen en riant. Il m'emmènerai dans sa villa et on ferait un dîner aux chandelles...
Elle soupire d'un air rêveur.
- Pas mal... moi j'irais faire une croisière en Méditerranée et je me gaverais de fruits de mer, renchérit Milo.
- Quelle horreur ! dis-je en riant. Moi je me coucherais sur une plage, la nuit, et je regarderais les étoiles, comme dans les films. Parce que c'est beau les étoiles.
Milo et Carmen me regardent un moment avant d'applaudir mes paroles si sages. Je m'incline légèrement.
- Parfait, alors on fera une croisière avec Brad Pitt et on s'arrêtera sur une plage pour regarder les étoiles.
Quel merveilleux programme. Nous rions encore un bon moment avant que cette fichue cloche ne sonne. Nous débarrassons en vitesse nos plateaux et récupérons nos affaires dans nos casiers.
Les cours du mercredi se terminent à 15h. J'ignore toujours pourquoi, mais j'ai choisi l'option "arts visuels". Autrement dit, l'option cinéma. Nous apprenons les différents plans, les types de luminosité, les sons adaptés. Ce genre de choses. Je trouve cela très intéressant, mais je ne veux absolument pas en faire mon métier.
Carmen a choisi l'option culture et design, je crois que ça a un rapport avec les vêtements. Et Milo est en photographie, j'aimerais bien voir son travail, un jour.
Le cours d'aujourd'hui porte sur sur l'effet renfermé, comme l'appelle le professeur. Il nous demande comment rendre un endroit sombre, mais avec de la lumière (pour que le spectateur puisse quand même voir la scène). Un élève tente sa chance :
- On pourrait utiliser une lumière orange ? Le jaune et le blanc apportent de la lumière, mais je pense que l'orange créera une ambiance tamisée, dit-il.
- C'est très bien, très bonne idée, répond le professeur.
Je notes quelques idées sur mon cahier :
- Recouvrir des ampoules d'un tissu pour minimiser la lumière
- Utiliser des bougies
Le professeur passe dans les rangs et arrive à ma table. Il observe mes notes.
- Pas mal.
Il n'a jamais été très expressif celui-là. Finalement, pendant les 30 dernières minutes de cours qu'il nous reste, il nous montre des extraits de films qui utilisent des techniques pour illuminer un endroit sombre sans qu'il devienne éclairé. Parmi eux se trouve Jurassic Park, le Seigneur des Anneaux, et d'autres qui me sont inconnus.
***
Carmen va prendre son bus, Milo et moi nous dirigeons vers le local à vélos. Il semble en pleine réflexion, près à me demander quelque chose.
- Ulysse ? Tu pourrais me faire une faveur ?
- Ça dépend quel genre de faveur, dis-je.
- J'ai été invité à une fête. J'aimerais bien que tu viennes avec moi.
Je fronce mes sourcils. Si je me souviens bien, il y a quelques jours, je rêvais d'aller à une fête. Le destin, surement.
- Une fête ? Quel genre de fête ?
- Une fête d'anniversaire d'un ami, il reçoit 18 ans.
- Avec de l'alcool ? dis-je en haussant les sourcils.
Milo se met à rire. Qu'est-ce que j'ai dis de si drôle ? Lorsqu'il se calme, il reprend :
- Non non... Disons... des trucs plus puissants que l'alcool. Il est un peu haut perché, tu vois.
Je crois comprendre. Surement ce genre de gars défoncé 365 jours dans l'année.
- Alors c'est d'accord, dis-je en souriant.
On se serre la main pour conclure le pacte.
- Ça va être génial, Ray va t'adorer ! Il adore tout le monde en fait mais... il est sympa. Tu verras.
Son sourire sincère aurait pu éclairé la plus sombre des scènes.
Je récupère mon vélo, monte dessus.
- Je t'enverrais un message avec les horaires, je viendrais sûrement te chercher.
Je hoche la tête et commence à m'éloigner, il m'adresse des signes de la main, je lui réponds jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un point au loin.
Ça y est. Je vais assister à ma première fête.
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