J'ai cours aujourd'hui. Ça promet d'être ennuyant. Après un bac scientifique, je me suis dirigée vers les études de médecine. Je voulais devenir psychiatre. Aujourd'hui, cela peut paraître futile de me rendre aux cours qui n'aboutiront jamais à rien mais ils me donnent un semblant de normalité et j'y tiens, aussi bizarre que ça peut paraître.

Je n'ai encore rien dit à mes amis. Seuls mes parents et mon frère, Théo, sont au courant.

Quand je me regarde dans le miroir, j'essaie de repérer un signe, une différence qui pourrait prouver que je ne serais plus de ce monde d'ici un an. Mais je ne vois rien si ce n'est mon visage de d'habitude. Quand je souris un peu trop, de petites fossettes apparaissent au coin de mes joues. Mes yeux verts sont en amande et j'ai tendance à les maquiller plus qu'il ne le faudrait, me trouvant toujours un air trop fatigué. Ma puberté est enfin finie et j'ai pu dire adieu à l'acné et à tous les problèmes de peau que j'avais en étant adolescente.

Mes cheveux châtains récemment coupés au carré encadrent le tout. Et je ne peux pas dire si mon reflet me plaît ou pas. C'est simplement moi.

Je croise Charlène dans un couloir et je m'arrête pour lui dire bonjour. Charlène, c'est un coup de chance. On s'est côtoyées au lycée. A l'époque, je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire et ne pensait pas me retrouver en médecine. Elle non plus, après tout. On s'est retrouvées, à la fin de la terminale, étant toutes les deux acceptées et on s'est prise dans nos bras, dû au soulagement à ne pas être seules, l'année d'après.

Elle a l'air encombrée par tous les cahiers qu'elle tient dans ses bras et j'éclate de rire au vue de sa mine renfrognée. Et puis, je détourne le regard et rien ne va plus.

Quand j'ai dit que je voulais tomber amoureuse, je n'ai jamais précisé si c'était déjà le cas ou pas. Maël est peut-être l'exception à cette règle.

Je le connais, vous savez. Ce n'est pas le badboy de l'université qui ne pose jamais les yeux sur moi. C'est quelqu'un que je côtoie, régulièrement, et qui est aussi parfait physiquement que psychologiquement. Nous avons des amis en commun, une bande de garçons tous plus géniaux les uns que les autres.

Charlène suit mon regard et s'enthousiasme en décidant d'aller lui dire bonjour. Elle me tire à moitié derrière elle pour être sûre que je suive le mouvement et je baisse la tête en la suivant. Les autres sont avec lui. Victor, Noé, Eliott et Louis. Je me demande parfois encore comment ils peuvent former une bande en étant si différents les uns des autres. Mais je les décrirai plus tard.

Je leur dis bonjour, et Charlène entame la conversation. Je jette un regard en coin à Maël qui me paraît ailleurs. Et je me rends compte d'une chose.

J'ai envie de l'embrasser.

Non, non, non. Pas maintenant. Mais ça serait comme transcrire mes propres règles et je ne peux pas me le permettre. Alors, je me dis : demain, je le ferai demain.

Et je me rends compte que la liste est justement faite pour ça. Pour ne rien remettre à demain.

Alors, j'interromps sa conversation avec Victor en m'avançant vers lui, en me mettant sur la pointe des pieds, en passant mes bras autour de son cou et en l'embrassant.

Sans regret.