Chapitre 19

Adrien est sortit, à mon plus grand soulagement. À chaque mot prononcé, mon coeur se brisait en de centaines de petits morceaux. Je ne veux pas être humiliée comme ça. Je ne le mérite pas.

Dès le départ, je sentais qu'il était fou, malpolie, dangereux, violent... La première fois que l'on s'était vu, c'était sur un toit pendant que je fuyais un A.E.P. Adrien m'avait assommé puis emmené dans le Q.G. des Berkeley. Là bas, il m'a giflé, insulté et embrassé à mon insu sur le coup de l'alcool. Puis, son père nous a fiancé, sans raison, telle une malédiction dont on ne peut s'opposer. Pour preuve, Adrien s'était étouffé après avoir protesté le vœu de son père. Après celà, il m'emmena à New York pour une raison que j'ignore encore. Dans l'avion, il m'a retiré ma puce avec une gentillesse encore jamais vu dans ce monde.
Enfin, il m'a sauvé de ma noyade dans l'immense mer de la Liberté avant de m'insulter devant sa tante.

Ce garçon est beaucoup trop imprévisible. Il me fait peur, est violent et pourtant ! Il a un bon fond. Il me rappelle l'un de ces "Bad Boys" dans les fictions pour adolescentes. Un jeune homme sombre, mystérieux, faisant partie du gang le plus crain du pays, beau garçon, qui va un jour s'intéresser à une fille timide et faiblarde.

C'est bien son portrait, pour seul détail qu'il ne s'intéresse pas à moi. Et tant mieux. Puis, tout ça s'est passé tellement vite que je n'arrive toujours pas à trier les choses.

Thomas me coupe dans mes pensées :

《- Ma-moiselle Diana ? Tu joues avec moi ? chevalier il veut pas...

- Quelle question ! Mais bien sûr mon petit Thomas ! Tu veux jouer à quoi ?

Il désigne de l'index un oiseau, un chien, un dragon et un roi je crois. Ce sont tous de très beaux jouets, bien qu'un peu vieux.

- C'est quoi l'histoire alors ? Je demande.

- Chien est perdu dans une ville. Roi trouve le chien. Dragon mange Chien et Roi mange Dragon.

- Et l'oiseau ?

- Pleure en regardant Roi et Dragon manger Chien.

- Tu as faim je crois Thomas ? Je devine un peu perturbée.

- Oui ! Cri t-il de joie.

Je me lève alors, tenant le petit garçon à l'histoire farfelue par la main et me dirige vers la Tante Rosalilde qui me fait un petit sourire compatissant.

- Vous avez faim mes enfants ? Vous n'avez pas dû beaucoup manger. Dans une trentaine de minutes on dîne !

***

Nous avançons dans un couloir sombre, éclairé quelquefois d'une bougie dégoulinante de cire. Ma longue robe traîne sur le planché que mes talons font grincer. Le plafond est tellement haut que je ne peux en voir la fin et les statues me toisent de leurs regards froids et hautains. Ce couloir ressemble plus au chemin des Enfers qu'au chemin de la salle à manger.

Thomas, avance à un pas joyeux et léger, bavant d'avance en sentant les odeurs délicieuses des cuisines. Je ne me le cache pas, ces odeurs me rendent folle de désirs ! Mon ventre a l'air de souffrir plus qu'à Paris. Là-bas, je le contentais du pauvre litre d'eau que me livrait le BOT-EAU et des maigres rats et bestioles que je trouvais dans mon immeuble. Et si par chance, je tombais sur une vieille famille Bourgeoise... Je pouvais leur voler quelques rations. Je me les réservais pour les moments difficiles où je ne recevais pas ma ration d'eau ou quand le froid envahissait ma misérable chambre de bonne...

Une lumière vive apparaît soudain au bout du couloir, quelqu'un s'y tient, le dos contre le cadre de la porte.

-- Vous vous êtes perdus en chemin ou quoi ?

Je l'ignore. À la place, je pose ma propre question :

-- Pourquoi avoir fait un couloir si sombre ?

Adrien me lance un regard moqueur :

-- C'est pour que les jolies filles se perdent dans la noirceur du long corridor.

Je le regarde surprise et effrayée à la fois. D'une façon ou d'une autre, il me trouve jolie. J'en rougis presque. Il n'essayerait pas de se racheter pour tout-à-l'heure ?
   Mais le reste de sa phrase me fait peur. Des gens se sont vraiment perdus dans ce couloir ? Mes parents me répétaient souvent que ma naïveté n'avait pas d'égal sur terre. Je croyais tout ce que racontaient les voix dans les écrans volants.

《 Ne sortez pas. Ne luttez pas. Ne pensez pas. Restez chez vous. Alexandre LeGrand va vous sauver. Restez en lieu sûr. Le grand Dirigeant trouvera la solution pour vous sortir de vos malheurs. 》

Le même discours, tout les jours, toutes les heures, toutes les minutes. Un vrai bourrage de crâne.

Au fur et à mesure que le temps passait, j'ai fini par comprendre que rien n'était vrai. La seule chose de remarquable, c'était que l'on apercevait plus les voisins jeter un œil entre deux volets. Plus clairement, nos voisins disparaissaient sans explication, du jour au lendemain, ne laissant derrière eux qu'une carcasse vide et sans vie...

- Je croyais que tu me trouvais "passable"? , je demande d'une voix tellement basse que je ne m'entend même pas les prononcer.

Il a lu sur mes lèvres car il me répond :

- Pas tant que ça Gamine ! T'es vraiment choupinou en vrai, se moque t-il.

Je me surprends à sourire.

- Ouais... Bon, viens, on bouffe !

Il me laisse passer devant avant d'emboîter le pas en n'oubliant pas de fermer la porte derrière lui. Le petit Thomas va s'asseoir à la table en premier, suivit de Rosalilde, son neveu et moi-même.

Adrien est tout près de moi. Comme toujours. Depuis que l'on s'est rencontré, on ne s'est séparé que pour une durée très courte. On est constamment ensemble ! Étrange pour deux personnes qui se haïssent...

J'imagine alors si nous étions un couple sans histoire, vivant dans un monde clair et tranquille. Dans une autre vie, nous aurions une petite cabane où vivre avec Thomas. Elle serait simple et rudimentaire, mais que nous serions heureux ! Nous aurions un grand champ où nous passerions nos journées à rire et à jouer entre les blés dorés et les coquelicots rouges. Le soir, nous dormirions dans le même lit, serrés les uns contre les autres pour se protéger du froid et de la peur. Personne ne nous donnerait d'ordre, ne nous obligerait à accomplir des actions que nous ne désirons pas.

Je me rends compte alors que m'a main est beaucoup trop près de celle d'Adrien. Je la glisse sous la table, un peu gênée. Heureusement pour moi, il n'a rien remarqué.

On nous apporte nos repas. Je m'attendais à de la viande, des légumes, des boissons ou autres mets que nous n'avons pas de l'autre côté de la Bulle. Ce fut très décevant. On nous a simplement servi une dizaine d'une sorte de feuilles de papiers épaisses, d'une couleur verdâtre.

Je regarde Thomas qui tient une grimace de dégoût face à son plat. J'hésite à faire la même. Je ne suis pas difficile pour les plats d'habitude, mais là... Il ne faut pas que je fasse la fine bouche ! Je m'apprête à croquer dans une feuille quand Adrien m'arrête. Je me tourne vers lui, intriguée.

- Ma Tante ? N'as-tu pas autre chose que ces vieilles feuilles infectes à donner à tes invités ?

Tante Rosalilde écarquille ses petits yeux derrière ses lunettes avant de se taper la paume de sa main contre son front.

- Désolée mon petit, j'avais oublié à quel point tu haïssais ce plat. Bon... MARLÈNE ! APPORTE NOUS DE LA DINDE ET DES LÉGUMES ! Ordonne tante Rosalilde.

Je glisse à l'oreille d'Adrien :

- Assassin, quel est le problème avec ce plat ?

Il ne me donne qu'une mine grave et désolée. Pourquoi as-tu demandé un autre plat Adrien ?

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