Pizza faite maison

Ce soir, c'est pizza faite maison. Je prépare la garniture tandis que maman s'occupe de la pâte. J'ai toujours cuisiné avec elle. Tous les dimanches, quand nous étions petits avec Calypso, nous faisions de bons gâteaux ensembles. Mais je crois que la cuisine n'intéresse pas Calypso, elle mange, c'est tout.
Avant, j'avais même le projet de travailler dans un restaurant. Mais ça fait un moment que j'ai abandonné cette idée. Pourquoi, je sais pas trop. De toute façon, j'ai encore du temps devant moi pour me décider.

- Callie aime les poivrons et ton père adore quand il y a beaucoup de fromage. Moi je vais me mettre du thym. Et toi Ulysse ? Qu'est-ce que tu veux sur ta partie ?

Je hausse les épaules. La fameuse pizza à quatre parties pour que tout le monde en mange.

- Je ne sais pas. Un peu de tout.

Maman dispose la pâte sur la table. J'étale la sauce tomate sur la totalité de la surface. D'un côté, je mets des poivrons et des champignons. De l'autre, du jambon avec une quantité impressionnante de fromage. En bas, du poulet avec du thym. Et enfin, sur le dernier quart de la pizza, l'ensemble des ingrédients. Je ne sais pas si ça sera bon, mais il faut bien tester. Et puis sinon je piquerais dans la partie de papa.

J'enfourne la pizza et règle le thermostat. Le four se met en marche et je regarde le résultat à travers la petite vitre.

- Ça va être bon, me dit maman en regardant à son tour.

J'ouvre alors le placard et en sort quatre assiettes, quatre verres, huit couverts. Je les dispose soigneusement.

- Maman ?

Elle se tourne vers moi et me fait signe de poursuivre.

- J'ai eu un onze sur vingt en maths.

- Waouh, c'est super ! dit-elle en souriant.

Voilà, maintenant que toute la maison est au courant, je peux bomber le torse pour avoir l'air fort et intelligent.
J'ai beau me plaindre de mes notes désastreuses en maths, je suis tout de même correct dans tout le reste. Surtout en histoire, allez savoir pourquoi.

L'odeur de la pizza parvient jusqu'à mon nez. Je m'assois déjà à ma place, ça ne devrait plus tarder.

Je sors mon téléphone et observe distraitement mes photos.
Carmen et moi au skatepark, l'année dernière. La plus ancienne photo. On a le sourire aux lèvres, je me souviens qu'elle avait renversé son smoothie sur son pantalon juste après. On avait rigolé aux larmes, sans se soucier des autres qui nous regardaient d'un air ahuri.
Une photo plus récente : maman qui tient une coupe de vin. On l'avait amenée dans un grand restaurant pour son anniversaire. On se sentait un peu de trop dans tout ce luxe, mais c'était vraiment une soirée géniale.
J'adore regarder les photos et me remémorer tous ces souvenirs. Les albums photo ont une place de premier choix dans ma bibliothèque. Je passe parfois des après-midi entières a les regarder.

Papa et Calypso entrent dans la cuisine. Ils s'assoient et humectent l'air.

- Tarte aux poireaux ? tente Calypso.

Maman et moi secouons la tête.

- Mh... tomates farcies ? demande papa.

- Je crois qu'il faut consulter pour votre nez, dit maman en riant avant de sortir la pizza du four.

Calypso se frotta les mains en voyant la partie qui lui était réservée. Papa n'attendit pas et se servit une large part.

***

Le repas terminé, papa nous félicite et Calypso redemande la même chose pour la semaine prochaine. Chacun débarrasse son assiette -vide- et aide à la vaisselle. Je nettoie, papa rince, maman essuie et Calypso range. Quel travail d'équipe.

- On peut regarder Charlie et la Chocolaterie ce soir ? demande Calypso.

- Quoi, encore ? C'est devenu ton film préféré ou quoi ? lui dis-je.

Je ne compte plus les fois où on l'a regardé. Je crois que ma sœur a des périodes où elle ne regarde plus qu'un même films en boucle.

- Bah propose quelque chose alors, dit-elle en croisant les bras.

Je réfléchis. En fait, je ne suis pas trop films. Je préfère les livres. Je fais un piètre adolescent, je sais. "Ulysse, 16 ans, aime lire et cuisiner." Là c'est sûr, tout le monde va m'aimer.
En fait, je crois que c'est aussi pour ça que je m'entends si bien avec Carmen. Nous sommes les deux vilains petits canards.
Je me souviens d'une période où elle ne s'habillait plus qu'avec des habits de garçon. Cette période où elle écoutait du métal, et que ses parents s'arrachaient les cheveux à cause du volume excessif de la radio. Je l'aimais bien comme ça. Mais c'est passé, maintenant elle écoute du "rock alternatif" (et je dois avouer n'avoir toujours pas trop compris la définition de ce style musical) et s'habille plutôt normalement. Féminine sans être vulgaire.
Moi je m'habille un peu au hasard. Je prends un pantalon qui va bien avec un haut et hop! une tenue est créée. C'est aussi simple que ça.

- Ulysse ? Tu m'as entendue ?

Calypso me sort de mes pensées. Je hausse les épaules avant de lui dire qu'elle peut regarder ce qu'elle veut et de monter dans ma chambre.
Je me laisse tomber dans mon lit, observant mon plafond. Rien d'extraordinaire pour un plafond, c'est vrai. Mais je m'imagine ce qu'il y a au dessus. Pas seulement le ciel, les étoiles, mais surtout l'espace. Qu'est-ce qu'il y a, tout là haut, pour que l'Homme s'y intéresse depuis tellement longtemps ?
Les photos qu'on trouve sur internet font froid dans le dos. Magnifique, certes. Mais l'espace reste avant tout vide et froid. L'oxygène étant absent, le bruit l'est aussi. Le silence intersidéral. C'est incroyable.

Je lance ma playlist sur mon téléphone : Two Weeks des Grizzly Bear démarre. Je chantonne la musique en allant ouvrir ma fenêtre. La nuit commence à tomber doucement. Notre jardin est baigné dans la pénombre. J'aperçois au loin les lumières de la ville. J'ai toujours apprécié le fait de vivre à l'écart de toute cette agitation. Je profite de la musique et du vent frais. Tout est calme dans la rue.

Je me recouche sur mon lit, par dessus la couette, le Journal d'Anne Frank entre les mains. J'ai dû le lire au moins vingt fois, mais je ne m'en lasse pas. Je me lance dans ma lecture, la musique défilant dans mes oreilles. J'encaisse les mots dans mon esprit, mais les lettres se changent en tâches noires sur le papier. Mes paupières sont lourdes, je me suis levé tôt ce matin. Je secoue légèrement ma tête pour me réveiller, continuant d'avancer dans l'histoire.

La fatigue est trop présente, mes yeux se ferment d'eux-même à présent. Je pose le livre à côté de moi et me blottit contre mon coussin. Extinction des feux et de la musique.

Je plonge dans un sommeil peuplé de rêves avec des étoiles, des tirs, des onze en maths, et des pizzas.

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