Epilogue

[Eliott-deux semaines après]

-Allez mec, soit tu dégages, soit j'appelle les flics.

-Mais tu comprends pas ? Elle est morte, elle reviendra jamais ! Jamais, t'entends ? Donc vas-y, appelle les tes flics, j'en ai rien à foutre.

J'enfile cul sec le dernier verre que j'ai commandé et je le jette par terre, juste pour provoquer le serveur un peu plus. Allez mec, frappe moi, je t'en supplie, évacue le bordel qu'il y a dans ma tête, je n'arrive même pas à penser. Allez.

Et ça ne manque pas, il m'envoie son poing dans la gueule et je suis soulagé d'au moins ressentir ça.

-Ptêtre qu'elle s'est barrée pour une bonne raison, ta meuf, réfléchis-y.

Il me claque sa porte au nez et je n'ai même pas le courage de lui dire que ce n'est pas ma meuf et que même si j'étais amoureux d'elle, ça n'est pas pour ça que j'ai l'impression de crever à chaque instant.

C'est son rire qui me manque. Sa façon de me reprendre et le regard qu'elle me lance à chaque fois que je l'exaspère mais qui me fait comprendre qu'elle m'aime quand même.

Je savais que m'attacher à elle ne m'apporterait que des emmerdes mais je n'ai pas pu m'en empêcher.

Je refoule les larmes qui montent à chaque fois que je pense un temps soit peu à elle.

-Bordel, sors de ma tête, je t'en supplie ! Je n'y arriverai jamais, dégage Vi', dégage bordel !

J'envoie mon poing dans le miroir de mon salon et le sang coule sur le pull qu'elle m'a offert. Je hurle pour tenter d'évacuer mais ça ne fait que me foutre encore plus mal. Et sa foutue lettre post-funèbre me nargue, de là où elle est. Alors, dans un réflexe désordonné, j'attrape le flingue que j'ai hérité de mon paternel et presse la détente contre ma tempe. Sans rien regretter de cette foutue vie, qui n'a plus de sens sans elle.

[Charlène-deux semaines et deux jours après]

C'est difficile, sans elle. Sa bonne humeur me manque. Ses blagues à deux balles qui me faisaient rire à longueur de journée aussi. Le truc, c'est que c'est trop vide sans elle, elle était trop importante à ma vie.

Vous savez, le soulagement que l'on ressent quand on se réveille après un cauchemar ? A chaque fois que je me réveille, désorientée, je soupire presque de soulagement parce que je n'ai toujours pas accepté le fait qu'elle soit morte. Et après, je suis tellement triste que je regrette de m'être réveillée.

Elle me manque tellement, j'ai peur de ne jamais m'en remettre.

Mon téléphone sonne.

-Victor ? Quoi ? Je ne comprends rien, parle moins vite, s'il te plaît.

-C'est Eliott, Cha'.

-Quoi, Eliott ?

-Un de ses voisins a entendu une détonation avant-hier soir et il a prévenu la police. Ils ont dû défoncer la porte parce qu'il n'ouvrait pas.

-Et puis, Victor ? Quoi ?

-Il s'est tiré une balle dans la tête. Son père a eu le malheur de lui donner le flingue qu'il avait acheté à l'étranger.

Oh mon dieu. Je n'arrive même pas à répondre.

-Je... Il est mort ?

Ma question est stupide, mais je ne sais pas quoi dire d'autre.

-Oui, Charlène, il est mort. Eliott est mort.

Je le sens sur le point de craquer mais il raccroche avant que j'ai eu le loisir de répondre.

J'envoie mon téléphone contre le mur et je le frappe également, de toutes mes forces.

Ma mère arrive et me prend de force dans ses bras et je pleure, je pleure tellement.

-Pourquoi la vie est-elle si horrible ?

Je ne sais pas si je m'adresse à ma mère ou à la vie elle-même mais j'ai besoin d'avoir une réponse. J'ai besoin de trouver quel est le sens à ça, parce que je n'y arrive pas.

-Je ne sais pas, ma chérie. J'aimerais avoir une réponse à te donner.

Mes sanglots n'arrivent pas à s'arrêter et j'en viens à me demander si je m'en remettrais un jour.

[Caroline-trois semaines après]

Je me sens si lourde. J'ai l'impression qu'on m'a enlevé un organe qui m'est vital sans que ça n'affecte pour autant mon physique.

Je me dois de porter cette tenue encore une fois parce qu'Eliott s'est décidé à mourir. Je lui en veux tellement. Il était important à nos vies et il a préféré abandonner.

J'écoute vaguement le discours du prêtre en ayant juste envie que ça se termine. Ensuite, sa famille porte son cercueil et je suis le cortège d'un pas lourd. Ma tête bourdonne. Je n'ai rien mangé de concret depuis deux jours et mon corps a du mal à le supporter.

Je n'arrive simplement pas à continuer à vivre, c'est trop difficile, bon sang.

Je dépose une rose sur la tombe d'Eliott parce que malgré tout, je l'aimais quand même.

Je croise le regard de Victor qui baisse le sien au même moment.

J'ai bien l'impression que la bande ne se retrouvera plus jamais.

[Victor-deux semaines après]

J'ai enterré ma meilleure amie et un autre que je connaissais depuis dix ans. Je me sens mort.

Je savais que la mort de Violette n'entraînerait que des mauvaises choses.

J'ai tout perdu. Même l'amitié que j'ai pu avoir avec le reste de la bande n'est plus. On n'arrive pas à se regarder dans les yeux, c'est tellement triste.

Mon regard se percute à une photo de Violette, d'Eliott et moi. Bon sang, je ne sais même pas ce que cette photo fait là. Eliott ne regarde pas l'objectif et Vi' s'était obstinée à fourrager dans ses cheveux.

Je comprends pourquoi il a voulu en finir. Vu ce qu'il ressentait pour elle, il ne devait pas avoir envie de vivre avec ça.

Mais moi, comment je fais ? J'ai l'impression de devoir être fort et de ne pas pouvoir faire mon deuil. D'ailleurs, faire un deuil ? Je n'ai jamais dû en faire un et je me retrouve confronté à la perte de ces deux là. Comment pourrais-je continuer à vivre ma vie ?

Violette était une étoile. Elle ne demandait pas l'attention mais elle la captait forcément. Elle voulait finalement guérir et on s'était tous dit que ça fonctionnerait alors on a baissé notre garde. Et voilà où on en est aujourd'hui.

Pourquoi Eliott avait-il plus le droit d'abandonner que moi ? Ou que Maël ? Comme si on avait besoin de ça, comme si la perte de Violette ne suffisait pas.

Bon sang, cette enfant me manque. Elle avait le don de me faire oublier tous mes problèmes. C'est simple, dès que je la voyais, je ne pouvais pas m'empêcher de sourire parce que c'était elle.

Ce doit être ses câlins qui me manquent le plus. Elle avait beau râler au début en disant qu'elle n'était pas affective et qu'elle n'aimait pas les câlins, elle ne pouvait s'empêcher d'en faire.

Je ne sais pas comment je vais faire sans elle.

Je ne sais vraiment pas.

[Noé-quatre semaines après]

A la fin de la lecture de la lettre qui m'était adressée, je m'adosse contre un mur, par terre.

Je sais qu'elle nous manque à tous et que je ne peux pas me permettre de monopoliser la tristesse que l'on ressent mais, bon sang, je ne pensais pas que l'on pouvait avoir aussi mal.

Eliott est tombé à sa suite et je n'en ai même pas été surpris. J'ai été plus étonné qu'il tienne deux semaines. On voyait tous qu'il n'arrivait pas à remonter la pente. Il ne faisait que boire un peu plus chaque soir, en cherchant à se faire tabasser. « Pour ressentir », disait-il. Aussi, n'ai-je pas été choqué par la nouvelle, si ce n'est par la façon dont il l'a fait.

Je sais que je ne parais pas être atteint mais c'est tout le contraire. Je me sens vidé et surtout fatigué. Je n'ai pas fait une nuit complète depuis qu'elle est morte.

La dernière journée a été géniale, comme si elle était destinée à être la dernière et à marquer notre mémoire.

On a été se promener. J'étais enfin officiellement en couple avec Charlène et Vi' profitait du soleil, qui apparaissait enfin après des semaines. Maël ne cessait de la taquiner et je voyais son regard rempli d'adoration pour elle. Eliott semblait s'être calmé. Tout allait pour le mieux.

Je me souviens même l'avoir pris dans mes bras pour lui dire bonne nuit.

C'est tout ce qui me restera. Ce sentiment dans mes triples à ce souvenir, si j'arrive à ne pas l'oublier et je me concentre souvent pour me le rappeler.

Eliott et Violette semblaient destinés à mourir ou vivre ensemble, même si je sais qu'à la mort d'Eliott, Vi' n'aurait jamais sombré.

Ils me manqueront pour toujours. Mais j'espère que le temps sera mon allié et qu'un jour, ce que je ressens en ce moment même s'atténuera.

Je ne comprendrais pas pourquoi vivre a un sens, si ce n'est pas le cas.

[Louis-cinq semaines après]

J'envoie valser le réveil qui me tire d'un demi-sommeil non réparateur. Et puis, ça me tombe dessus. Oui, Vi' est morte. Oui, Eliott est mort. Non, je ne vais pas mieux.

Mes parents ne savent plus comment me parler. Moi qui étais le premier à savoir passer au dessus des mauvaises choses pour profiter de la vie, aujourd'hui, j'emmerde tous ceux qui espèrent cela de moi. Oui, oui, je les emmerde.

J'aimerais me dire de profiter pour elle, c'est ce qu'elle voulait, c'est ce qu'on lui avait promis. Mais après qu'elle ait accepté le traitement, je m'étais sortie cette idée de la tête, parce que je voulais qu'elle guérisse. J'étais sûr qu'elle allait guérir.

J'ai l'impression qu'un nouveau moi a surgi et je regrette l'ancien. Celui qui sortait connerie sur connerie en ayant juste pour but de faire rire ceux à qui il parle. Cette capacité là me manque.

Rire me manque. Je pense que je n'ai pas lancé un seul véritable sourire depuis cinq semaines. Il est encore trop tôt, me direz-vous. Moi, je pense qu'il est trop tard. Que mes belles années sont derrière moi et que je vais encaisser, à partir de maintenant.

Je sais que vous l'avez trop entendu. Mais ils me manquent tous les deux, j'ai l'impression d'étouffer parfois tellement ils me manquent. C'est dingue.

[Théo-six semaines après]

Le museau de Luxio vient se frotter contre ma joue et m'émerge de mon demi-sommeil. Satané chaton.

-Dégage Luxio.

Je le pousse et le vire du lit.

Je dors dans celui de Violette. Et Luxio attend sa maman qui ne reviendra pas.

Les larmes me montent aux yeux. Je n'en parle à personne, encore moins à mes parents mais je ne gère pas si bien que ça sans elle. Et Luxio n'aide pas. Je l'aurais donné à Eliott si j'avais pu mais la vie en a décidé autrement.

Ma sœur me manque. Je n'arrive pas à croire qu'elle soit morte. J'aimais notre relation et elle me manque, bon sang. J'entends Luxio miauler, au pied du lit. Il n'a jamais été aussi insistant.

-Ta gueule, Luxio.

Mais il ne s'arrête pas

Et il me rappelle tellement Vi'

Et je sais qu'elle n'aurait pas trouvé ça juste que j'en veuille à un animal, encore moins à son chaton.

Alors je le prends et il se calme.

Il ronronne contre moi.

Et il y a une sorte de déclic en moi, je me dis que je dois bien à ma sœur, le fait de prendre soin de son Luxio.

Elle me manquera à vie et son prénom le résumait bien.

[Maël-sept semaines après]

Un poids s'affaisse sur mes draps.

-Maël, tu es sûr que tu ne veux pas te lever ? Ou prendre une douche ? Je ne te demande pas de sortir, juste de te dégourdir un peu les jambes, tu veux bien ?

-Fous-moi la paix, maman, s'il te plaît.

Elle passe sa main dans mes cheveux en soupirant et je refoule les larmes qui me montent aux yeux. J'ai l'impression d'être un moins que rien, à pleurer tous les jours comme ça.

C'est comme si je n'allais jamais m'en remettre.

Après sa mort, j'ai demandé à ses parents son parfum et ils me l'ont donné sans trop de protestation. Résultat, comme un con, j'en ai foutu sur mon oreiller et je passe mes journées à dormir. L'école de médecine est prévenue du décès de ma Violette et nous a laissé du temps.

Mais je ne pense pas reprendre un jour. Je pense que je vais attendre ici et tant que ça n'ira pas mieux, je ne me lèverai pas, parce que je n'en ai pas envie. Parce que c'est trop dur de me dire que je ne la verrai plus jamais, malgré toutes les promesses que j'ai pu lui faire.

Je sais bien que si elle me voit, d'où elle est, elle m'en voudrait de m'infliger ça mais je m'en fous.

-Tu n'avais qu'à pas mourir, Vi'. Sans toi, je ne suis plus rien.

Je jalouse Eliott d'avoir eu le courage de mourir. J'espère qu'ils sont à deux, pour qu'elle ne soit pas toute seule. Et je le comprends. J'ai envie de mourir, actuellement. Et je sais que ça ne va pas changer avant un long moment.

Elle était trop jeune pour mourir comme ça. Ce n'est pas juste. Ce n'est vraiment pas juste.

J'attrape ma plaquette d'antidépresseurs et me permets d'en prendre un, sans eau, peu importe. Je veux juste dormir et oublier un peu ce que je ressens en ce moment même.

Ça fait trop mal, bon sang.

J'aimerais ne jamais me réveiller.

Après [Victor-un an après]

J'enfile ma veste, le cœur lourd. Cela va faire un an que Violette et Eliott sont morts, et je me rends compte que ce n'est pas plus facile. Charlène et Caroline ont décidé qu'il était temps pour nous tous de nous faire face et j'appréhende.

J'aurais tellement besoin d'un peu de soutien. Les perdre eux et perdre le reste de la bande suite à ça, c'était trop pour moi.

J'arrive un peu en avance au lieu de rendez-vous et m'assoit sur le banc où Violette s'asseyait toujours. On a choisi de retourner dans le parc, comme à la veille de sa mort. Une sorte de symbole, je suppose même si je retiens mes larmes, de là où je me trouve.

-Victor !

Je reconnais facilement la voix de Charlène, enrayée par un sanglot et elle se jette dans mes bras.

-Bon sang, ce que ça fait du bien de te voir !

Je ne la lâche plus et je suis finalement reconnaissant d'être là, à me sentir un peu mieux pour la première fois depuis des mois.

Caroline est à sa suite et je la prends également dans mes bras, après une légère hésitation.

Je ne sais pas quoi leur dire, je ne sais pas comment leur dire que je ne veux plus qu'on laisse la vie nous séparer et que même si Violette et Eliott ne sont plus, cette bande existe toujours, quoi qu'on puisse en penser.

Roxane, Noé, Louis et Maël arrivent aussi. Quand je vois l'état lamentable de ce dernier, je détourne le regard. On dirait qu'il ne s'est pas rasé depuis plusieurs semaines et physiquement, lui qui était toujours particulièrement soigneux de son apparence, est complètement négligé.

Mais c'est surtout son regard qui me fait peur. On dirait qu'il est mort. Ses yeux fixent un point, par terre. Lui-même ne semble pas savoir ce qu'il fait là.

On essaie de combler les blancs et j'apprécie les efforts de tout le monde. Louis semble avoir retrouvé sa capacité à rire, même si on sent que c'est forcé.

Mais ce n'est pas si désagréable, ça fait du bien de se retrouver. C'est un sentiment étrange, qui aura toujours des connotations tristes mais ils sont là, ils sont vivants et moi aussi. La vie doit continuer même si certains jours, je ne comprends pas comment c'est possible.

Et j'ai envie de leur dire.

-Je sais que c'est difficile, ok ? Je ressens la même chose que vous tous et c'est absolument affreux de se voir parce que vous me faites tous penser à eux. Mais je sais aussi que je n'y arriverais pas si je devais continuer à vivre comme cette année. Vous me manquez, tous. Dites-moi que ce n'est pas la dernière fois qu'on se voit, s'il vous plaît. Ce n'est pas ce qu'elle aurait voulu, vous le savez autant que moi.

Maël se fige au moment où j'évoque Violette mais il ne dit rien. Je ne sais pas ce que je pourrais lui dire pour le faire aller mieux.

Et finalement, un miracle semble s'opérer, ils hochent tous la tête et Noé évoque même le projet d'une future sortie. Ce n'est pas grand-chose mais c'est déjà ça.

Je pose ma main sur l'épaule de Maël, qui est à côté de moi.

-Mec, il faut que t'arrêtes les antidépresseurs. Je sais que c'est difficile, surtout pour toi parce qu'elle était ton foutu monde et je voyais bien à quel point tu étais amoureux d'elle.

Il ne me regarde même pas.

-Violette est morte, d'accord ? Ça ne changera pas, jamais alors il faut que tu remontes la pente Maël, s'il te plaît. On sera là, avec toi, mais il faut déjà que tu arrêtes ces saloperies. Et surtout...

Je lui donne le bracelet que j'avais récupéré en même temps que ses dernières volontés. Je ne voulais pas m'en séparer, parce qu'il me rappelait Eliott en même temps que Violette et que je la voyais encore le porter mais c'est pour une bonne cause.

Maël semble percuter et il attrape le bracelet du bout des doigts pour ensuite le serrer à en avoir mal. Je le vois retenir ses larmes et je le prends dans mes bras, rapidement, parce que je sais qu'il m'aurait repoussé, sinon. Il hoche la tête et c'est un soulagement.

Ça prendra du temps.

La peine ne s'atténuera sans doute jamais.

Mais s'ils restent dans ma vie, j'arriverais peut-être à vivre un peu plus normalement.

Je sais qu'elle m'avait attribué ce rôle et j'espère que de là où elle est, elle repose en paix. Avec mon foutu meilleur ami, qui était trop égoïste pour se préoccuper d'autre chose que de lui-même.

Vi', je te promets d'essayer de vivre sans regret, même si tu resteras à jamais le mien.

Et voilà, c'est la fin de Sans regret ! Je remercie ceux qui sont encore là, pour lire ces mots. Plein d'amour pour vous tous.

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