Le casier

Les cours recommencent. La semaine recommence, le cycle recommence. Je suis encore un peu retourné de la visite de Milo, j'espère le voir aujourd'hui.
Pourquoi la semaine doit commencer le lundi ? Pourquoi pas le mardi ? Mais bon, si la semaine commençait le mardi, tout le monde le détesterait et ça ne changerait rien. Le lundi est destiné à être détesté.

En raison de l'absence de Mr. Lutz, notre première heure de cours est libérée. Dire que j'aurais pu dormir une heure supplémentaire.
Avec Carmen, on reste dans la cour, comme presque tout le reste de notre classe. Personne n'a envie d'aller réviser ou faire ces devoirs à cette heure. Je baille à m'en décrocher la mâchoire, mes paupières sont lourdes.
Nous nous asseyons à notre banc fétiche.

Je n'ai rien raconté Carmen. Je ne lui ai pas parlé de cette fois au CDI, où Milo m'a parlé. Ni de ce soir où nous avons discuté. Ni de ce jour où je l'ai croisé dans la rue et que je l'ai invité chez moi sur un coup de tête. Cette même fois où il s'est confié ouvertement à moi.
J'estime que je peux avoir une part de secrets moi aussi, comme je pense également que Carmen en garde surement plein elle aussi.

Le ciel est grisâtre aujourd'hui. J'espère qu'il va pleuvoir...
Je baille encore, discutant du prochain contrôle d'histoire.

Je vais au toilettes, juste à côté de notre banc (plutôt pratique) et ouvre le robinet. Je met mes mains en bol et les utilise pour transporter l'eau jusqu'à mon visage. C'est froid ! Je le fais encore quelques fois pour être bien réveillé. C'est vraiment gelé, mais ça a plutôt bien marché. Je sèche les gouttelettes qui ruissellent sur mon cou avec la manche de mon sweat à capuche. Je ressors, Carmen a disparu. Est-ce que la cloche à sonné sans que je m'en rende compte ?

Ma montre indique 8h54. C'est ça, elle doit déjà être au cours de biologie.
Je vais dans le couloir, passant par mon casier. J'essaye de l'ouvrir tant bien que mal, mais le verrou est un peu rouillé.

- Salut.

Cette voix sortie de nulle part me fait sursauter et je me retourne subitement, la main sur mon cœur. Je regarde Milo rire.

- Ce n'est pas drôle ! J'ai eu peur ! dis-je, scandalisé.

Il regarde alors mon casier et essaye aussi de l'ouvrir, sans succès. Non, la vie n'est pas un film où le mec donne un coup dans le casier pour qu'il s'ouvre. On s'époumone à deux pour l'ouvrir, tirant de toutes nos forces, quand la porte décide finalement de se débloquer. Je suis au bord de tomber mais Milo me rattrape, me tirant par la manche.

- Attention ! dit-il.

Je le remercie et souffle, récupérant mes affaires qui traînaient là depuis plusieurs jours, faute d'avoir pu les récupérer. Je m'apprête à refermer, à contre cœur, quand Milo m'arrête.

- Attends ! Ça ne sert à rien de garder un casier qui ne s'ouvre pas... il y en a un qui n'appartient à personne, à côté du mien.

Bonne idée. Je récupère toutes mes affaires et le suit, sans un au revoir un casier maudit. La cloche sonne. Il fait que je me dépêche.
Il me conduit vers le casier et prends les affaires que je tenais dans mes bras.

- Vas en cours. Je règle le problème, m'annonce-t-il.

Je plisse les yeux, me demandant si c'est une bonne idée. Mais je le laisse faire, étant déjà en retard. Je m'éloigne et monte au troisième étage. Ma classe est déjà entrée. Je toque timidement à la porte.

- Oui ? dit la voix de Mr. Thiel, professeur de biologie.

J'entre et marmonne quelques excuses avant de m'assoir à côté de Carmen qui, comme je m'en doutais, était partie sans m'attendre. Je sors mes affaires et rattrape les quelques lignes de cours que j'avais loupé.

- T'en a mis du temps... chuchote Carmen.

J'hausse les épaules. Le cours porte sur la classification des animaux. Selon l'espèce, l'environnement naturel, le nombre de pattes, squelette interne ou externe... ça en fait des facteurs.
Bien que je déteste les maths et que je suis juste dans la moyenne en chimie, j'aime la biologie. C'est plus facile à comprendre et plus intéressant. Je préfère parler d'animaux plutôt que de devoir calculer la distance Terre-Soleil avec pour seul outil de distance un trombone mesurant 4 cm.

Mr. Thiel nous distribue un polycopié avec différents animaux à classer pour le cours suivant. Au même moment, la cloche sonne à nouveau. Déjà ? C'est moi où le temps à décidé de passer un peu plus vite que d'habitude ?

Avec Carmen, nous allons dans la cour, encore une fois. C'est une journée plutôt vide, notre précieuse heure de libre arrive juste après.
Je ne me sens pas très en forme, et elle le remarque.

- Ça va pas tête de pioche ? demande Carmen.

J'hausse les épaules, geste qui est devenu ma réponse préférée depuis ce matin. Elle pose le dos de sa main et estime si j'ai de la température.

- Mh, tu as un peu chaud...

- Je ne suis pas malade, dis-je.

Elle mord sa lèvre, dubitative. Elle me conseille de rentrer chez moi mais je refuses, si je couve quelque chose, je ne viendrais pas demain et voilà tout. Et puis, je suis juste fatigué. Elle poursuit :

- Je suppose que tu ne veux pas m'accompagner en ville ..?

- Non merci, mais vas-y toi.

Elle hoche la tête et vérifie une dernière fois ma température avant de se lever. De loin, je lis sur ses lèvres << à tout à l'heure >>, moi je me dirige vers le CDI quand on m'attrape à l'épaule.

- Coucou !

Milo me fait encore face et je souris un peu. J'ai un peu plus chaud, la fièvre qui monte ?

- Problème de casier réglé !

Il me tend un petit papier avec le numéro du code. Je le glisse dans ma poche en le remerciant. Je ne dois pas avoir très bonne mine car il me demande :

- Est-ce que tu vas bien ?

- Oui, juste un peu fatigué...

Il penche la tête et me demande si mon heure est libre, je lui réponds que oui.

- Tant mieux, moi aussi. Alors tu m'autorises à t'emmener à mon endroit préféré ?

Son sourire contraste par rapport à ce qu'il m'a confié hier. Peut-être qu'il est tout le temps joyeux comme ça. Ou qu'il cache sa douleur au fin fond de lui. Finalement, je ne sais pas grand chose de Milo Blair.

J'accepte avec un peu de réticence. J'espère ne pas croiser Carmen...
On sort de l'enceinte de l'établissement, dans la rue qui fait face au lycée. Quelques magasins et restaurants plus tard, nous arrivons devant un petit café portant le doux nom de "Cup's".

- C'est ça, ton endroit préféré ? demandé-je.

- Oui ! C'est sympa, tu verras !

Il me tire par le bras jusqu'à l'entrée. Lorsque nous franchissons la porte, une petite cloche placée au dessus émet un tintement sonore.

L'endroit est presque vide. Trop tard pour le petit-déjeuner, trop tôt pour le le repas de midi.
Une femme est assise à une table du fond, une tasse de café à la main, pianotant sur les touches de son ordinateur portable posé devant elle.
Un homme, assis au comptoir, lit le journal.
Milo dépose sa veste à une table à côté de la baie vitrée.

- Tu prends quoi ? me demande-t-il. Moi un chocolat chaud.

- Oh, euh, pareil...

Milo commande et paye pour nous, je lui dis que je le rembourserais mais il refuse catégoriquement. On prend nos deux chocolats chauds et allons nous installer sur les banquettes confortables.

La première gorgée me brûle, mais c'est tellement bon. Milo rit en me voyant.

- Quoi ? dis-je, haussant les sourcils.

Il me désigne alors le haut des lèvres et je comprends aussitôt. Je prends un papier et essuie la mousse sous mon nez, le rouge me montant aux joues.
Il rit encore et boit également son chocolat.

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