Chapitre 7 : L'originel (4/5) [V2]

Une clameur monstre envahit la salle, comme si le silence qui avait régné jusqu'alors n'avait jamais existé. L'homme sur l'estrade laissa faire quelques minutes, un sourire satisfait aux lèvres. Enfin, il leva une nouvelle fois la main et les cris se turent aussitôt.

Katrina garda la tête basse et commença à réfléchir à toute vitesse.

Sortir. Il fallait qu'elle sorte. Qu'elle parte. Elle observa les fenêtres. Trop évident. La porte ? Il y avait bien une dizaine de vampires derrière elle, dont ceux qui les avaient accueillis à l'entrée. Peut-être même servaient-ils de gardes. Ils n'étaient plus seuls, à présent. D'autres silhouettes étaient venues leur prêter main forte. Agitées, tremblantes... Assoiffées... Son regard s'arrêta sur deux d'entre elles, familières. Elle se retourna en jurant. Alexandru... et l'addict qui l'avait mêlée à ce merdier. Évidemment.

La salle de classe lui apparut soudain comme une prison, une cage aux lions dont on avait scellé toutes les issues. Quoi qu'elle fasse, elle serait immédiatement repérée. On lui demanderait de s'expliquer. De rester. D'écouter. Cula la remarquerait sans doute. Que faisait-il ici, de toute façon ? C'était impossible... Elle était pourtant sûre que... Non... Finalement, elle n'en avait jamais été certaine...

Merde, merde, merde...

La tête de Phil émergea de sous sa capuche, ses petits yeux rouges fixés sur l'homme de la soirée, fasciné.

— Alors c'est lui, le comte Dracula ? Je l'imaginais plus vieux... Et avec des cheveux...

Katrina enfonça un peu plus la tête dans sa capuche et respira profondément. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était rester discrète et attendre. Ne pas attirer l'attention de Cula sur elle.

— Votre enthousiasme me touche, déclara l'homme. Lorsque j'ai eu vent des promesses brisées par le gouvernement de Prémices, pourtant source de tant de rêves, je n'ai pu rester dans mon château les bras croisés. Mon peuple, mes frères et sœurs avaient besoin de moi.

Tout autour de Katrina, l'atmosphère s'était réchauffée. Elle ne les voyait pas, mais les immenses sourires qui illuminaient tous les visages l'atteignirent comme autant de petites sources de chaleur.

Elle sentit le dégoût l'envahir. Comment réagiraient-ils si elle bondissait sur l'estrade et flanquait un bon coup de poing à ce Cula de malheur ? Non, mauvaise idée. Tout ce qu'elle voulait, c'était qu'on la laisse en paix. Si elle s'exposait ainsi, c'était terminé.

— Vous ne devez pas vous laisser faire. Prenez les armes et battez-vous ! Pas pour cette égalité chimérique entre humains et vampires que nous a servie le fondateur de Prémices comme seule solution. Pas pour le respect de vos droits dont ce gouvernement n'a que faire. Battez-vous pour prendre le pouvoir ! Faites de cet État le vôtre, une cité vampire. Ce n'est qu'ainsi que vous obtiendrez vraiment cette liberté tant désirée !

Les chuchotements repartirent de plus belle dans l'assemblée. Des mots faciles à prononcer pour un originel, devaient-ils se dire, mais impossible à appliquer pour les vampires de bas rang qu'ils étaient tous.

— N'ayez crainte, reprit Cula. À chaque pas que vous ferez, je serai derrière vous. Je vous soutiendrai et vous offrirai toute mon assistance. J'ai longtemps lutté contre les humains, je saurai vous mener à la victoire.

Katrina serait bien allée vomir dans un coin, mais elle aurait été certaine de se faire repérer. Elle ravala donc la bile qui lui montait dans la gorge et détourna les yeux. Elle ne se croyait pas capable de haïr davantage ce salopard. Voilà qu'il venait de lui donner tort.

Après ce petit discours de motivation des troupes, la vampire comprit que la réunion touchait à sa fin. Du moins l'espérait-elle. Ses yeux avaient assez souffert à la vue de ce sale type et ses oreilles saignaient à l'entente de sa voix.

— Si vous doutez encore, je vous ai préparé une petite démonstration... ajouta cependant ce dernier.

Elle soupira de dépit.

Dans son dos, Katrina entendit des cris se rapprocher. La porte de la salle s'ouvrit à la volée et deux vampires encapuchonnés entrèrent, maintenant sans peine un homme qui se débattait en hurlant, terrorisé.

La foule s'écarta pour les laisser passer et Katrina s'empressa de faire de même. Les quelques addicts alignés près de la porte poussèrent quelques gémissements affamés, mais, à la grande surprise de la vampire, ils se bondirent pas sur le prisonnier. Elle détourna donc son attention d'eux, quelque peu réticente, et regarda l'humain en costume débraillé se faire traîner vers l'estrade, tantôt suppliant, tantôt menaçant, en pleurs.

Arrivés devant Cula, les deux vampires lui présentèrent l'homme. L'idole de la soirée sortit un couteau d'une de ses poches et s'entailla un bras. Des gouttes de sang rouge sombre tombèrent sur la scène.

Sur son épaule, Phil s'agita :

— Dis, il ne va quand même pas...

Oh que si... répondit mentalement la vampire, amère, et un brin surprise malgré tout.

Elle observa Cula tandis qu'il tendait son bras entaillé vers l'humain, à qui les deux gardes maintenaient la mâchoire grande ouverte. Un mince filet de sang glissa entre ses lèvres tremblantes. L'homme se convulsa, hoqueta, se débattit. Mais il ne faisait pas le poids face à deux vampires en pleine possession de leurs moyens.

Sa tâche achevée, Cula recula d'un pas. Les gardes lâchèrent leur victime et celle-ci s'effondra, inerte. Un lourd silence s'installa dans la salle. Tous les yeux étaient rivés sur l'humain, dans l'attente d'un mouvement, d'une réaction.

Enfin, son corps frémit. Il leva difficilement la tête en gémissant de douleur tandis que le poison se répandait dans ses veines et le rongeait petit à petit. Cula observait le processus sans réagir. Pas la moindre émotion ne transparaissait sur ses traits. Ni pitié, ni satisfaction, ni haine. C'était à peine si ses yeux suivaient les convulsions de l'homme.

Quand celui-ci retomba au sol, haletant, les gardes soulevèrent une nouvelle fois leur prisonnier et présentèrent ses iris carmin et ses canines proéminentes à la foule.

Le premier don, celui de la transformation.

L'auditoire exulta aussitôt. Les cris de joie fusèrent, mais également les insultes et la haine dirigées vers celui qui avait autrefois été humain. Katrina leva un poing sans grande conviction, histoire de ne pas trop se démarquer de ceux qui l'entouraient.

Elle ne comprenait cependant pas ce geste. Pourquoi créer de nouveaux vampires ? Pour se fabriquer sa petite armée personnelle ? Avait-il changé d'objectif depuis leur dernière rencontre ?

Le nouveau vampire se débattit, les joues humides de larmes. Il envoya aisément voler l'un des gardes et s'apprêtait à faire de même avec l'autre quand Cula le saisit par un bras et le lui tordit dans le dos pour l'obliger à s'agenouiller. Il enfonça sa coupure encore sanguinolente dans la bouche de l'homme. Les yeux de ce dernier se voilèrent et il se figea, un air absent sur le visage.

Le second don, celui de l'asservissement.

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