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Nous marchons encore un moment en silence.
Le froid s'est encore accentué avec l'heure tardive. Je claque à nouveau des dents et me serre dans mes bras pour limiter la portée de l'air gelé sur mon corps affaibli. C'est illusoire, je le sais bien, mais c'est inconscient. J'essaie d'être discret, mais je crois que j'ai échoué lamentablement, car bien vite je sens qu'on me dépose un vêtement sur les épaules. Presque aussitôt une douce chaleur m'enveloppe. Je lève les yeux et voit Harry, ne portant plus qu'un pull, me sourire.

- Je ne peux pas accepter... je souffle, en lui rendant son blouson qui est bien épais et d'une marque plutôt chère si mes souvenirs sont bons.

- Bien sûr que si tu peux. Insiste Harry en me le faisant enfiler. Mon pull est bien chaud, je n'ai pas froid.

Une fois de plus, j'ai envie d'argumenter pour le lui rendre, mais je n'en suis pas capable tant ça me soulage de ne plus claquer des dents ni ressentir la morsure du froid glacial qui m'enveloppait juste avant. Et puis, je le lui rendrai tout à l'heure, je peux donc me permettre de profiter du vêtement pour quelques heures.

- Merci... je souffle en le regardant, les yeux pleins de reconnaissance.

- Je t'en prie Louis...

Après de nouvelles minutes à marcher, nous débouchons finalement aux abords d'un grand fast-food lumineux et remplit de couleurs criardes. Me voyant ainsi exposé, je me replie sur moi-même, entourant mon corps de mes bras et baissant la tête. J'ai tellement honte que je voudrais disparaître. Alors que mon pas se fait plus hésitant et qu'une boule se forme au fond de ma gorge, je sens une main attraper la mienne, entremêlant nos doigts. Relevant la tête, je constate qu'il s'agit d'Harry qui me tend un sourire encourageant.

- N'ai jamais honte de ce que tu es ou de qui tu es... souffle-t-il dans un murmure que seul moi peut entendre. Personne ne connaît ton histoire, personne n'a donc le droit de te juger.

J'hoche timidement la tête, les larmes bordant mes yeux, touché par ces mots que personne ne m'a jamais dits. Je me sens un peu mieux. Ou peut-être est-ce dû à sa grande main chaude qui enveloppe la mienne ? Quoi qu'il en soit, nous rejoignons les autres qui sont déjà arrivés devant la porte principale du fast-food et qui nous attendent. Harry me lâche la main quand nous entrons à l'intérieur et la sensation de vide qui m'envahit est intense.

Sans surprise, dès l'instant où j'ai passé le pas de la porte du restaurant, tous les regards ont convergé vers moi. Et même si les paroles d'Harry résonnent encore dans ma tête, je ne peux m'empêcher de baisser une fois de plus la tête, les larmes aux yeux. Sentant mon malaise grandissant, Harry reprend ma main avec un naturel déconcertant, tandis que les deux autres se positionnent de manière à me protéger des regards. Même si ce n'est qu'illusoire, l'intention me touche énormément. Ces trois garçons sont décidément adorables.

Lorsque nous arrivons au comptoir, une serveuse arrive presque immédiatement. En me voyant, elle lève un sourcil étonné, cependant elle ne fait aucun commentaire et garde son sourire professionnel. Et dès que ses yeux se posent sur Harry, ses traits se détendent automatiquement laissant un sourire franc apparaître.

- Haz ! On te manquait tant que ça ? Le taquine-t-elle avec un grand sourire.

- Faut croire ! Plaisante-t-il à son tour. Plus sérieusement, on est venu pour prendre à manger pour mon ami. Indique-t-il en me faisant avancer doucement vers elle.

Ami... je sais bien qu'il ne s'agit que d'une figure de style pour simplifier la situation, mais ça me touche quand même. On ne m'avait plus qualifié ainsi depuis tellement longtemps ! Régulant ma respiration pour cacher mon émotion, je regarde le panneau lumineux annonçant les différents menus. Ils sont tous extrêmement copieux. Je sais d'avance que je n'arriverai jamais à terminer aucun d'eux. Puis, j'avise un menu qui m'irait parfaitement, mais je ne sais pas si on me laissera le prendre.

La serveuse reporte son attention sur moi, mais cette fois le sourire qu'elle m'adresse est sincère.

- Bonjour ! Me salue-t-elle. Que vous faut-il ?

- Heu... bonjour... je souffle en me forçant à affronter son regard. J'ai le droit de prendre un menu enfant ? Je demande timidement.

Je la vois relever un sourcil étonné tandis que les trois garçons me regardent bizarrement. Harry fait un petit signe à la jeune femme avant de se tourner vers moi et de murmurer une fois de plus pour que seul moi puisse l'entendre,

- Ne te sens pas gêné. Prends ce que tu veux... m'enjoigne-t-il en plongeant son regard vert dans le mien. Il y a beaucoup de choix ici, fais-toi plaisir.

- C'est gentil... mais le reste c'est beaucoup trop pour moi. Je ne veux pas gaspiller. J'explique dans un souffle en me tordant les doigts nerveusement.

Il hoche la tête et me sourit avec bienveillance avant de se tourner vers la serveuse et lui confirmer ma commande d'une voix amicale.

- C'est bon Lynda, un menu enfant et quatre bières. Tu nous sers à table ?

- Pas de problème beau gosse ! Acquiesce-t-elle avec un clin d'œil complice qui me tord l'estomac sans comprendre pourquoi.

Alors qu'Harry s'approche du comptoir, sans doute pour payer, Liam et Niall m'entraînent vers une table, contre la vitrine.

- J'adore observer ce qu'il se passe dehors. M'indique Niall en riant, pour expliquer notre emplacement stratégique nous permettant de voir toute la rue.

J'hoche la tête en silence, ne sachant pas trop quoi dire. Je me sens mal à l'aise. Pas à cause des gars qui sont vraiment gentils, mais d'être assis là... je ne sais pas, ça me fait bizarre. Ce n'est pas ma place... ça ne l'est plus. J'ai perdu ce droit il y a trois ans, quand ma maison est devenue un pont ouvert aux quatre vents. Je me sens crasseux, chétif, tâche dans ce cadre joyeux et d'une propreté irréprochable. J'ai la sensation d'être indésirable.

C'est finalement Liam qui me sort de mes pensées torturées par un doux raclement de gorge.

- Tu es sûr que le menu que tu as pris va te suffire ? S'enquiert-il avec sollicitude.

- Oui, pas de problèmes... le reste c'était trop.

A peine ai-je terminé ma phrase qu'Harry prend place à côté de moi. Je le regarde timidement et lui fait un petit sourire. Ce type à un charisme incroyable et il est particulièrement beau. Ses yeux sont francs et son regard d'une douceur incroyable. Sa bouche, légèrement pulpeuse est une invitation à la débauche...

Et sa peau ... à l'air si douce...

A ces pensées terriblement gênantes, je détourne le regard rapidement de peur de me trahir, préférant me concentrer sur le menu plastifié posé devant moi et calmer mon rythme cardiaque qui s'est emballé tout seul. Je n'ai pas le droit de penser comme ça. Je n'ai pas le droit de l'envisager ainsi. Il m'aide, il me prête sa veste, m'emmène manger... je dois m'en tenir à ça. Je ne lui arrive même pas à la cheville. Qui suis-je face à lui ? Personne... je ne suis personne et il ne s'abaissera jamais à me regarder de toute façon.

Lynda arrive à notre table et dépose un plateau devant moi en me souhaitant bon appétit, puis nous sert une bière à chacun. Je la remercie tout en regardant, les yeux écarquillés, la nourriture posée devant moi. C'est vraiment bien garni, même pour un menu enfant. J'espère qu'Harry n'a pas soudoyé son amie pour qu'elle en mette plus, parce que je ne suis pas certain d'en arriver à bout.

Le fumet agréable de mon plat me monte au nez, me faisant saliver d'envie. Ça fait une éternité que je n'ai pas mangé chaud. D'une main tremblante, je m'empare d'une frite pour la porter à ma bouche. Je me contrôle comme je peux pour ne pas me laisser submerger par mon instinct de survie et me jeter sur les aliments tel un fauve enragé. Je veux rester digne, même si j'ai perdu toute crédibilité depuis bien longtemps. Le goût est tellement exquis que j'en ai presque les larmes aux yeux. L'espace d'un instant j'oublie tout et je savoure chaque bouchée

Cependant, je sens que les gars me regardent avec insistance et je me sens gêné. Liam, qui a dû sentir mon malaise, entame une discussion pour détourner leur attention. Je lui en suis reconnaissant et continue mon repas. Mais Niall semble obnubilé par mon attitude. Il gigote sur sa chaise, puis finit par me poser la question qui lui brûle les lèvres.

- Louis, depuis quand tu n'as pas mangé ? Demande-t-il d'une petite voix hésitante.

Le silence se fait autour de moi et je baisse aussitôt les yeux en relâchant la frite que je venais de prendre. Je sens Harry se crisper à côté de moi, ce qui m'incite à relever les yeux. Je vois Liam jeté un regard noir à son ami, dont les joues se sont enflammées.

- Je... heu... excuse-moi... je...

- Ce n'est rien. Je le coupe gentiment. Tu as le droit de t'exprimer. Avant ce soir ? Mon dernier repas date de vendredi dernier.

Harry, qui s'était finalement détendu face à ma réaction posée, se tend de nouveau. Niall ouvre la bouche en grand avant de reprendre son self contrôle et Liam a ouvert des yeux grands comme des soucoupes. Mais aucun d'eux n'ose commenter. Prenant mon burger sur le plateau, j'hoche les épaules dans un geste que je veux désinvolte avant d'ajouter,

- On s'habitue... c'est rien...

Et même si ce n'est pas vrai, je préfère rassurer ces trois garçons qui ont tellement fait pour moi. Je n'ai pas le droit de les inquiéter et je ne veux surtout pas leur faire pitié. Pour une fois que je rencontre des personnes au grand cœur... mes nouveaux amis ne disent plus rien et c'est une fois de plus Liam qui relance un sujet anodin pour briser le silence mal aisé qui s'était installé entre nous. Pour la deuxième fois de la soirée, je me sens reconnaissant envers lui et son tact.

J'ai mis un long moment, mais j'ai finalement réussi à terminer tout mon repas. J'ai l'impression que mon ventre va éclater, mais cette sensation est merveilleuse. La douleur habituelle qui me tord l'estomac a disparu, et ça me fait presque bizarre. J'ai un sourire immense qui étire mes lèvres, et je me sens bien. J'ai chaud dans ce restaurant, je suis entouré de personnes adorables et même si ça ne va pas durer, je profite de l'instant.

Alors que je digère tranquillement en dégustant ma bière, j'ai la sensation d'être de nouveau normal, de ne plus vivre dehors, de ne plus être orphelin, de ne plus être seul... je ris avec eux, je les écoute avidement évoquer des émissions télé ou des séries en essayant d'imaginer les images que je ne verrai probablement jamais. Je regarde avec les yeux légèrement écarquillés leurs téléphones derniers cris qui font à peu près tout sauf le café ! Je tente d'imaginer l'effet que ça fait de voir un film en 3D. La seule chose sur laquelle je suis encore branché, ce sont les livres, parce qu'une association en distribue pas loin d'où je dors. Mais ce n'est pas quelque chose dont parlent généralement les gens.

Plus aucune question personnelle ne m'est posée, ce qui me soulage un peu. Parler de mon passé et de mon quotidien reste quelque chose de difficile. Ce que j'aime beaucoup, c'est que les trois garçons me parlent et me traitent comme un être humain. Harry ne cesse de m'expliquer ce que je ne connais pas ou que je ne comprends pas. Il prend soin de moi, ne cesse de me demander si ça va... bref, l'air de rien, il m'entoure et je me sens en sécurité auprès de lui.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et bientôt nous devons partir. Après avoir salué Lynda, nous retournons dans le froid glacial de la nuit. Ma parenthèse enchantée est terminée, je dois retourner vers ma solitude. Lorsque nous sommes sur la voie publique, je me retourne vers eux, le cœur serré de devoir les laisser, car je ne les reverrai sans doute jamais. Et je sais déjà que le regard émeraude d'Harry va me hanter pendant longtemps et va sans doute me manquer beaucoup.

- Bon, ben... les gars, merci pour tout... je lâche piteusement, une grosse boule dans la gorge.

Ils se regardent quelques secondes, l'air ennuyé. Ne voulant pas réfléchir trop à nos adieux, je retire la veste d'Harry pour la lui rendre, faisant mine d'ignorer la morsure du vent qui m'a aussitôt assailli.

- Merci, vraiment. Dis-je en la lui tendant. Je n'oublierai jamais.

- Garde-la s'il te plaît. Demande-t-il en me la passant de nouveau. Tu en as plus besoin que moi...

- Mais... je tente de m'insurger.

- Pas de mais. Contre-t-il d'un ton qui ne supporte pas la réplique.

Niall s'approche à son tour.

- Tu... hum... tu vas dormir où ? S'enquiert-il en plongeant son regard bleuté inquiet dans le mien.

- Je... vis... hum... sous le pont de Brooklyn... sur le bord de l'Hudson.... j'avoue dans un murmure honteux.

- Sur quelle rive?

- Manhattan. C'est plus sûr.

Un nouveau silence s'installe, personne ne sachant vraiment quoi faire ou quoi dire et n'ayant visiblement pas envie d'en rester là. Mais nous n'avons pas le choix. Nos chemins vont devoir se séparer. C'est ainsi.

- Viens à la maison ! S'exclame tout à coup Harry d'un air décidé en faisant un pas vers moi.

- Qu... quoi ?! Je m'étrangle presque en ouvrant des yeux grands comme des soucoupes.

Liam et Niall se tournent vers lui, apparemment aussi étonnés que moi.

- Tu ne peux pas dormir dehors par ce froid ! Argumente-t-il. Je ne peux pas laisser faire ça, s'il t'arrive quelque chose, je ne pourrais jamais me le pardonner.

- Non, non, non ! Je refuse tout net en reculant d'un pas et en levant les mains devant moi pour l'empêcher d'avancer. C'est adorable, vraiment, mais c'est hors de question.

- Mais... veut-il insister, mais je le coupe, de peur qu'il ne parvienne à me faire changer d'avis.

- Harry, stop, s'il te plaît. Je ne peux pas accepter. J'affirme d'un ton ferme. Ce que vous avez fait pour moi, tous les trois, c'est déjà énorme. Vous avez fait bien plus que la plupart des gens et je ne l'oublierai jamais. Je reprends d'un ton plus doux et avec sincérité. Mais vous ne me devez rien, et je n'ai aucun droit de devenir une charge pour vous. Vous êtes encore étudiants et vous avez votre avenir à construire. Moi, je n'en ai plus. Alors laissez tomber, c'est trop tard de toute façon.

Ne leur laissant pas le temps de répliquer quoi que ce soit, je les prends rapidement dans mes bras et pars rapidement dans la nuit glacée de ce mois de décembre, retrouver mon misérable quotidien, persuadé de ne jamais pouvoir oublier ces trois garçons généreux.

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Et voilà la deuxième partie. 🙈🙈

L'attitude des garçons envers Louis? Les réactions de Louis? 😢😢

J'attends vos réactions, comme toujours ! 🤗

La suite demain. Bisous mes anges. 😘💚💙

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