Chapitre 7 : L'originel (2/5) [V2]
Deux heures plus tard, elle poussa un énième juron.
— Kat, ne ruine pas la confession de Romuald avec des gros mots ! protesta Phil, des larmes dans la voix.
La vampire fusilla son colocataire du regard. La chauve-souris était confortablement installée sur le canapé, les yeux rivés sur l'homme et la femme qui bavaient l'un sur l'autre à la télévision. Il se tapota un œil du coin de l'aile et renifla bruyamment. Katrina préféra reporter son attention sur son jeu.
C'était déjà la dixième fois qu'on l'attaquait dans le dos. Elle n'accusait aucun dommage pour l'instant, mais il était clair, vu la fréquence de plus en plus élevée des guet-apens, que les autres joueurs se liguaient contre elle. Et ils se rapprochaient. Comme tous les soirs depuis l'apparition de la chauve-souris à côté de son pseudo, les fantômes passeraient une nuit tranquille : la nouvelle cible, c'était elle.
Le symbole d'un viseur apparut dans son dos et elle bondit sur le côté. La boîte qui se trouvait devant elle un instant auparavant explosa.
Et de onze.
Un bruit derrière elle l'interpella. La porte de la chambre venait de s'ouvrir.
— Tu nous fais une insomnie, Raymond ? demanda Phil.
Le vampire ne répondit pas. Katrina l'entendit enfiler ses chaussures, puis son manteau.
— Dis, tu te rappelles le couvre-feu, rassure-moi...
Elle esquiva une nouvelle attaque. Celle-ci venait de son flanc droit. Ses adversaires commençaient à l'encercler. Les fantômes étaient là, juste devant elle, mais les autres joueurs rendaient leur extermination impossible. Si elle voulait jouer, elle devrait d'abord se débarrasser d'eux. Mais elle ne s'était pas connectée pour cela : le but de Ghost Hunters Ultimate était de détruire les fantômes, pas les autres participants.
Lasse, elle quitta la partie. Pour une fois, le monde réel l'intéressait davantage que le virtuel. Quand elle se retourna, Raymond ouvrait doucement la porte d'entrée, sans doute pour ne pas réveiller sa famille. De fait, auprès de Phil et elle, il était déjà grillé.
— Tu vas où comme ça ? l'interpella-t-elle.
Une fois de plus, il demeura silencieux et referma derrière lui. Katrina et Phil restèrent interdits un instant. La vampire s'imagina la tête catastrophée qu'aurait tirée Mikaël en voyant Raymond se faire la malle en plein couvre-feu. Peut-être aurait-il fait rempart de son corps pour l'empêcher de passer. Il aurait certainement réveillé Isabella pour lui demander de l'aide. Cependant, rien de tout cela n'était dans les plans de Katrina : la curiosité et l'ennui étaient trop forts. Elle se leva, attrapa à son tour manteau et chaussures. De quoi mettre hors de lui le toutou des forces de l'ordre s'il avait été là pour la voir, auquel cas elle y aurait peut-être réfléchi à deux ou trois fois. Peut-être. Quoi qu'il en soit, si elle se faisait prendre par la police, ce serait tant pis pour lui.
— Kat ! l'appela Phil.
Elle l'ignora et se lança à la poursuite de Raymond. Au moment où elle fermait la porte, une petite boule noire se glissa pourtant dans le couloir et, emportée par son élan, se prit le mur d'en face.
— Pourquoi tu me suis ? grommela Katrina en reprenant son chemin.
La chauve-souris secoua la tête pour se remettre du choc et se percha sur son épaule.
— Maintenant que Mika n'est plus là pour te surveiller, qui d'autre que moi peut t'empêcher de faire des bêtises ? Raymond ?
Sur ce dernier mot, Phil ricana et la vampire ne put retenir un sourire.
Arrivée en bas, elle écarquilla les yeux et s'immobilisa, surprise.
— Qu'est-ce que tu fous ?
Raymond était torse nu, sa chemise à ses pieds, en train de déboucler la ceinture de son pantalon.
— Je te retourne la question, maugréa-t-il en suspendant son geste.
Katrina haussa les épaules et le rejoignit.
— Je t'accompagne. On se transforme, c'est ça ?
Raymond la dévisagea un instant, indécis et méfiant. Il finit par acquiescer doucement et acheva de se déshabiller.
— La police cherche des addicts, ils ne s'intéresseront pas à des chauves-souris.
Katrina retint un rictus narquois. Ce que disait Raymond n'était pas faux : les vampires devenus fous après avoir consommé du sang humain n'étaient plus en état de se transformer. Mis à part elle. L'exception qui confirmait la règle, tout simplement.
Elle glissa ses vêtements dans un coin sous les escaliers. Autant les retrouver à peu près ordonnés lorsqu'elle rentrerait plutôt qu'abandonnés en tas au milieu du hall, à l'endroit même où elle se serait transformée. Au diable la pudeur, donc.
La vampire frissonna quand une brise fraîche effleura sa peau nue. Elle ferma les yeux et expira profondément. Des picotements parcoururent chaque centimètre carré de sa chair et se répandirent profondément dans ses muscles. Quand elle rouvrit les paupières, elle se trouvait au ras du sol, ailes repliées contre elle-même.
Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas revêtu sa forme de chauve-souris. Elle écarta les bras, à présent fines membranes fixées contre son ventre, et sentit le moindre courant d'air les frôler, prêt à la soulever, à la faire virevolter dans le ciel, comme elle y prenait plaisir il y avait de cela tant d'années.
Quand elle revint au présent, Raymond était également transformé et l'attendait devant la porte entrouverte, Phil à ses côtés. Elle les rejoignit prestement. Ses yeux s'attardèrent un court instant sur le squatteur numéro un. Lui qui faisait toujours un mètre cinquante de moins qu'elle était à présent à sa hauteur. Une sensation bien étrange...
— Bon, on va où ? interrogea-t-elle.
— Et c'est maintenant que tu demandes... grommela Phil.
— Vous le saurez quand nous serons arrivés. Suivez-moi et volez près des murs et du sol. Si une voiture passe, cachez-vous comme vous le pouvez. Si vous me perdez de vue, faites demi-tour, n'essayez pas de me chercher. Dès que nous aurons pris notre envol, ce sera silence absolu jusqu'à destination. C'est clair ? Des questions ?
Phil ouvrit la bouche, mais Katrina s'empressa d'intervenir avant que son colocataire ne les retarde avec une question qu'elle s'imaginait déjà totalement inutile :
— Compris. Allons-y.
Phil se rembrunit et grommela quelque chose d'inintelligible. Raymond passa la tête dans la rue pour s'assurer que la voie était libre, puis il leur fit signe de le suivre et s'élança dans la nuit noire.
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