Mythologie
Me voilà dans l'autocar qui me ramène chez moi. La tête posée contre la vitre, je regarde cet environnement familier qu'est mon quartier. Le bus ralentit, se stoppe. Je me lève, j'ai toujours été le seul à descendre à cet arrêt. Je salue la conductrice du bus puis sort, avant que le soleil ne m'éblouisse. Ma maison est au bout de la rue, grande de deux étages, sa peinture blanche virant au gris avec les années.
La voiture de papa est là, garée dans l'entrée. Je sors tout de même mes clefs, perdues au fin fond de ma poche, entre deux papiers de bonbons. J'ouvre la porte et me glisse à l'intérieur.
- Je suis là, dis-je assez fort pour qu'on m'entende.
Pas de réponse. Ils doivent être occupés.
Je retire rapidement mes nouvelles chaussures qui me serrent les pieds depuis ce matin, puis accroche mon sac et mon gilet au porte-manteau. C'est le week-end, pas besoin de ce fichu sac. Il sera bien là.
Venue de l'étage, ma sœur Calypso débarque. J'ai l'impression que depuis qu'on lui a retiré son appareil dentaire, elle ne fait que sourire.
- Salut ! dit-elle. Ça va ?
Calypso a 14 ans. On remarque tout de suite que nous sommes frère et sœur. Mêmes cheveux bruns indomptables, mêmes yeux bleus foncés. Quoique, elle ne porte pas de lunettes. La veinarde, je m'en coltine depuis un bon bout de temps.
Sa taille ridiculement petite pour son âge m'a toujours fait rire. Avec ses cheveux coupés en carré court, on dirait un lutin.
- J'ai passé une bonne journée, et toi ?
Elle s'adosse au mur derrière elle et semble alors en grande conversation avec son for intérieur.
- Mh... Ouais. Ça va. Mais papa est parti dans de grandes explications sur le pyriphlégéton... Ça a presque duré toute l'heure ! Ce n'est même pas dans le programme !
Je ne pu m'empêcher de sourire. Le pyriphlégéton, dans la mythologie grecque, est le fleuve qui mène aux enfers. Mon père est prof d'histoire-géo, mais ce qui le fascine par dessus tout, c'est la mythologie grecque. Pas moins de cinq reproductions de vases en céramique sont exposés dans la maison. Maintenant, c'est beaucoup plus facile de savoir pourquoi les prénoms "Ulysse" et "Calypso"... Ulysse est un héros qui a combattu pendant 10 ans à Troie avant d'avoir mis à nouveau 10 ans pour rentrer chez lui. Quant à Calypso, c'est une nymphe qui a retenu Ulysse en exil chez elle. Très joyeux tout ça.
Quand nous étions petits elle et moi, nous demandions chaque soir à papa un passage de l'Odyssée d'Homère. À force, je crois connaître le récit par cœur.
- Ne t'inquiètes pas, lui dis-je. Il y a toujours un moment dans l'année où il ne peux pas s'empêcher d'en parler.
Elle hausse les épaules et sort son téléphone avant d'aller s'installer dans le canapé.
J'aperçois papa dans la salle à manger, je m'y dirige. Il est assis en biais, un livre relié devant lui. Ses cheveux grisonnants lui tombent à moitié sur le visage, il a l'air très impliqué dans sa lecture.
- Bonjour Ulysse, dit-il sans relever les yeux, comment vas-tu ?
Je lui raconte dans les grandes lignes ma journée totalement inintéressante avant de me souvenir de cette note en maths.
- Mh... Tu me crois si je te dis que j'ai eu un onze en maths ?
Mon père sourit. Je le vois au dessus de la couverture.
- Très bien, fils. Tu progresses.
Je ne m'attendais pas à plus, ni à moins. Je souris en retour et me lève.
Je regarde mon téléphone et remarque 6 tentatives de Carmen pour un FaceTime. J'avais éteins mon téléphone après avoir manger. Je cours vers ma chambre, à l'étage, et ferme ma porte. J'appelle Carmen.
Son visage apparaît, d'abord pixelisé, avant qu'il ne soit net. Elle semble juste un peu fatiguée.
- Bah c'est pas trop tôt ! J'ai cru que Calypso t'avais retenue en exil !
- Hahaha, dis-je ironiquement, mon téléphone était éteint.
L'image tremblote un peu, elle doit être en train de se mettre assise.
- Bah à l'avenir, toujours le téléphone allumé tu devras ! Non, attends, c'est pas ça... toujours, ton téléphone, allumé sera..? Oh, c'est trop compliqué ! dit-elle.
- Dis-donc, t'a l'air vachement en forme pour quelqu'un qui est censé être cloué au lit...
Elle pinça alors les lèvres avant de rire.
- Oui, c'est vrai, je crois n'avoir été vraiment clouée au lit que pendant une heure ou deux... lundi je reviens, ça te va ?
- Pas de soucis, dis-je en souriant. Y'avait une raison spéciale pour qu'on s'appelle ?
- Non, répond-t-elle. J'avais juste envie de voir ta tête.
Elle hausse les épaules.
- Bon, je vais aider ma mère à mettre la table.
- Vous mangez si tôt que ça ? dis-je en fronçant les sourcils.
- Eh oui, c'est comme ça !
Elle se redresse, faisant trembler toute l'image.
- Bon, aller, j'y vais. On se voit lundi tête de pioche !
- À lundi !
Son image disparaît, j'éteins mon téléphone et le pose sur ma table de nuit. Je regarde autour de moi, le bordel est considérable. Je soupire et me lève, rangeant un peu. Paquet de bonbons, poubelle. Touffe de poils du chat, poubelle. Coussin par terre, à remettre sur le lit.
Bon, bah voilà. C'est rangé. Enfin, je n'ai pas la même vision du mot "rangé" que ma mère. Mais moi je m'y retrouve, alors maintenant elle me laisse un peu tranquille avec ça.
Mon dieu, quel ennui. Trop tard pour aller faire du vélo, trop tôt pour commencer à regarder un film. J'allume mon ordinateur et vais sur YouTube. Je regarde quelques vidéos avant de me rediriger vers Facebook. J'ai beau haïr au plus profond de moi ce réseau social, j'y vais quand même parfois. Histoire d'espionner les gens de ma classe, en tout cas.
Lisa en photo devant son hamburger, génial, super intéressant, j'adore le concept. Quelle idiote celle-là.
Eddy qui montre ses tickets pour aller à un match de foot, c'est vraiment super de montrer à tout le monde qu'on a beaucoup d'argent à dépenser.
Bon. J'abuse un peu.
Je regarde mes notifications : seulement des demandes d'invitation à des jeux. Cool. Maintenant, les demandes d'ami. Connais pas, connais pas, connais pas... le prénom de "Milo Blair" s'affiche sur mon écran. Je fronce les sourcils. J'ai entendu ce nom aujourd'hui, mais où ? Quoi qu'il en soit, je supprime l'invitation.
Bon, plus rien à voir sur YouTube ni sur Facebook.
J'entends une voiture ralentir puis couper le moteur. C'est ma mère qui rentre du travail. Elle est pharmacienne dans la ville d'à côté, elle met toujours un peu de temps pour rentrer.
Je me lève et descends rapidement les escaliers pour l'accueillir.
- Bonjour tout le monde ! dit-elle.
Ma mère est grande et élancée. Malgré les signes de l'âge sur sa peau, elle reste très belle. La plus belle de toutes les mamans, comme diraient les enfants de la maternelle le jour de la fête des mères. Ses cheveux marrons sont attachés en chignon relevé au dessus de sa tête.
On entend un "bonjour maman" en provenance du salon, puis un "bonjour ma chérie" en provenance de la salle à manger.
- Salut, lui dis-je.
Elle me sourit et embrasse ma joue.
- Tu veux bien m'aider pour le repas ? dit-elle en guise de réponse.
J'adore cuisiner. J'accepte sans tarder et vais me laver les mains.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top