Chapitre 4 : Ruines - Partie 1

Les trappes s'ouvrirent dans un grincement funèbre. Vingt corps firent vibrer les cordes pendant quelques secondes dans un concert de gargouillements et halètement de douleur, avant de se dissiper en poussière. Papyrus fit de son mieux pour rester neutre alors que, dans la foule rassemblée devant lui, des familles éclataient sous ses yeux. Il ne parvint pas à soutenir plus de quelques secondes le regard intense de madame Pompon, l'épicière de Snowdin qu'il avait côtoyé toute sa vie, et qui venait de se faire arracher deux enfants supplémentaires. Cinq avaient déjà péri la veille dans l'attaque du domicile du nouveau général de la garde royale.

Papyrus relâcha la poignée qu'il tenait toujours dans la main et lança un regard vers l'échafaud. Il ne restait plus des vingt criminels qu'il venait d'exécuter de sang-froid, que les cordes et un épais nuage de poussière.

D'un pas lent, il se tourna vers l'estrade royale, où Asgore l'observait. Il claqua le poing sur son torse, puis se mit au garde-à-vous. La foule applaudit timidement, avant de gagner en vigueur devant le regard inquisiteur du monarque. Le roi hocha simplement de la tête, avant de se retirer, probablement pour regagner le palais avant la sortie de la foule.

Le général relâcha un souffle qu'il retenait depuis le début de cette nouvelle épreuve. Il fit signe aux sentinelles d'aller ouvrir les portes pour laisser sortir la foule. Elles descendirent de l'estrade et commencèrent à traverser la foule.

Papyrus croisa brièvement le regard de Sans, au premier rang. Le squelette lui fit signe qu'il rentrait en se téléportant, pour ne pas l'inquiéter davantage. Avec tous ces monstres autour, son frère était une cible facile. Il hocha discrètement la tête, puis scanna la foule, à la recherche de quelqu'un d'autre.

Elle devait être là, quelque part.

Undyne n'aurait jamais manqué ça. Elle ne faisait peut-être plus partie de la garde royale, certes, mais... Son absence pesait à Papyrus. C'était ridicule. Il devrait être fier et se vanter d'être finalement arrivé à un rang plus haut qu'elle après des années de rivalerie, mais il peinait à ne pas s'inquiéter. Il n'avait cessé d'essayer de l'appeler depuis qu'il avait appris sa démission, en vain. Il ne l'avait pas trouvé chez elle non plus, même en cassant une fenêtre pour aller la chercher lui-même.

Undyne le fuyait.

Il poussa un soupir, avant de quitter la scène pour aider à l'évacuation. Fort heureusement, aucun incident ne fut à déplorer et il put reprendre le bateau en direction de Snowdin une heure plus tard à peine. La forme encapuchonnée ne lui adressa pas un regard, seulement quelques mots qu'il ne comprît pas, comme à son habitude.

— Eaux troubles, eaux troublées. Mariée triste, mari comblé.

Papyrus leva les yeux au ciel et descendit à la seconde où le bateau s'arrêta. Il se dépêcha de traverser Snowdin pour éviter les regards admiratifs ou haineux pour rejoindre sa maison. Le roi avait envoyé à l'aube quelques personnes pour réparer les dégâts. Ce n'était pas encore parfait, mais la plupart des fenêtres et la porte avaient au moins été réparées. Il frappa deux grands coups pour indiquer à Sans qu'il était là, puis entra.

Dès qu'il referma la porte derrière lui, il poussa un amer soupir. Il avait survécu une journée de plus. Combien d'autres encore ?

Ses orbites balayèrent la pièce à la recherche de son frère. Accroupi dans le salon, il essayait tant bien que mal de réparer la télévision. Papyrus avait tiré sur tous les câbles pour la mettre à l'abri à l'étage, peut-être devait-il avouer qu'il y avait été un poil trop fort. Sans ne s'en plaignait pas pour autant, l'activité le maintenant occupé au moins pour un petit moment.

— Mraouh.

Un grand sourire étira le visage de Papyrus, qui se baissa pour prendre sa princesse dans ses bras. Doomfanger se frotta sous son menton, ravie de l'attention. Le chat n'avait pas non plus aimé toute l'agitation en bas. Papyrus ne l'avait pas revue depuis l'attaque, alors qu'elle s'était cachée dans un coin de l'armoire.

Il la porta dans la cuisine où il la déposa délicatement sur le comptoir, le temps de lui préparer à manger. Une fois la pâtée servie, il posa l'écuelle devant le félin et s'installa au comptoir pour la regarder manger. La queue de sa princesse lui fouetta plusieurs fois le visage, reconnaissante.

— Il manque un câble, grogna Sans en rentrant dans la cuisine. Je passerai voir Alphys, elle doit en avoir.

Papyrus hocha vaguement la tête pour toute réponse, perdu dans ses pensées. Sans hésita, avant de s'installer en face de lui.

— Tu tiens le coup ? Ce matin, c'était...

— Je vais bien. Je crois que mon niveau de violence est encore trop instable pour ressentir quoi que ce soit.

— Je suis presque sûr que ça s'appelle être en état de choc, chef. Tu n'as vraiment pas l'air dans ton état normal. Si c'est encore tes côtes, peut-être que Toriel...

— Je n'ai pas besoin qu'on vienne me soigner comme un enfant !

— Ce n'est pas ce que j'ai...

— Qu'est-ce que tu fais encore là ? Tu n'as pas un câble à aller chercher ?

Sans poussa un soupir et n'insista pas. Il sortit de la pièce en grommelant.

— C'est pas en repoussant tout le monde que ça va aller mieux. Va dormir, qu'est-ce que tu peux être casse-couilles dans cet état-là...

Papyrus ne releva pas. La porte claque durement derrière son aîné, lui faisant ressentir une pointe de culpabilité. Sans essayait simplement de l'aider, mais les habitudes restaient fortes. Il peinait toujours autant à s'ouvrir à son frère. Ses tracas du quotidien, il les confiait davantage à cette petite fleur jaune qui passait parfois ou... Eh bien, à Undyne.

La fleur jaune semblait avoir disparu depuis quelque temps. Quant à Undyne, elle restait sourde à ses appels. Il se sentait perdu, mais aussi et surtout plus seul que jamais.

Il hésita, puis envoya un nouveau message à Undyne. Ils commençaient à être nombreux.

Papyrus – Hier, 23 : 45

Qu'est-ce que tu fiches ? Pourquoi tu as démissionné ?

Papyrus – 06 : 12

Très bien, fais la morte si ça te chante. Quand tu auras terminé de faire la gueule, contacte-moi. On doit parler.

Papyrus – 07 : 35

Tu seras là à l'exécution ?

Papyrus – 08 : 24

Je suis devant la salle du trône si tu veux parler.

Papyrus – 8 : 44

Je vais devoir monter sur l'échafaud. Envoie-moi un message quand tu seras libre.

Papyrus – 9 : 12

Je rentre. Appelle-moi dès que possible.

Ses doigts restèrent en suspens au-dessus de la zone de texte, hésitants. Avait-elle seulement vu les précédents ? Son silence commençait à l'inquiéter sérieusement. Même s'il n'y avait aucune raison qu'elle n'aille pas bien, ne pas donner de nouvelles ici-bas signifiait bien souvent une mort prématurée. Le fait qu'elle était introuvable, son absence de réponse, sa démission... Il peinait à ignorer que tous les signes concordaient avec un potentiel suicide. Avec l'enfermement, les gens perdaient espoir.

Mais pas Undyne.

Undyne était l'un des piliers de la communauté. Elle représentait les derniers espoirs et rêves de leur peuple. Tous les enfants voulaient être comme Undyne. Elle était invincible, immortelle. Elle ne pouvait pas avoir simplement tout abandonné du jour au lendemain pour se donner la mort. Il le refusait.

Elle devait se terrer quelque part pour ne pas avoir à rendre de comptes. Mais où ?

Il passa en revue dans sa tête les lieux où elle aimait se réfugier d'ordinaire. Papyrus connaissait la plupart de ses cachettes dans Waterfall, il pouvait donc les éliminer d'office. Dans les Hotlands, en revanche... Il y avait certes le laboratoire du docteur Alphys, mais la scientifique se trouvait à l'exécution ce matin. Elle avait toujours été plus raisonnable qu'Undyne et l'aurait forcée à s'y rendre avec elle pour éviter des ennuis avec le roi. Mais où alors ? Undyne détestait les Hotlands autant que lui, et elle ne supportait pas le froid de Snowdin. Les Souterrains n'étaient pas si grands que ça, elle ne pouvait pas simplement s'être volatilisée !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top