Jour 19
Théo refuse de m’adresser la parole.
Quand on était petit et que l’un ou l’autre allait trop loin, il déposait un cookie au chocolat au lait devant la porte de chambre respective.
C’était le signe du pardon. Généralement, l’autre mangeait le gâteau et allait ensuite dans la chambre du fautif. On finissait par s’excuser tous les deux d’un air contrit et par se faire le câlin de la réconciliation, comme on aimait l’appeler.
J’ai grandi, il a grandi. Cette habitude est néanmoins restée. Pour des choses un peu moins marrantes que lorsque nous étions enfants, mais ça avait sa symbolique et c’est ce qui était beau.
J’ai déposé un cookie hier soir devant sa chambre, avec le mot que j’ai écrit. Et je l’ai attendu. Je n’ai pas réussi à trouver le sommeil et ce n’était pas un signe du cancer. C’était le signe du mal-être.
Mon petit frère ne peut pas me supporter et ça me fait mal.
Les rayons du soleil transpercent le rideau de ma fenêtre mais je n’ai pas le courage de me lever.
Je sais qu’il n’y a pas de solution à ce problème. Je vais mourir. Ce n’est pas une toux que je pourrais soigner en avalant un peu de sirop. Ce n’est pas un mal de tête à soulager à l’aide d’un doliprane.
C’est quelque chose d’incompréhensible, qu’on ne peut pas régler. C’est quelque chose qui vit et grandit en moi, que je nourris en mangeant, que je repose en dormant, que j’alimente en vivant.
-Ne me dit pas que tu pleures, Vi’ ?
Je tourne mon regard embué vers Théo qui reste sur le seuil de ma porte, m’accusant du regard.
-Pourquoi, sœurette ? Pourquoi, toi qui as imposé cette décision, as-tu le droit de pleurer ? Si tu l’assumes, cette décision, montre le. Montre-moi que tu ne regrettes pas de laisser passer ta chance de guérison. Tant que tu pleures, je ne peux pas l’accepter.
Je tends les bras vers lui pour recevoir un peu d’affection de sa part et il daigne venir me serrer dans ses bras. Il a un an de moins que moi et me dépasse de quinze bons centimètres.
Il est blond avec de beaux yeux verts et garde encore son visage d’adolescent, bien que les années s’écoulent pour lui aussi.
Je ne le verrai jamais adulte. Je ne rencontrerai pas sa femme ou ses enfants. Je ne pourrais jamais raconter d’anecdotes gênantes ou ressasser les souvenirs avec lui.
Comment veut-il que j’arrête de pleurer ?
-Je sais, Vi’. Il n’y a pas que nous qui te perdons. Il y a toi qui avance vers l’inconnu et qui ne supporte pas l’idée de nous laisser avancer sans toi.
Mon petit frère est si censé.
Sans regret.
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