Space Cake

Nous restons encore un bon bout de temps dehors, rien que nous deux. J'ai du mal à cesser de sourire. J'ai légèrement chaud, et lui aussi. Le vent frais de la nuit vient nous revigorer. Nous ne disons mot, ne sachant exprimer avec des mots ce qu'il vient de se passer.

- On rentre ? propose-t-il. Il commence à faire frais.

J'acquiesce et me lève au même moment que Milo. Nous nous observons d'un air entendu et rentrons dans la maison de Ray, où la musique continue de faire danser, et où les muffins font délirer.

***

Vers 1h30 du matin, je commence à bailler. Je me suis réinstaller dans le canapé et commence à piquer du nez. Milo est avec les autres, ils jouent à un action ou vérité. "Embrasse la personne à ta droite", "lèche l'oreille de la personne à ta gauche", "t'es encore puceau ?", sont les phrases que j'ai le plus entendues ce soir.

Alors que je commence doucement à m'endormir, j'entends Milo protester contre quelque chose. J'ouvre un œil.

- T'a pas répondu à la question alors tu manges un muffin, dit la fille à la couronne de fleurs.

- Non ! Je ne mangerais pas ce truc...

- C'est les règles Milo, mange-le, insiste-t-elle.

Je vois Milo hésiter avant d'avaler la pâtisserie, sous les encouragements des autres. Je redresse vigoureusement la tête. Milo m'aperçoit et rit en haussant les épaules. Combien de temps mettent les effets à arriver ?

Une fois le jeu terminé, je le prends à part. Il n'a pas l'air changé, mais je tiens à vérifier.

- Ça va ? Tu sens un changement ? demandé-je, légèrement inquiet.

- J'sais pas... j'ai l'air différent ? dit-il, haussant ses sourcils.

- À toi de me le dire...

Il hausse alors les épaules et va discuter avec un groupe de filles, comme si de rien n'était. Je mordille nerveusement ma lèvre inférieure et cherche Martha du regard. Ça fait longtemps que je ne l'ai pas vue, où est-elle ?

***

Bon. Les effets sont encore plus amusants pour Milo, c'est la première fois qu'il vit ce genre... d'expérience nouvelle. Mais je ne peux pas m'empêcher de garder un œil sur lui, l'accompagnant dans chaque pièce où il se rend, de peur qu'il ne fasse une bêtise.

Il semble absolument fasciné par chaque objet qui l'entoure, m'ayant même fait un poème sur mes lunettes (je vous passerais le moment où il a fait rimer "verre" et "artère"...).
Un peu plus tard, il s'assoit en plein milieu du salon et décide de faire un bras de fer tout seul. C'est plutôt étrange à regarder. Mais au moins il gagne à tous les coups. Ou il perd.. Ça dépend du point de vue.

- Tu veux peut-être que je te ramène chez toi ? vient me demander Martha. J'étais censée vous ramener tous les deux mais... il a l'air un peu à côté de la plaque. Je dors chez Ray ce soir, alors on va garder Milo aussi, ça vaut mieux.

- Gardez-moi aussi, tout le monde dort chez moi à cette heure-ci et... (un mensonge, vite !) j'ai oublié mes clefs... ça serait idiot de réveiller tout le monde alors que je peux rester là. Si ça ne dérange pas.

En fait, je crois surtout que ce mensonge était pour rester avec Milo. Je ne peux pas partir comme si rien ne s'était passé. J'ai tellement aimé ce baiser qu'il faut que je reste. Comme si nos lèvres avaient été scellées, et qu'il ne fallait plus les éloigner.

Martha a l'air dubitative face à mon mensonge improvisé, mais accepte. Milo hurle de joie en ayant gagné (ou perdu ?) une énième partie de bras de fer solitaire.

***

3h00 du matin. Tous les invités sont partis. La fille à la couronne de fleurs à laissé son numéro de téléphone à Milo. Quelle idiote.

Ray est déjà dans son lit, exténué. Il ronfle bruyamment. Joyeux anniversaire, et bonne nuit.
Martha nous montre la chambre d'amis.

- Et toi ? demandé-je.

- Canap', dit-elle. Faut pas croire, c'est confortable ces machins.

Je ris un peu et entraîne Milo avec moi. Il est encore sous l'effet du "Space Cake" et plane légèrement. Je lui désigne le lit. Il s'y échoue, sans prendre la peine d'enlever ses chaussures. Je le secoue légèrement.

- Hmmmm, dit-il.

- Enlève tes chaussures Milo. Tu vas pas dormir avec.

Il grogne un peu et se met assis. Il frotte ses yeux et cherche quelque chose sur le côté de sa semelle.

- Tu fais quoi ? dis-je.

- Le zip... il est où le zip...

Je me retiens de rire et défait ses lacets, comme on le ferait à un enfant. Il enlève enfin ses chaussures et se couche. Je fais de même avant d'éteindre la lumière et de m'installer à côté de lui.

Il respire calmement, profondément. Je vois son ventre se soulever à chaque inspiration sifflante. Je souris et pose mes lunettes sur la table de nuit à côté de moi.

Je ferme mes yeux à mon tour, même si je ne dormirais sûrement pas. Pas seulement à cause de cette fête, mais aussi à cette observation des étoiles. J'espère qu'il s'en souviendra encore demain. Moi, je veux m'en souvenir toute ma vie. J'aimerais qu'il recommence, encore et encore. Qu'on ait les lèvres écorchées à en saigner, peu m'importe.

Je rouvre mes yeux, pour l'observer. Un visage paisible, les sourcils légèrement froncés. Un rêve, un cauchemar, ou un reste d'incompréhension de cette soirée. Lorsqu'il dort, il met ses mains sous sa tête. Il ne gesticule pas dans tous les sens, ne se retourne pas sans arrêt. Je pourrais ainsi étudier son comportement des heures durant, mais le sommeil me rappelle.

***

Au lendemain, je me réveille sans personne à côté de moi. La place est vide, froide. Je sais que ce n'était pas un rêve.
Je me lève et me retourne, voyant Milo assis sur le petit fauteuil à côté du lit. Il m'observe et sourit.

- Bonjour, dit-il simplement.

Je souris doucement et m'extirpe de mon cocon de chaleur. Je m'assois au bord du matelas et met mes lunettes, marmonnant un "hey".

- Bien dormi ?

- Plus que bien. Et toi ? Tu t'es remis ? demandé-je.

- Oh, je crois que oui.

Nous nous sourions mutuellement, je sens qu'il regarde mes lèvres. Il n'a pas oublié.

Martha nous ramène en voiture. C'est un modèle ancien, il manque de la peinture à certains endroits. Je m'installe derrière, Milo à côté de Martha. J'indique les chemins à prendre.

Nous arrivons finalement devant chez moi, Martha s'arrête. Ma mère ouvre déjà la porte, soulagée de me voir. Je remercie la jeune femme de m'avoir ramenée, et salue Milo. Il me fait signe de m'approcher.

- Les néons ne s'éteignent pas, ok ? chuchote-t-il.

J'hoche la tête, la voiture s'éloigne. Je mords pas lèvre, essayant de cacher mon excitation.

- Alors, cette fête ? Tellement bien que tu en as oublié ta maman ?

- Excuse-moi... j'ai oublié de te prévenir, dis-je.

- Ah, ça oui.

Elle a l'air plutôt amusée. Ça me rassure, je pensais qu'elle était vraiment en colère. Et là j'aurais passé un sale quart d'heure.

                            ***

Autant dire que je passa le reste de ma journée dans ma chambre : faisant mes devoirs, rattrapant mes heures de sommeil, essayant d'arrêter de penser aux lèvres de Milo.

Je crois ressentir la maladie d'amour. Les papillons dans le ventre, c'est pas un mythe ! D'ailleurs, c'est plutôt désagréable. Je tiens à la préciser.

"Les néons ne s'éteignent pas". Il a raison. La petite lumière sera toujours allumée. Comme cette lueur malicieuse dans ses yeux.

Est-ce que j'ai besoin de préciser qui hante mes pensées ? Il est partout. Je ne peux pas m'empêcher de penser à cette sensation folle et nouvelle qui m'a empli lorsque nous nous sommes embrassés. Ça m'énerve, j'essaye de me concentrer.

Au même moment, ma soeur débarque dans ma chambre et demande comment s'est passée ma soirée. Elle s'assoit avec nonchalance sur mon lit et se penche, avide de connaître mes informations.

- Tu pourrais dire bonjour...

Elle hausse les épaules.

- C'était bien, dis-je.

- C'est tout ? demande Calypso, consternée. Juste "bien" ?

- Bah... Ouais ?

- Et la musique ?

- Bien ..?

- Ce que tu manque d'adjectifs Ulysse !

- Bah c'était sympa, je me suis bien amusé, j'ai rencontrer des gens.

- Et bah c'est déjà mieux !

Elle souffle exagérément.

- Bon, je t'embête pas plus longtemps.

Elle se lève et tape mon épaule en sortant. J'hausse les épaules, toujours aussi étrange.

Je me lève à mon tour, prenant mon téléphone. Un message de Milo.

Je t'emmènerais plus souvent à des fêtes.

Je souris. À la prochaine, j'accepterais sans aucune hésitation.

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