Le ciel de néons

La fête bat son plein, tout le monde semble s'amuser. Les deux derniers retardataires sont arrivés. Ray parle avec tout le monde, Martha reste dans son coin.

Avec Milo, nous nous sommes installés sur le canapé, chacun portant un verre de Ice Tea.

- Ray et Martha sont meilleurs amis, on se connaît depuis la primaire, j'étais dans leur bande au collège, et on continue de bien s'entendre, dit-il.

J'hoche la tête, mémorisant les informations.

- La plupart des gens ici sont leurs nouveaux amis du lycée, poursuit-il. J'ai beau regarder, je crois ne connaître personne.

Il sourit un peu, portant le gobelet à ses lèvres. Martha nous regarde, je lui souris. Elle en fait un également, plutôt timide.

- Elle a l'air plutôt extravertie, mais elle est assez timide.

C'est dommage qu'elle soit toute seule. Je tapote la place de libre sur le canapé, à côté de moi. Elle s'approche et s'assoit, croisant ses jambes.

- Tu es ami avec Milo, donc ? dit-elle en prenant un air intéressé.

- C'est ça.

- C'est super, Milo c'est un bon gars.

- Merci ? dit l'intéressé en riant.

Martha rit aussi et s'approche de moi. Elle me fait signe de m'approcher aussi, je me penche donc vers elle.

- Surtout, si Ray te propose des muffins, refuse immédiatement, me chuchote-t-elle à l'oreille.

Je me recule alors et fronce les sourcils, pas très sûr de comprendre. Elle articule un "crois-moi" silencieux. Bon, alors refusons les muffins. Dommage, j'aime bien ça pourtant.

Vers 23h00, alors que les seules personnes à ne pas avoir les yeux rouges sont moi, Milo et Martha (je sais maintenant ce qu'il y a dans les muffins...), Ray me demande de me présenter devant la petite assemblée.

Ils sont tous assis dans le canapé, moi devant eux, en face de la télévision. Ils me regardent tous, mon regard croise celui de Milo. Il se marre.

- Vas-y le nouveau, introduce yourself, me dit Ray qui a sûrement mangé énormément de muffins.

Les autres approuvent d'un signe de tête, me lançant des "aller" et des "sois pas timide". Je ne suis pas particulièrement timide mais tous leurs regards m'intimident un peu.

- Alors, euh... moi c'est Ulysse.

Aucun ricanement à cause de mon prénom, c'est déjà une bonne chose. Ils semblent intéressés par ce que je dis, ou bien je n'arrive pas à déchiffrer leurs expressions.

- J'ai 16 ans...

- Oooh, un bébé, dit une fille avec une couronne de fleurs dans les cheveux.

- Tais-toi et laisse parler le p'tit, dit Ray, complètement étalé dans le canapé.

Que puis-je rajouter d'autre ? Je n'ai pas de passion spéciale dans ma vie, pas un passé extraordinaire, et pas de projets d'avenir.

- Bah voilà, dis-je sans savoir quoi ajouter.

- C'est tout, caribou ? demande Ray. Vas-y, dis-moi comment t'a rencontré Milo le plus beau.

J'observe la personne concernée, celui-ci se retient franchement de rire. Ça se comprend, c'est bien la première fois que j'ai l'impression d'être plus conscient que le reste de l'assemblée.

- Bah... j'ai quelques difficultés en mathématiques, et ma prof m'a conseillé de voir avec Milo, pour m'améliorer.

Ray hoche la tête, pensif. Il mange un muffin avec une bougie éteinte dessus.

- Cours particuliers, hein ? dit-il en riant.

- Ouais, en gros, dis-je.

Les autres rient, me fixant de leurs yeux rougis par les substances illicites.

- Bon, bah on peut applaudir Ulysse le... j'trouve pas de rimes en isse... mais t'es cool mec, content de t'avoir rencontré, me dit Ray en se mettant à applaudir.

Tout le monde le suit, applaudissant à tout rompre. Milo applaudit également, se fichant de moi.

L'assemblée se disperse, retournant vaquer à leurs occupations. Je retourne m'assoir à côté de "Milo le plus beau" qui lui n'a pas bougé. Il continue de rire, je croise les bras.

- J'adore les fêtes de Ray, ça finit toujours comme ça. Vers 2h00 du matin, c'est là le pire. Tu verras... dit-il en riant.

Martha retourne auprès de nous. Elle porte un bol de chips, et un autre de cacahuètes. Elle les pose sur la table basse à côté de nous, nous grignotons en discutant. Ray commence à chanter toutes les chansons, avec des paroles plus qu'approximatives.

Je regarde mon téléphone, seulement un message de ma mère, qui me demande si je m'amuse. Je lui réponds que oui.

- On devrait aller danser, dit subitement Milo.

J'hausse un sourcil.

- Vraiment ? lui demandé-je, m'attendant à une plaisanterie.

Il hoche la tête et se lève alors, me tirant par le bras, riant en voyant mon expression.

- Aller ! Et puis on s'en fout, demain ils oublieront sûrement cet épisode embarrassant de nos vies !

- Moi j'oublierais pas... dit Martha, brandissant son téléphone pour filmer.

Milo lui adresse un joli majeur en riant. Nous commençons à danser maladroitement sur She's a Rainbow du mythique groupe des Rolling Stones. Le blond commence à faire des mouvements improbables, ce qui me fait exploser de rire. Il me prend alors par les poignets et me fait tourner, balancer. J'en oublie presque le téléphone braqué sur nous.

- Tu danses bien, me fais remarquer Milo.

- C'est toi qui me tire depuis tout à l'heure !

- Bah justement !

Nous rions bêtement. Est-ce qu'on nous aurait fait manger un muffin par inadvertance ? Je ne penses pas. Enfin, j'espère pas en tout cas.

La musique se termine. Nous arrêtons ce supplice des yeux, Martha applaudit et siffle.

- Merveilleux, il faut vous inscrire à Danse avec les stars !

- On est ni des danseurs, ni des stars.

- Pas faux.

Elle hausse les épaules puis va dans la cuisine. Je remarque que Milo est légèrement essoufflé. Encore son asthme.

- Tu n'as toujours pas retrouvé ta ventoline ? demandé-je.

Il secoue la tête. Je lui propose de faire un tour à l'extérieur, ce que nous nous décidons à faire.

Le jardin de Ray est spacieux. Du gazon, une terrasse, un grand chêne. Nous nous asseyons dans l'herbe fraîche.

- C'est pas une plage, mais on peut regarder les étoiles si tu veux, me dit Milo.

Je souris et acquiesce, m'allongeant. Il est juste à côté de moi.
Le ciel est dégagé, pas un seul nuage à l'horizon. Les étoiles ne sont pas très nombreuses, mais elles sont bien là, à des milliers de kilomètres, brillantes.

- On dirait des néons.

Je fronce les sourcils et me tourne vers Milo. J'entends "America" des Razorlight passer à l'intérieur.

- Bah ouais. Comme si le ciel était un mur et qu'on y avait collé pleins de petit néons.

- Alors j'espère que se sont des ampoules basse consommation, fais-je remarquer.

Milo rit et passe ses mains derrière sa tête.

- Tu as raison. La facture serait très salée sinon.

Un silence s'installe. Il n'y a plus que Milo, moi, et les néons. Nous ne disons plus un mot, profitant de l'immensité du ciel au dessus de vous. Est-ce que c'est trop niais de regarder les étoiles ? Je ne sais pas. Mais je trouve ça joli. On se sent tout petit. Comme le grain de sable au milieu du désert du Sahara. Comme la cellule-œuf du corps humain. Comme la molécule d'H20 dans l'Océan Pacifique. Je rêve, ou j'ai fais des maths là ?

Milo se redresse, assis en tailleur. J'ai beau continuer de regarder le ciel, je sens ses yeux posés sur moi. Alors je tourne la tête vers lui. Je me redresse à mon tour. Nous nous regardons, nous observons, nous toisons du regard.

Je me mords la lèvre. Mon cœur s'emballe à nouveau. Milo reste imperturbable.

Il s'approche un peu plus de moi, si bien que la distance entre nos deux têtes est maintenant égale à un poing fermé.
Il me regarde avec douceur, prévenance.

- Tu es beau, comme ça, chuchote-t-il.

- Comment ça "comme ça" ?

- Je sais pas... inquiet. Pas sûr de toi. Je ne t'oblige à rien. Mais je veux au moins que tu saches que je t'aime bien, je t'aime beaucoup même. Ces mots sont si vite prononcés de nos jours, mais ils ont un véritable sens en cet instant.

Il marque une pause, peut-être gêné de se livrer ainsi à moi.

- Tu m'a écouté quand les autres faisaient mine de ne rien entendre.

Je hoche la tête, le regarde droit dans les yeux. Je veux qu'il sache que je suis sincère dans mes paroles.

- Je t'aime bien aussi, dis-je.

Et après un arrêt, j'ajoute :

- Je t'aime beaucoup.

Et à ce moment, mes lèvres se sont posées sur les siennes. Qui s'est rapproché en premier ? Aucune importance. Je ferme mes yeux, savourant ce moment. Ce baiser à un goût d'été, un goût d'innocence et de joie grave. Il pose sa main sur ma joue, nous redoublons d'intensité.

Finalement, après un moment trop court à mon goût, nous nous reculons. C'est bien la première fois que je vois Milo rougir.

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